AU NOM D’IGOR

Bruno Govers

Privé de son pote brésilien De Camargo, Snellie cherche une nouvelle voie.

Grâce à un goal inscrit contre Lokeren, le 28 janvier, et synonyme de la conquête d’un premier point pour le FC Brussels en 2006, l’année n’aurait pu mieux débuter pour Kristof Snelders (23 ans). Ce but, l’attaquant vif-argent l’attendait par ailleurs depuis pas mal de temps. Quasiment un an, pour être tout à fait précis, puisque sa dernière réalisation remontait au 20 février 2005, à l’occasion de la visite de son ancien club, le Germinal Beerschot, au stade EdmondMachtens. L’espace de cinq saisons au Kiel, le fils d’ Eddy, ex-adjoint d’ Aimé Anthuenis chez les Diables, s’était signalé par une bien belle productivité : 22 roses en 91 joutes. Des chiffres qui contrastent avec le total qu’il a emmagasiné jusqu’à présent pour le compte de son employeur molenbeekois : 4 en 46 matches.

 » Je n’ai pourtant pas l’impression d’avoir perdu mon sens du but en passant de l’un à l’autre « , dit-il.  » Mais le contexte au sein duquel je dois m’exprimer est complètement différent. Chez les Rats, j’aurai eu l’immense bonheur de vivre un âge d’or, qui coïncidait avec la fin de carrière de Marc Degryse. Celui-ci était un régisseur qui n’avait pas son pareil pour alimenter les avants, qu’il s’agisse de Victor, Cadu ou de moi-même. Ici, le topo n’est pas du tout le même. Depuis mon arrivée, je ne joue plus comme attaquant mais plutôt en fonction du joueur le plus avancé de l’équipe. Au départ, il en allait là d’ Aloys Nong, puis d’ Igor De Camargo. A présent, MichaëlNiçoise a pris le relais avant que le nouveau venu, Moussa Sanogo n’obtienne sans doute sa chance, lui aussi. Dans tous ces cas de figure, je fais office de complément, d’acolyte. Ce statut n’est pas pour me déplaire, même si la griserie consécutive à un goal me manque parfois. Par rapport à ma période anversoise, j’ai en tout cas le sentiment d’être devenu un meilleur joueur à la rue Malis. Avant, j’étais un voleur de buts, sans plus. Chez les Coalisés, par la force des choses, j’ai appris à m’impliquer davantage dans le jeu. Je perçois mieux la réalité du terrain, les situations de match. C’est peut-être très bizarre à avouer, mais je prends davantage mon pied comme footballeur, à Molenbeek, qu’au Kiel jadis. Je me sens plus utile au collectif, même si d’autres bénéficient probablement plus que moi de mon implication sur la pelouse « .

La tête et les jambes

L’année dernière, c’est le médian tchèque Richard Culek qui avait essentiellement profité de l’incessant labeur entre les lignes du pocket player anversois pour se forger une jolie réputation comme pourfendeur de défenses, avec une dizaine de buts à son actif. Cette fois, tout au long du premier tour de la compétition, c’est Igor De Camargo qui se sera régalé du judicieux apport de son compère, avec 9 goals. Un chiffre des plus enviables qui aura permis au Brésilien d’obtenir un transfert juteux au Standard. Mais qui risque aussi de ne pas rester sans incidence pour Kristof. Car celui-ci ne cache pas qu’il doit beaucoup à Igol, avec qui la complicité ne se limitait pas qu’au seul terrain de football. Dès qu’il fallait choisir un partenaire pour l’une ou l’autre activité, comme le karting par exemple, les deux faisaient toujours cause commune.

 » Jusqu’à présent, durant ma jeune carrière, j’ai déjà £uvré au côté de bon nombre d’attaquants « , observe Snellie.  » Mais je n’ai jamais ressenti avec eux les mêmes atomes crochus qu’avec Igor. Dès sa venue au club, en janvier de l’année passée, j’ai compris que nous étions faits pour nous entendre. Avec Victor et Cadu, j’en connaissais pourtant un fameux bout, déjà, sur les Brésiliens. Mais De Camargo n’était pas comparable. Autant ses devanciers jouaient toujours la carte individuelle, autant Igor pensait de façon collective, malgré le peu de buts que j’ai inscrits sur ses services. Il n’empêche que je me sentais toujours comme un poisson dans l’eau à ses côtés. Aligné en pointe, il avait à la fois l’art de dévier astucieusement une balle de la tête, en profondeur, ou bien de contrôler judicieusement le cuir dans l’attente de renfort. Je ne compte plus le nombre de bons services que j’ai pu négocier dans de telles conditions. J’ai rarement vu un gars aussi redoutable de la tête que lui. Sans compter son extraordinaire couverture de balle. Avec lui, je n’ai jamais couru dans le vide. C’était pourtant régulièrement mon lot avec les autres Cariocas. A leurs côtés, je piquais régulièrement des sprints pour rien. Il n’y avait d’ailleurs pas que sur la pelouse que notre complicité était franchement totale. Lors des mises au vert, ou à l’occasion d’activités extra-sportives, nous étions toujours ensemble. Son départ au Standard est une immense perte pour le club et pour moi en particulier. C’est sûr qu’il va me manquer comme nul autre « .

