Au quart de tour

Après les classiques de plaine, les forçats de la route se sont tapés les difficultés de Liège-Bastogne-Liège. Pour beaucoup, la vieille classique ardennaise est ce qui se fait de mieux au calendrier cycliste. Elle donna, une fois de plus, la pleine mesure de sa génération en ne permettant qu’au meilleur d’émerger à Ans: l’Américain Tyler Hamilton de l’équipe Team CSC. Directeur sportif de l’écurie Lotto-Domo, Claude Criquiélion était évidemment au balcon de la course en pilotant la voiture de son groupe sportif. L’ancien champion du monde sur route s’intéresse aussi au football. Consultant de Match 1, Benoît Thans connaît bien le « Criq », a suivi plusieurs fois la Bataille des Ardennes et rêve d’en faire autant un jour lors d’une étape du Tour de France.

Liège-Bastogne-Liège ou Manchester-Real?

Benoît Thans: Je suis Liégeois et ce n’est pas un choix facile. La Doyenne fait carrément partie du patrimoine culturel de ma région. Liège-Bastogne-Liège offre des duels exceptionnels tout au long d’un parcours comme il n’y en a que chez nous. Le décor est exceptionnel, la Belgique découvre qu’elle est belle. J’y ai assisté plusieurs fois de visu au sacre des plus grands champions. Il ne peut être question de chance, comme parfois lors des premières classiques, et c’est toujours le plus fort qui s’y impose. Liège-Bastogne-Liège est connu dans le monde entier. C’est bien de protéger un tel monument et on aurait dû en faire autant pour le GP de Formule 1 de Spa-Francorchamps. Malgré tout cela, j’opte pour Manchester-Real. qui fait déjà partie de la légende.

Claude Criquielion: La Doyenne. Un truc unique. C’est un tournant dans la saison. Le début de saison est, en quelque sorte, réservé à des spécialistes des bordures et des pavés. Moi, j’ai toujours fait l’impasse sur l’Enfer du Nord. Mais, que ce soit à la Flèche Wallonne, ou surtout à la Doyenne, les meilleurs sont là sans exception. C’est à Liège que tous les cracks du classement des points UCI se retrouvent pour la première fois de la saison. Ils sont là pour la gagne et afin de s’élancer vers le Giro et les épreuves par étapes. On y voit un Armstrong ambitieux alors qu’il a été au Tour des Flandres sans ambition et pour voir ce que c’était. Indurain et tant d’autres grands champions entamaient vraiment leur saison lors de la Doyenne. « Juillet sans Tour: un pique-nique sans saucisson »

Tour de France ou Ligue des Champions…

Claude Criquielion: La Grande Boucle que j’ai parcourue comme coureur, responsable des relations publiques, consultant de la RTBF ou désormais dans le rôle de directeur sportif est très dure. Un Tour de France peut se gagner ou de perdre tous les jours. On ne peut pas se permettre une seconde d’inattention. La Ligue des Champions est magnifique mais c’est un peu comme la Formule 1, on sait à l’avance, ou presque que les plus riches, se retrouveront à l’arrivée. Le Real est superbe mais c’est un club où l’argent coule à flots et le coach reçoit les meilleurs joueurs du monde: Ronaldo, Zidane, bientôt Beckham. En cyclisme, la glorieuse incertitude du sport peut toujours permettre à un coureur inattendu de gagner.

Benoît Thans: Le Tour est la plus grande et probablement la plus belle épreuve sportive au monde. Si on me proposait de choisir entre la finale de la Ligue des Champions et la dernière étape du Tour de France, aux Champs-Elysées, j’opterais pour le football. Mais le Tour dans son ensemble, c’est la Ligue des Champions tous les jours pendant un mois. Va pour le Tour qui est aussi synonyme, pour tout le monde sauf les coureurs, de vacances, de soleil et de visite des belles régions de la France profonde. Juillet sans la Grande Boucle, ce serait un pique-nique sans saucisson.

Van Petegem ou Ronaldo?

Benoît Thans: Pour le moment Ronaldo parce qu’il dure, qu’il est revenu de loin après des blessures graves, qu’il résiste à toutes les critiques et à toutes les louanges. C’est plus fort, physiquement et mentalement, que de monter le Ventoux ou de gagner Paris-Roubaix. Je suis fier de Van Petegem mais Ronaldo flirte avec l’exceptionnel. C’est, je crois, le sportif le plus médiatisé au monde. Fort sur le terrain, il l’est aussi en tant qu’homme pour résister au poids d’une telle renommée. Ronaldo ne peut pas choisir ses courses: il doit gagner tous ses matches

Claude Criquielion: Je vais quand même dire Van Petegem car on ne gagne pas toutes les années, et coup sur coup, deux classiques comme le Tour des Flandres et Paris-Roubaix. Van Petegem est aussi à sa façon un grand buteur et s’il avait été motivé précédemment comme il l’est de nos jours, ce gars serait devenu un autre Museeuw. Quand il gagna son premier Tour des Flandres, l’équipe TVM a fait la fête pendant 15 jours, sa saison était bonne . Il a mûri et à 33 ans, chez Lotto-Domo, Peter sait que c’est le moment ou jamais d’écrire un grand palmarès.

