ATTAQUER ?

Le président de la Fédération Gaucha a vécu toutes les Coupes du Monde disputées par le Brésil depuis 1962.

Sur la porte de son bureau, une plaquette indique : CBF, Ricardo Teixeira président, Emidio Perondi vice-président. Teixeira ne vient jamais…  » Teixeira et moi, on se voit une fois par mois, lors des réunions mensuelles de la CBF à Rio de Janeiro « , explique Perondi.  » Je suis l’un des vice-présidents de la CBF et le président de la Federaçao Gaucha de Futebol, qui englobe les Etats du sud du Brésil : Parana, Santa Catarina et Rio Grande do Sul « .

L’homme est rondouillard, bon vivant et n’hésite pas à se frapper le ventre, à donner une tape sur l’épaule du visiteur ou à partir d’un grand éclat de rire. Il ouvre fièrement un album de photos qui le montre en compagnie des plus grands : Pelé, Ronaldo, Ronaldinho ou encore Joao Havelange. Les Coupes du Monde, il les a pratiquement toutes vécues.  » J’ai assisté à ma première sur place en 1962 au Chili « , relate-t-il.  » Je m’y étais rendu comme simple supporter. En 1958, lorsque le Brésil est devenu champion du monde pour la première fois en Suède, j’étais malheureusement réquisitionné pour le service militaire. Depuis, je n’ai rien raté « .

Il a été à plusieurs reprises chef de délégation :  » Des liens d’amitié indéfectibles se sont noués. C’est sans doute la plus belle chose qui soit. Ensuite, il y a le sentiment d’avoir été un témoin privilégié de l’évolution du football. J’ai connu les grands joueurs brésiliens lorsqu’ils étaient adolescents, et au Brésil, le football est un art de vivre. On peut considérer que 60 à 70 % des Brésiliens jouent au football, mais que seulement 2 ou 3 % de la population fréquente les stades, car les gens n’ont pas les moyens de s’acheter un billet. Pendant la Coupe du Monde, 90 % des Brésiliens se sentent concernés. Le pays s’arrête quand le Brésil joue « .

De 1958 à 2002 : cinq sacres

La meilleure équipe de tous les temps, était-ce celle de 1970 ?  » L’équipe championne du monde à Mexico était exceptionnelle : Pelé, Jairzinho, Gerson, Tostao et Rivelino formaient un quintette offensif extraordinaire. Mais, si ces joueurs évoluaient aujourd’hui, ils seraient soumis à un marquage très strict. Ils n’auraient pas l’occasion de contrôler le ballon, ne pourraient pas initier leurs actions. Il y a eu des cracks à toutes les époques, dans toutes les équipes. Pelé était mon idole de jeunesse. Mais je me demande si, finalement, le meilleur n’était pas Didi. Il pouvait jouer partout : devant, derrière. Il était très complet « .

Le Brésil fut champion du monde en 1958, 1962 et 1970. Puis, une quatrième fois en 1994, aux Etats-Unis. Mais dans un autre style, plus européen.  » C’était un autre Brésil : plus réaliste, plus rigoureux, plus défensif diront certains. Mais il pouvait aussi compter sur deux joueurs offensifs exceptionnels : Romario et Bebeto « .

Le cinquième titre mondial fut conquis en 2002, au Japon et en Corée du Sud.  » Grâce à Felipao ( Luiz Felipe Scolari) « , affirme Perondi.  » C’est un très bon entraîneur. Je l’avais soutenu dès le départ. Je le connaissais bien, car il avait été l’entraîneur du Grêmio, l’un des grands clubs de Porto Alegre. Il avait été très critiqué avant le départ pour l’Asie. J’ai pu convaincre RicardoTeixeira, le président de la CBF, de le maintenir à son poste. Après coup, on a eu raison de lui faire confiance « .

Et cette année ?  » Kaka, Ronaldinho, Ronaldo, Adriano, Robinho… Ils figurent tous parmi les meilleurs attaquants du monde et portent tous le même maillot auriverde. Au niveau de la puissance de frappe phénoménale et du talent créatif, le Brésil est exceptionnel. Ma préoccupation concerne le secteur défensif. Cafù, RobertoCarlos et RoqueJunior ont été des joueurs exceptionnels, mais je me demande si leurs meilleures années ne sont pas derrière eux. Je crains que le Brésil souffre énormément en défense. D’autant que, connaissant mes compatriotes, ils vont se ruer à l’attaque et laisseront les défenseurs livrés à eux-mêmes. Vous savez, attaquer, c’est dans la nature des Brésiliens. Depuis leur plus jeune âge, les footballeurs ne songent qu’à inscrire des buts. Regardez ce qu’il s’est passé en France, en 1998. Le Brésil avait impressionné durant un mois, il avait souvent produit un jeu à se pourlécher les babines, mais en finale, avec un Ronaldo qui s’est aligné diminué, on a explosé. On a encaissé trois buts, dont deux de la tête par ZinédineZidane. C’est inimaginable « .

Ronaldinho, la fierté de Porto Alegre

La star de la Coupe du Monde 2006 pourrait bien être Ronaldinho, et Perondi en est d’autant plus fier qu’il provient de la fédération qu’il dirige, dans le Rio Grande do Sul.  » C’est un joueur exceptionnel, qui est resté d’une humilité exceptionnelle malgré la notoriété dont il jouit. Je le connais depuis sa plus tendre enfance. Il a eu la chance de grandir dans une famille bien structurée. Il est sans aucun doute dans la lignée de Pelé. Il peut tout faire avec un ballon, et il est aussi d’une grande rapidité. Il est explosif, ce que n’était peut-être pas Edson Arantès do Nascimento. Il est très apprécié de tous pour son sourire, sa gentillesse. Il a bien un point faible, c’est son jeu de tête, mais il se débrouille merveilleusement sans cela. Le climat qui règne dans le Rio Grande do Sul facilite sans doute l’adaptation des footballeurs en Europe. C’est tout au sud du Brésil, et si les saisons sont inversées par rapport à l’Europe, les températures et le taux d’humidité sont fort semblables à ce que l’on rencontre dans les pays méditerranéens. Il y a eu d’autres grands joueurs originaires de la région, comme Falcao, Dunga, Emerson, FabioRochemback et le gardien ClaudioTaffarel. Ils se sont tous très bien adaptés en Europe « .

DANIEL DEVOS, ENVOYÉ SPÉCIAL À PORTO ALEGRE

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