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 » AU CLUB, JE N’AI PAS TOUJOURS SU FERMER MA GUEULE « 

John Bico doit conférer de nouveaux accents à l’Antwerp mais sur le terrain, le Great Old compte sur les buts de Björn Vleminckx (30 ans). Après un passage raté au Club Bruges, l’avant a passé trois ans et demi dans l’anonymat en Turquie, où il a perdu le goût de jouer. Il a saisi la chance que lui offrait l’Antwerp.

On a tendance à associer le football turc à des supporters au sang chaud et à de grands clubs comme Galatasaray, Fenerbahçe ou le Besiktas. Gençlerbirligi dit quelque chose à certains mais pas Göztepe ou Erciyesspor. Ce n’est pas une honte car Göztepe joue en division deux et on ne trouve même plus trace d’Erciyesspor dans les divisions supérieures. Pourtant, ce sont les trois derniers employeurs turcs de Björn Vleminckx. Celui qui a été meilleur buteur d’Eredivisie en 2011, sous le maillot du NEC, n’a pas bénéficié d’une grande attention en Turquie.  » Ça ne m’a rien fait « , réagit l’avant.  » Quand je marquais, les journaux ne le remarquaient pas mais ils n’écrivaient rien non plus quand je n’étais pas dans le noyau. Parfait. On me fichait la paix, je vivais tranquillement avec ma femme et mes enfants. On avait déjà raconté assez de trucs sur mon compte.  »

Les clubs belges t’ont-ils aussi oublié ?

BJÖRN VLEMINCKX :Non. j’ai eu des contacts avec certains clubs quand j’étais en Turquie mais un retour n’était pas possible, pour des raisons financières.

Johan Timmermans, le président de Malines, a dit qu’aucun club belge ne pouvait satisfaire tes exigences.

VLEMINCKX :En effet. Je ne vais pas mentir et prétendre n’être allé en Turquie que pour le sport. J’y suis allé pour l’argent et j’ai atteint mon objectif. Je considère donc cette aventure comme une réussite, même si Erciyesspor me doit encore un an de salaire. La FIFA a promis que j’obtiendrais mon argent.

 » J’EN AVAIS MARRE DE LA TURQUIE  »

Tu as dû faire un fameux sacrifice en signant à l’Antwerp.

VLEMINCKX :Oui mais maintenant, l’argent arrive en seconde place. Je ne suis pas un footballeur rassasié qui vient empocher encore un peu de sous en vitesse. Nos négociations financières n’ont pris qu’un cinquième du temps. Je voulais avant tout jouer près de chez moi et redevenir un bon footballeur. Je voulais aussi retrouver le plaisir de m’entraîner et de jouer, ce que j’avais perdu en Turquie. Je me suis posé des questions, là.

As-tu réellement envisagé d’arrêter le football ?

VLEMINCKX : Oui. J’en avais marre de la Turquie car il était clair que j’allais jouer une saison en réserve à Göztepe. J’ai pensé que si je ne trouvais pas de chouette club dans les environs, il vaudrait sans doute mieux renoncer au football professionnel et jouer dans les divisions inférieures. Puis, quelques bons clubs se sont manifestés. Malines s’est intéressé à moi aussi.

Tu as bien débuté dans tes trois clubs turcs mais tu as chaque fois cédé du terrain.

VLEMINCKX : Là, dès que la direction cale, c’est fini. A Göztepe, j’attendais encore le salaire de septembre fin décembre. Mes problèmes ont commencé quand j’ai demandé des explications à la direction.  » On va te louer.  » Je n’en avais pas la moindre envie. Je suis longtemps resté sans jouer en équipe première. Certains m’ont dit que j’aurais mieux fait de la fermer mais je ne suis pas d’accord. J’avais le droit de toucher mon argent, même si ce n’était pas l’avis du club, apparemment.

Mon contrat stipulait que je pouvais pas m’entraîner avec le noyau B. J’avais appris cette leçon à Erciyesspor. Las, Göztepe a fait preuve de créativité. Il a formé un second noyau A spécialement pour moi et quelques autres joueurs. Comme mon contrat ne stipulait pas où les séances devaient se dérouler, le club m’a envoyé tous les jours à 50 kilomètres, dans les montagnes. Je devais signer un registre de présence. Parfois, nous nous entraînions à 9 heures puis à 17 heures et je devais faire la navette deux fois. Je n’ai pas cédé. De toute façon, je devais m’entretenir.

 » À BESIKTAS, JE NE M’ENTENDAIS MÊME PLUS RESPIRER  »

Quelle est la plus grande différence entre le football turc et le nôtre ?

VLEMINCKX :Là, on y va à fond pendant 90 minutes. On pense moins à la tactique. Les cartes jaunes et rouges affluent. Par exemple, le match entre Fenerbahçe et Galatasaray est une vraie guerre. Les supporters deviennent fous à la vue d’un simple tacle. Les interventions dures sont courantes dans ce genre de matches.

Jouer devant les supporters fanatiques du Besiktas, de Galatasaray ou de Fenerbahçe n’est-il pas intimidant ?

VLEMINCKX :Je ne suis pas vite impressionné. J’ai joué contre le Besiktas la veille du jour où on a démoli son stade. L’ambiance était dingue. Le Besiktas a déjà les supporters les plus fanatiques de Turquie et à mon sens, on avait fait entrer 10.000 personnes de plus que la limite. Ces gens ont fait un boucan de tous les diables. Je ne m’entendais même plus respirer. Je n’avais jamais vu ça. Je m’en souviendrai toujours.

Le Besiktas s’est intéressé à moi mais j’ai préféré suivre l’entraîneur, Fuat Capa, à Erciyesspor. Capa a été rapidement limogé et je me suis retrouvé sur une voie de garage mais qui sait ce qui se serait passé au Besiktas ? J’aurais pu devenir le meilleur buteur comme me retrouver de côté ? Y penser ne sert de toute façon à rien.

Gençlerbirligi est le club turc le plus connu sur ton CV. A tes débuts, tu as inscrit quatre buts. Pouvais-tu encore te balader tranquillement en rue ?

VLEMINCKX :Le fanatisme est plutôt l’apanage des grands clubs. Les gens me reconnaissaient mais sans me harceler. De mes trois clubs, c’est Göztepe qui a les supporters les plus chauds. J’y ai joué en division deux mais il y avait parfois 25.000 spectateurs. J’ai vécu la situation inverse à Erciyesspor. A la fin de la saison 2014-2015, à l’approche de la rétrogradation, il n’y avait que quelques centaines de supporters.

As-tu aussi découvert la face sombre du fanatisme à Göztepe ? Car quand ça va mal, les supporters n’hésitent pas à outrepasser les règles.

VLEMINCKX :Après la quatrième défaite d’affilée, nous sommes revenus à Izmir en pleine nuit. Les supporters, en colère, nous attendaient de pied ferme. Dans ces moments-là, un footballeur doit prendre ses responsabilités et ne surtout pas se cacher car ça voudrait dire qu’il n’est pas droit dans ses bottes. En compagnie de quelques joueurs, je me suis donc dirigé vers eux, la tête haute. L’ambiance était hostile mais je n’ai pas eu peur. En général, ça se réglait en dix minutes.  » Désolé, les gars, mais perdre ne nous fait pas plaisir non plus. Nous espérons que vous nous soutiendrez la semaine prochaine.  »

 » JE N’AI PAS HONTE D’AVOIR DÛ M’EFFACER POUR CARLOS BACCA  »

Tu dois avoir vécu des choses agréables aussi ?

VLEMINCKX :Ma famille et moi avons découvert un autre pays, une autre culture. Je trouve important que mes enfants aient vu, de leurs propres yeux, que les conditions de vie ne sont pas partout identiques à celles de la Belgique. Ma fille est allée à l’école pendant trois ans là-bas et parle couramment le turc. Elle était l’interprète de la famille. Mon fils de deux ans comprend le turc et je le parle un peu.

Qu’est-ce qui a requis le plus gros effort d’adaptation ?

VLEMINCKX :Notre intégration a été rapide à Ankara et à Izmir, les ports d’attache de Gençlerbirligi et Göztepe. Ces villes sont comparables à Amsterdam et Anvers. Ça a été plus difficile à Kayseri, où joue Erciyesspor mais en même temps plus amusant car nous avons été plongés dans une véritable culture musulmane. Pour trouver des produits occidentaux, je devais vraiment chercher. Ça prenait parfois du temps.

Imagine revenir trois ans et demi en arrière. Sachant ce que tu sais, montes-tu encore dans l’avion pour la Turquie ?

VLEMINCKX :Oui. Je referais presque tout de la même façon, à l’exception de certains choix de clubs. Un footballeur doit retirer le maximum de sa courte carrière, sportivement et financièrement. J’ai opté pour le sportif jusqu’à Bruges puis j’ai choisi l’argent. Comme j’avais encore dix ans devant moi quand j’ai quitté Bruges, je retournerais donc en Turquie.

Le fait que tu n’aies pas réussi au Club est étrange car si quelqu’un personnifie le No Sweat No Glory, c’est bien toi.

VLEMINCKX :Je trouve ça bizarre aussi. Ce qui s’est passé… C’est partiellement ma faute. On m’a rarement utilisé pour exploiter mes atouts, les passes du flanc. Nabil Dirar était le seul à m’en délivrer et je marquais régulièrement grâce à lui mais il a rejoint Monaco pendant la trêve hivernale. Nous avons adopté un système qui ne me convenait pas. Il ne faut pas me demander de dribbler quatre hommes ni de plonger dans les angles pour forcer quelque chose grâce à ma vitesse. Si les joueurs de Barcelone ne délivraient plus que des longs ballons à Lionel Messi, il n’obtiendrait plus le même rendement non plus.

Quel a été l’impact de l’éclosion de Carlos Bacca ?

VLEMINCKX :Il convenait très bien au système choisi, contrairement à moi. Grâce à sa vitesse, Carlos anticipait parfaitement les actions des ailiers. Il était un ténor en devenir et je n’ai donc pas honte d’avoir été renvoyé sur le banc, surtout en voyant la carrière qu’il réussit. Je regrette surtout que nous n’ayons jamais procédé avec deux avants. Peut-être Carlos et moi étions-nous complémentaires.

 » JE NE PARVIENDRAI JAMAIS À ME TAIRE  »

Tu viens de reconnaître une partie de responsabilités dans ce passage peu réussi. Que te reproches-tu exactement ?

VLEMINCKX :(il pèse ses mots) Je ne vais pas approfondir le sujet, pour ne pas en remettre une couche. Disons que je n’ai pas toujours su fermer ma grande gueule. Elle peut constituer un avantage mais pas toujours. Et à l’époque, elle a joué en ma défaveur.

Le Vleminckx qui est revenu en Belgique fin août est-il très différent de celui qui est parti en Turquie ?

VLEMINCKX :Je suis peut-être un peu plus brun. Plus vieux, plus sage, aussi. Mais sur le terrain, je n’ai pas changé. Je me livre à fond. C’est ma marque de fabrique. Sans elle, je perds beaucoup de moyens.

Et ta grande gueule ?

VLEMINCKX :Elle est toujours là mais je la contiens un peu, même si je n’arriverai jamais à me taire. On peut me dire ce qu’on veut pour autant que ce soit avec respect. Je traite les autres avec respect aussi. Personne ne peut m’accuser d’hypocrisie.

L’Antwerp, pour lequel tu trouves les chemins des filets, vise le titre. Pourquoi êtes-vous sûrs d’être champions ?

VLEMINCKX : Regardez nos qualités. Ça ne peut tout simplement pas foirer. Je ne peux pas l’imaginer un instant.

Il recelait du talent la saison passée aussi, à part à ta position. Es-tu le chaînon manquant ?

VLEMINCKX :(il rit) Je peux difficilement le dire moi-même. Le fait est que ce club respire le football et la nostalgie. Les supporters veulent des joueurs qui se battent pour l’équipe pendant 90 minutes. Ça me convient.

PAR PHILIPPE CROLS – PHOTOS BELGAIMAGE – CHRISTOPHE KETELS

 » J’ai privilégié l’aspect sportif jusqu’à mes années brugeoises. Ensuite, j’ai surtout songé à l’argent.  » BJÖRN VLEMINCKX

 » Je n’imagine pas un seul instant que le titre puisse échapper à l’Antwerp.  » BJÖRN VLEMINCKX

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