De Bilde ou Vandenbroucke?

Claude Criquielion: Ils s’entendent bien. C’est le pot et le couvercle. Ils sont trop souvent blessés. Gilles tire sur l’élastique. Frank essaye de revenir à la « une » et je crois qu’il y parviendra un jour. J’aime bien VDB en tant qu’athlète mais moins son côté fanfaron.

Benoît Thans: J’apprécie beaucoup Gilles et Frank. Ce sont des talents purs qui n’ont pas été aidés. Ils sont francs, bohèmes, rebelles, marginaux, ont touché à tout, de la gloire aux défaites cuisantes. « Le Giro, c’est la Coupe de l’UEFA »

Zidane ou Museeuw?

Benoît Thans: Zinedine car il est sur le point, selon moi, de devenir le meilleur footballeur de tous les temps ou au moins l’égal de Pelé. A son âge, Johan reste remarquable et a l’art de préparer et d’atteindre ses objectifs.

Claude Criquielion: Le Lion des Flandres. Zizou, c’est extra mais je trouve qu’il en remet parfois, la joue un peu perso. Museeuw a été blessé, est revenu, a gagné des classique sur sa classe mais surtout grâce à sa volonté. Johan est, à sa façon, un monstre du cyclisme, un exemple pour tous. Il a souvent porté tous les espoirs du cyclisme belge. Quand cela ne rigole pas, Zizou n’est pas seul. Il a Ronaldo, Roberto Carlos, Figo ou Raul près de lui.

Giro ou Calcio?

Claude Criquielion: Giro. Il y a plus de comédiens dans le Calcio.Nous allons au Tour d’Italie cette saison pour Verbruggen, pour nos jeunes, etc.

Benoît Thans: Calcio. Je parle italien, j’adore la mentalité italienne, ce goût de la beauté et de la perfection. Le Calcio est, en plus, le plus éprouvant des championnats de football. Le Giro est écrasé par le Tour de France. C’est la Coupe de l’UEFA du cyclisme, cette épreuve ne m’intéresse, hélas, pas plus que cela.

Beckham ou Ullrich?

Benoît Thans: Beckham. Dans son sport, il fait preuve de plus de finesse, et de sens de la création qu’Ullrich. Ce dernier a signé un coup d’éclat en gagnant le Tour de France mais il n’a pas remis le couvert alors que Beckham le fait sans cesse avec Manchester. Ullrich est une machine, Beckham un artiste qui sort de l’ordinaire.

Claude Criquielion: Beckham aussi même si je ne sais pas ce qu’il va aller faire au Real Madrid. Je ne comprends pas que Ferguson l’ait laissé sur le banc en début de match contre le Real. C’est comme si Lotto-Domo n’avait pas retenu Van Petegem pour le Tour des Flandres. Après ses buts, on a pu lire des mots méchants sur ses lèvres. Entre lui et Ferguson, c’est pas la joie. Vinokourov a ému

Jestrovic ou Vinokourov?

Benoît Thans: Nenad, c’est une bombe. Il a tout pour devenir un des plus grands renards des rectangles. On voit peu de buteurs comme lui en Belgique. Pourtant, puisque les élections approchent, je vote en faveur de Vinokourov. Il m’a touché, m’a épaté, m’a ému en gagnant Paris-Nice en signe d’hommage à son ami Kivilev qui trouva la mort lors d’une chute sur les routes de la Course au Soleil. Il s’est également imposé au bout de l’Amstel Gold Race. Vinokourov a offert à tous un message d’une énorme sincérité sportive.

Claude Criquielion:. J’apprécie Vinokourov. Pour son geste mais surtout pour sa classe sur un vélo. S’il gagne encore une classique, ce sera un méchant client pour Van Petegem en tête de la Coupe du Monde. Jestrogoal a le sens du but dans le sang. Toutes les défenses belges ont peur de lui. L’intérêt des grands clubs européens pour lui ne m’étonne pas.

Maillot arc-en-ciel ou maillot des Diables Rouges?

Claude Criquielion: Il n’y a aucun maillot plus beau que celui de champion du monde sur route. On le reconnaît tout de suite. On trouve celui des Diables Rouges dans tous les magasins.

Benoît Thans: Noir-jaune-rouge. Pour moi, c’est le plus bel assemblage de couleurs car ce sont celles de mon pays. Il y a beaucoup de joueurs qui rêvent de rejoindre un jour la troupe des Diables Rouges mais peu y arrivent car la concurrence est sévère. Je suis un homme de groupe et le maillot tricolore rassemble plus que la tenue irisée.

Boonen ou Mudingayi?

Benoît Thans: Tom Boonen. Il a déjà montré le bout du nez. C’est un jeune coureur de talent. Le médian défensif de Gand a des atouts aussi mais il n’a pas encore fait autant parlé de lui.

Claude Criquielion: Boonen aussi. Je ne connais pas Mudingayi. A lui de saisir la chance que lui offre Aimé Anthuenis et je répondrai peut-être Mudingayi dans un ou deux ans.

Pierre Bilic

« Je suis fier de Van Petegem mais Ronaldo flirte avec l’exceptionnel » (Benoît Thans)

« On trouve le maillot des Diables Rouges dans tous les magasins » (Claude Criquielion)

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