Manque de taille

L’Igor-dépendance ne s’est pourtant pas encore trop fait sentir jusqu’à présent chez les Coalisés. Du moins dans les chiffres. Avant le déplacement à Zulte Waregem, l’équipe molenbeekoise comptait 7 points en 7 matches (victoires contre Beveren et Westerlo, partage face à Lokeren et défaites devant le Club Bruges, Anderlecht, Charleroi et La Gantoise) depuis l’entame des matches retour. Soit une unité de plus qu’à la faveur de la même séquence, à l’aller. Mais comparaison n’est pas tout à fait raison, dans la mesure où De Camargo ne rallia les rangs des Rouches qu’à la fin du mois de janvier, au moment où trois rencontres du deuxième round avaient déjà été disputées. Depuis son départ, en réalité, le FC Brussels n’a inscrit qu’un seul et maigre petit but : contre Westerlo.

 » Ce n’est qu’après l’ultime journée du championnat qu’il faudra faire un bilan « , souligne Snelders.  » A ce moment-là seulement, on pourra mesurer l’impact réel de l’absence d’ Igol, pas avant. Mais son départ entraîne une toute nouvelle donne chez nous. Tout d’abord, nous ne possédons plus de véritable pivot, habile de la tête et des pieds comme lui. Michaël Niçoise et moi tablons davantage sur d’autres armes, comme la vitesse par exemple. D’autre part, Moussa Sanogo, présente un profil à peu près similaire au nôtre. Personnellement, mais c’est un avis qui ne concerne que moi, j’ai le sentiment que nous allons essentiellement manquer de taille, aux avant-postes, dans les semaines et les mois à venir. Richard Culek, excellent dans le trafic aérien, peut, certes, pallier cette lacune sur les phases arrêtées, mais non dans l’élaboration du jeu proprement dit. D’autre part, il ne s’agit pas, non plus, de changer pour le plaisir de changer. Surtout ce qui a fait ses preuves. Depuis le début de la saison, la défense et l’entrejeu ont, ainsi, accompli du très bon travail grâce à une organisation rigoureuse. C’est d’autant plus remarquable que, la saison passée, nous avions encaissé au moins un but à la faveur de 32 des 34 parties que nous avions disputées. Il convient, bien évidemment, de conserver cette solidité en ne modifiant pas les rôles. L’idéal, à mes yeux, consisterait tout simplement, au départ des composantes habituelles, à varier d’approche. Au lieu de procéder par de longues balles à suivre, pourquoi ne pas opter pour un jeu plus académique, au ras du sol ? Avec un technicien de la trempe de Wery Sels, nous avons les moyens d’y parvenir « .

Nouveau contrat

Le futur prochain a, il est vrai, de quoi interpeller Snellie. C’est qu’il arrive au bout de son bail de deux ans et qu’il ne lui déplairait guère de s’inscrire dans la durée au stade Machtens, où il a été adopté par tout le monde, sans exception : ses coéquipiers, qui l’apprécient pour sa gouaille, ses entraîneurs qui mettent en exergue sa volonté de bien faire en toutes circonstances et, enfin, le public qui l’a considéré dès le début comme l’un des siens. Une attitude qui contraste avec la conduite de Grenoble qui lui était réservée sur la fin, au Kiel, où une frange de sympathisants ne pouvait le souffrir. En cause : les liens familiaux puisque son grand-père, René Snelders y faisait partie du comité directeur, au côté de l’autre homme fort du défunt Germinal Ekeren, précurseur de l’entité actuelle : Jos Verhaegen.

 » Au départ, mon patronyme m’a peut-être aidé « , confesse le joueur.  » Mais, à la longue, il m’a de plus en plus desservi. A la limite, je suis satisfait, aujour-d’hui, que mon père ne soit plus adjoint en équipe nationale. Imaginez qu’un jour, pour je ne sais quelle raison, je tombe dans les grâces du sélectionneur. Certains, pour ne pas dire beaucoup, auraient évidemment fait le lien avec mon paternel, alors qu’il s’est toujours montré un critique des plus sévères envers moi. Idem d’ailleurs pour mon grand-père. C’est pourquoi, je ne suis plus du tout disposé à militer dans un club où l’un de mes proches est impliqué. Même si le Germinal Beerschot m’offrait un pont d’or, je choisirais une autre option. L’idéal, pour moi, serait toutefois un séjour prolongé dans la capitale. Je ne cache pas que je me sens bien au FC Brussels. Sportivement et humainement, j’ai pris de la bouteille. Et ce fut un véritable régal de pouvoir travailler ici, tour à tour, sous les ordres de trois entraîneurs aussi compétents qu’ Emilio Ferrera, Robert Waseige et, surtout, Albert Cartier. Je me suis bonifié de 20 % à son contact. Aussi, s’il reste, je souhaiterais pouvoir l’imiter. Mais cette décision n’est pas de mon ressort uniquement. Il faut aussi l’aval de la direction. Il me reste une dizaine de matches pour lui prouver le bien-fondé d’un nouveau contrat et je veux mettre tout en £uvre pour y parvenir « .

BRUNO GOVERS

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