Au coeur du monstre

Trois jours dans l’atypique ambiance NBA. Décor d’enfer et envers du décor.

New York. Ground Zero, devenu un lieu de recueillement où défilent chaque jour, dans un quasi-silence étonnant, des centaines de visiteurs. Ses pompiers héros. Ses milliers de taxis jaunes qui vous font traverser Manhattan pour une poignée de dollars. Times Square et ses enseignes lumineuses géantes.

Mais aussi son temple du sport et du spectacle : le Madison Square Garden. The World’s Most Famous Arena, comme ils disent ici… Les plus grands se sont produits dans cette arène de 20.000 places. Que ce soit devant le bâtiment ou dans ses innombrables couloirs répartis sur six étages, les rappels historiques sautent aux yeux. Les posters foisonnent. Que de beau monde ! Cassius Clay, Joe Frazier, Evander Holyfield, Lennox Lewis, Nadia Comaneci, John McEnroe, Steffi Graf, Martina Hingis, Martina Navratilova, Kim Clijsters et Dominique Monami, Michelle Kwan. Elvis Presley, Prince, Pink Floyd, John Lennon, Paul McCartney, les Rolling Stones, Bruce Springsteen, Elton John, Luciano Pavarotti, Madonna. Bill Clinton, Jean-Paul II

Le Madison Square Garden, qui possède sa propre chaîne de télévision, est entre autres choses le port d’attache de trois équipes de sport : les New York Knicks (hommes) et le New York Liberty (femmes) en basket, et les New York Rangers en hockey sur glace. Ann Wauters sera d’ailleurs, prochainement, une habituée des lieux, puisqu’elle a signé au Liberty pour la saison à venir.

Un soir de match de NBA au MSG est une expérience unique. Deux heures avant le tip-off, l’ambiance commence à monter sur les trottoirs qui ceinturent le temple. Les revendeurs de places sont excités comme des puces. Sésames précieux ou pure camelote ? Un grand panneau lumineux recommande en tout cas de ne pas acheter de tickets dans la rue car il ne s’agit probablement que de copies. Les détecteurs de faux billets trancheront. Première étape pour le spectateur : réussir le périlleux test de la fouille. On ne rigole pas dans Big Apple : toute personne pénétrant dans le Madison Square Garden doit subir l’épreuve du détecteur de métaux. Syndrome du 11 septembre ? C’est vrai que les tours jumelles étaient à deux pas d’ici !

La proximité joueurs-publics : un des ingrédients du succès ?

La première découverte de la salle est un grand moment. Imaginez : 20.000 places, c’est pour ainsi dire autant que le stade d’Anderlecht ou du Standard ! Faut-il être riche pour assister à des matches de NBA ? Oui et non. Si l’envie vous prend d’être à quelques mètres du parquet, dans le dos des stars généralement installées au premier rang ( Woody Allen possède une place à l’année, Mike Tyson et Boris Becker sont parfois signalés, et les plus grandes actrices américaines assistent fréquemment aux matches des Knicks), il vous en coûtera 290 dollars. Même pour 4 x 12 minutes de tout grand show, ce n’est pas donné ! Mais la NBA ne snobe pas les couches défavorisées : pour 10 dollars, on peut s’asseoir… au ras du toit de la salle.

C’est ici qu’apparaît l’un des charmes de la NBA. Si ce championnat aligne certains des sportifs les mieux payés des Etats-Unis (un exemple : Stephon Marbury, arrivé chez les Knicks en cours de saison, a signé un contrat de 30 millions de dollars pour cinq ans !), le grand public a toujours l’occasion de les approcher, de les toucher, de leur parler. Entre l’échauffement et le retour au vestiaire pour le dernier briefing tactique, les joueurs repassent entre des gosses à la quête d’autographes. Et s’exécutent gentiment. On a du mal à imaginer que, dans une demi-heure, ils joueront un match comptant pour tout sauf pour du beurre. Pendant l’échauffement, quelques enfants osent même monter sur le parquet pour tirer avec leurs idoles ! D’autres viennent s’y faire photographier, au milieu des stars. Les basketteurs new-yorkais se retremperont d’ailleurs dans le public après le match, pour quitter le Madison Square Garden par la même porte qu’une partie des spectateurs. On est à mille lieues de la Ligue des Champions ou de la Formule 1, avec leurs vedettes intouchables. Et si cette proximité était l’un des secrets du succès de la NBA et de l’Indycar (l’équivalent de la F1) aux USA ? Et une des explications du peu d’intérêt suscité, dans ce pays, par la même Formule 1 et le soccer ?

 » Je vais virer le coach et ça me fait rire  »

Si le public est gâté, la presse l’est aussi. Une heure et demie avant le coup d’envoi, les vestiaires sont ouverts aux journalistes. Pour 45 minutes, pas une de plus. Quelques joueurs sont déjà sur le parquet, d’autres s’habillent seulement, se bandent les chevilles, s’échauffent sur un home-trainer ou regardent tranquillement un match sur l’écran géant du vestiaire. Un gardien fixe poliment les règles du jeu : si les caméras sont admises, les appareils photos sont proscrits.  » Un reporter japonais s’est risqué à prendre des photos ici ; son appareil est resté chez nous « , rigole-t-il.

Dans le couloir, un ex-monstre sacré de la NBA répond aux questions des journalistes : Isiah Thomas, nommé récemment manager des Knicks. Il explique que le coach vit peut-être ses dernières heures : DonChaney est contesté et le sait. Pendant que le manager explique la menace qui pèse sur lui, Chaney donne, de son côté, une conférence de presse lors de laquelle il signale qu’il va faire le maximum pour rester en place. Il sait sans doute que, dès le lendemain, il sera prié de prendre la porte pour laisser le poste à Lenny Wilkens, l’un des coaches ayant obtenu le plus de victoires dans l’histoire de la NBA. Thomas détaille ses arguments avec un sourire permanent au coin des lèvres : ces Américains ne sont décidément pas comme les autres ! Il ne semble avoir aucune compassion pour celui qu’il se prépare à mettre dehors.

Six minutes exactement avant le début du match, on assiste au premier temps fort de la soirée : l’hymne américain est interprété a capella par trois jeunes beautés noires. Le public, debout, est incroyablement concerné. L’identification au drapeau n’est vraiment pas une légende. Vient ensuite la présentation des joueurs. Le speaker, complètement déjanté, peut commencer son show, aidé par un marquoir géant qui, suspendu au plafond de la salle, fait défiler les gros plans. Ce speaker est véritablement un acteur de la soirée. Dès le match lancé, il murmure le nom du joueur adverse qui vient de marquer, mais hurle le nom et le prénom du New-Yorkais qui a trouvé le chemin vers le panier. Il mentionne aussi celui qui a donné l’assist. Et on ne vous dit pas à quel point il s’abîme la gorge quand les Knicks plantent un panier à trois points.

Les temps morts, en NBA, portent très mal leur nom. A peine les joueurs sont-ils réunis autour de leur coach, que le parquet accueille l’un ou l’autre spectacle : les cheerleaders (évidemment), mais aussi des spectateurs sélectionnés au hasard et invités à shooter, des gymnastes, des dunkers, des lanceuses de t-shirts, etc. C’est ça, le basket à la sauce américaine. Et dire que, 24 heures plus tôt, c’étaient des hockeyeurs qui se bagarraient sur la même surface. Au Madison Square Garden, le parquet, composé de 200 pièces, est simplement monté sur la patinoire, le matin des matches. Il y a, ici, comme un air de Spiroudôme. En trois fois plus grand !

Pierre Danvoye

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire