AU FORCEPS

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Les Dragons ont assumé leur rôle de favoris : ils retrouvent l’élite.

Le séjour en enfer n’aura finalement duré qu’un an pour les Montois. Relégués en D2 en mai 2005, ils ont arraché in extremis, lors de la toute dernière journée, un nouveau billet pour la D1. La direction avait choisi de conserver toute la colonne vertébrale de la saison 2004-2005 : un bon choix. Qu’il s’agisse du gardien Cédric Berthelin, du défenseur central Dare Nibombe, du médian offensif Alessandro Cordaro ou de l’attaquant Jérémie Njock, tous avaient déjà connu la D1 avec ce club. Pour les cadres de l’équipe type, la période d’intégration était déjà terminée au moment où le championnat a débuté : c’est sans doute l’une des explications du titre. Et José Riga, qui faisait ses débuts de T1 après son stage d’adjoint au Standard, a su lier rapidement la sauce.

La saison montoise commentée par ceux qui ont connu la D1 hier et vont la redécouvrir demain.

Cédric Berthelin sur les tournants

 » Le grand tournant de la saison, ce fut la volte-face de la fédération qui nous a retiré les points pris contre Beringen-Heusden-Zolder après les avoir maintenus dans un premier temps. Une décision aberrante que nous avons eu beaucoup de mal à digérer. Comment peut-on passer du noir au blanc alors qu’il n’y avait aucun élément neuf dans le dossier ? Nous avions pris six points contre ce club : notre contrat était rempli. Il n’est pas normal qu’on nous oblige ensuite à payer pour les manquements de sa direction et sa faillite. On a beau me dire que l’Union Belge n’a fait qu’appliquer le règlement ; pour moi, ce règlement est complètement dépassé. Quand on nous a annoncé que nous gardions nos six points, nous étions toujours largement en tête du classement et nous nous sommes inconsciemment relâchés parce qu’il ne pouvait plus rien nous arriver. Et quand les points de ces deux victoires nous ont été retirés, le ressort était un peu cassé, nous avions levé le pied et Overpelt-Lommel en avait entre-temps bien profité. Quoi qu’il en soit, si l’éthique sportive avait été respectée, nous n’aurions pas dû attendre jusqu’à la dernière journée pour fêter le titre.

Si je dois citer un match référence, c’est notre victoire à Overpelt-Lommel : 0-4. Ce jour-là, nous avons bien montré que Mons était incontestablement la meilleure équipe de D2. Nous avions aussi atomisé Courtrai : 6-1. Nous ne faisions que confirmer notre excellente campagne de préparation. Une campagne qui a quand même eu des effets négatifs. Nous avions repris les entraînements fin juin alors que le championnat ne commençait que deux mois plus tard. C’était un v£u de la direction car il fallait intégrer plusieurs nouveaux joueurs et un nouveau coach. Vu sous cet angle, elle avait raison. Mais nous l’avons payé en décembre : nous étions sur les rotules et nous n’en avons plus touché une pendant un mois. Nous avons aussi abandonné quelques points stupidement en nous faisant remonter au score dans les dernières minutes. Un manque de concentration et de combativité. Des erreurs impardonnables. Si nous ne les avions pas répétées, il y a plusieurs semaines que nous aurions fêté le titre « .

Dare Nibombe et la pression

 » Les dirigeants ont été clairs dès l’été dernier. Il fallait faire remonter Mons, ce club ne pouvait pas se permettre deux ans en D2. La pression était énorme sur les épaules de tous les joueurs. Mais c’était une pression positive, plus facile à gérer que le stress du maintien que certains avaient connu quelques semaines plus tôt. Celui-là, c’était un stress très négatif. Les dirigeants ont mis les petits plats dans les grands : nous avons continué à vivre comme des pros, en ayant plusieurs fois par semaine deux entraînements par jour. L’entraîneur a souvent essayé de nous retirer une partie de cette pression. Il nous incitait à ne penser qu’au match suivant, à ne pas voir plus loin. Mais nous étions bien conscients qu’il n’y aurait qu’un résultat acceptable au bout du compte : le titre. Le président venait régulièrement nous parler et nous faisait remarquer qu’il honorait sa partie du contrat : il nous payait à heure et à temps. Sous-entendu : -A vous de faire la même chose en gagnant vos matches. Il y a trois semaines, quand Overpelt-Lommel nous a dépassés, il est venu dans le vestiaire pour nous confier qu’il était découragé et que, si Mons ne remontait pas à la fin de cette saison, il risquait fort de partir. Son discours nous a glacés. Mais, chaque fois que la pression remontait, le coach faisait le maximum pour soulager les esprits « .

Alessandro Cordaro et les qualités du noyau

 » Je suis sûr et certain que cette équipe se serait maintenue sans aucun problème en D1. Elle aurait même navigué aux alentours de la douzième ou treizième place. On va sans doute me faire remarquer que, si c’était si frappant, nous aurions dû complètement survoler le championnat. Le problème, c’est que notre concurrent direct, Overpelt-Lommel, a aussi de fameux arguments. Il n’y avait pas une, mais deux équipes carrément au-dessus du lot. Nous avons joué contre trois clubs de D1 : nous avons battu le Brussels en période de préparation, nous avons éliminé La Louvière en Coupe puis nous avons été sortis de cette Coupe par Mouscron en ayant joué un match extraordinaire.

Ce groupe est plus fort que celui qui a basculé en D2 il y a un an. Il a plus de qualités footballistiques, mais surtout un état d’esprit complètement différent. Cette saison, c’était toujours positif, la bonne humeur était permanente, on rigolait toujours dans le vestiaire. Et l’envie de croquer l’adversaire était énorme. On était très loin de ça pendant tout le championnat où Mons s’est battu dans le fond du classement pour finalement culbuter en D2. J’ai l’impression d’avoir retrouvé l’ambiance de la première année en première division, avec Marc Grosjean. A l’époque, j’étais encore dans le noyau de Réserve et je montais de temps en temps chez les pros. Chaque fois, j’étais frappé par la bonne humeur et la décontraction. Cette atmosphère-là est revenue « .

Jérémie Njock et l’osmose coach-groupe

 » José Riga a avec nous la relation qu’un maître d’école entretient avec ses élèves. Peu d’éclats de voix, et quand il y en a, c’est toujours dans un rôle constructif, pas pour nous démolir mentalement. Dès le début, il a bien montré que tout le monde serait traité sur le même pied : il a le même discours et les mêmes remarques vis-à-vis d’un jeune comme Cordaro que d’un gars qui a connu plein de grandes choses comme Eric Rabesandratana. Son travail psychologique est parfait. Au cours des dernières semaines, il a constaté que la pression augmentait sérieusement dans le groupe : il a tout fait pour nous en débarrasser et la prendre sur ses épaules. Le contenu de ses entraînements m’a aussi impressionné. Nous travaillons énormément la possession de ballon, la construction offensive, la finition et les phases arrêtées. Il nous répète souvent que, si on possède le ballon pendant la plus grande partie du match, on ne peut que le gagner. Il nous incite aussi à ne pas trop courir ; pour lui, c’est l’adversaire qui doit couvrir le plus de kilomètres. José Riga vise chaque semaine un foot spectaculaire et exemplaire. Nous n’avons pas abordé un seul match avec l’ambition de ne prendre qu’un point. Tant à l’extérieur qu’à domicile, la victoire était le seul objectif. Il n’aurait pas supporté que nous restions figés près de notre rectangle en attendant de pouvoir contre-attaquer, ça ne correspond pas à sa philosophie. Quand nous avons affronté Mouscron en Coupe de Belgique, il nous a demandé de presser le plus haut possible dès les premières minutes. Il exige un foot total avec une implication de tous les joueurs dans les phases tant défensives qu’offensives.

Dans 95 % des cas, José Riga avait parfaitement prévu ce qui se passerait. Quand nous sommes allés à Overpelt-Lommel pour le match de l’année, cette équipe avait plusieurs blessés. Mais le coach savait exactement qui jouerait et comment ce choc allait se dérouler. Il nous a expliqué le scénario à la théorie et tout s’est vérifié. Sa lecture du jeu et son travail de scouting sont impressionnants. Il nous donne les grandes lignes du jeu de l’adversaire, il y consacre une dizaine de minutes, puis il conclut en disant : -Allez-y, vous avez les cartes en mains. Je me suis éclaté toute la saison et c’est comme ça que j’ai terminé meilleur buteur de la D2 « .

PIERRE DANVOYE

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