Attaquer : une conviction

Le coach explique comment tout est fait pour atteindre l’objectif de cette saison : la qualification pour la prochaine Champions League.

Vous avez remporté la Coupe UEFA, la Supercoupe aux dépens de Barcelone, vous êtes au top en Liga et jouez de manière brillante. Comment avez-vous fait ?

Juande Ramos : Nous avons eu tant de confiance et de conviction depuis notre finale en UEFA que nous avons été capables d’atteindre d’excellents résultats. Nous avons nettement battu Barcelone et faisons un beau parcours en championnat. L’équipe a une entière confiance dans le système de jeu. La clé, c’est de convaincre les joueurs d’être ambitieux. Parfois on peut perdre des matches mais il faut toujours continuer à en vouloir plus.

Cette confiance peut-elle être ébranlée par une série de mauvais résultats ?

Je ne le pense pas. Nous avons eu quelques moins bons matches mais sommes revenus. J’essaie de faire voir aux joueurs qu’on peut gagner ou perdre, mais qu’il y a un chemin qu’il faut suivre. On peut perdre le match mais le joueur ne peut pas perdre son identité.

Comment expliquer que le club n’ait pas engrangé plus de trophées ? Vous faites très bien les choses à presque tous les niveaux : votre formation des jeunes est productive, les transferts sont des succès…

Vous ne nous verrez pas faire ici ce qu’on voit dans d’autres clubs où après une mauvaise saison, on vire 10 joueurs pour en prendre 10 nouveaux et changer toute la structure. Chaque saison nous perfectionnons des petits détails sans avoir besoin de tout bouleverser en été. La saison dernière, nous avons été éliminés de la Coupe d’Espagne mais nous n’avons pas changé notre fusil d’épaule car nous étions convaincus de nos choix. Nous n’aurions pas connu autant de succès si nous avions jeté tout ce bon boulot.

Séville a eu le nez fin sur le marché des transferts.

Il y a des joueurs que nous ne pouvons pas nous permettre donc nous devons regarder ceux qui coûtent moins cher mais qui donnent de bons résultats. Il n’y a jamais de garantie de réussite à 100 % mais il existe des moyens de maximiser les chances. Il ne faut pas uniquement regarder les prestations du joueur sur le terrain mais aussi savoir comment il se comporte en dehors, voir si sa vie privée est correcte, bref le suivre au match, à l’entraînement, parler avec ses proches.

Est-ce plus facile de travailler sans vedettes, avec des joueurs qui n’ont encore rien gagné ?

Le joueur qui n’est pas encore une star a davantage faim de ballon. Mais la vedette peut te garantir un certain nombre de victoires rien que par ses actions individuelles. Séville n’a pas de stars mais nous gagnons des matches sur base de notre humilité et de notre niveau d’engagement physique exceptionnellement élevé. Des équipes remplies de top joueurs doivent faire moins d’efforts car ils peuvent l’emporter sur un seul coup d’éclat.

Quelle est votre relation avec Monchi et comment vous partagez-vous le choix d’un joueur ?

Je dis à Monchi le joueur ou le type de joueur que je veux : rapide, grand, pied gauche, pied droit, bon dans le jeu aérien, etc. Et sur base de son travail et de son expertise, il me dit : – Regarde, nous avons tel ou tel joueur. Entre nous, nous identifions le joueur qui remplira le mieux la case vide. Mais cela n’en va pas toujours ainsi. Pour Frédéric Kanouté, je l’avais vu à l’£uvre à Tottenham et à West Ham et je l’ai recommandé. Pour en revenir au partage des tâches, je pense que l’entraîneur n’a pas le temps de s’occuper des deux jobs, l’équipe et les transferts. Ce qu’il faut, c’est de la confiance et du professionnalisme.

 » On doit attaquer dès le début de chaque match  »

Quelle est la différence entre le style de Caparros, votre prédécesseur, et vous ?

Il n’y a pas de comparaison. Caparros a fait du bon boulot ici mais son point de départ était assez défensif et conservateur. Il visait surtout à percer en contres. Moi c’est tout l’inverse : Séville doit attaquer dès le début de chaque match. C’est mon style et cela fonctionne. Mais Caparros a eu aussi des résultats à sa façon.

Séville est quasi la seule équipe à jouer avec quatre joueurs de flancs. Cela vous désole de ne pas voir cela davantage ?

En tant qu’entraîneur, je suis fier d’avoir mis au point ce système. Cela donne une identité à mon équipe et à moi comme coach. Quand vous regardez d’autres équipes, vous vous dites que personne n’a l’audace de jouer comme vous et cela fonctionne en notre faveur. Maintenant, c’est risqué. Cela crée des brèches pour l’adversaire. C’est là encore que la confiance joue un rôle crucial. Il faut être convaincu que dans un match on échange des coups, que l’on sera gagnants. Il faut que les joueurs y croient sinon ils n’osent plus prendre de tels risques.

Le milieu espagnol Jesús Navas suscite les commentaires les plus élogieux. C’est justifié ?

C’est un garçon qui joue extrêmement bien. Il est très rapide et très talentueux. Notre style lui convient à merveille et l’équipe travaille beaucoup pour lui. Mais récemment, il a eu des attaques d’anxiété. Depuis, nous faisons tout pour qu’il se sente bien dans sa peau. Nous nous occupons de lui, le soignons, etc.

L’attaquant malien Kanouté semble être un autre homme…

Il est l’exemple parfait de ce que nous faisons à Séville. En Angleterre il était un bon joueur qui n’a jamais donné la pleine mesure de son potentiel. Ici, il est extraordinaire parce que nous l’avons convaincu qu’il était d’un très bon niveau et nous l’avons rassuré, tout en lui donnant pleine confiance. Mais il bénéficie aussi de notre système d’ailiers, car grâce à sa taille (1m92) et à son positionnement, il est un finisseur redoutable s’il est bien approvisionné.

Middlesbrough avait baissé les épaules. Barcelone aussi.

Changez-vous votre discours et votre identité en fonction de l’adversaire ? Quelle a été votre préparation de la finale de l’UEFA contre Middlesbrough ?

A aucun moment, je n’ai dit à mes joueurs qu’ils allaient disputer une finale. Où qu’ils aillent, on le leur rappelait : leurs amis, la presse, les supporters. Ce n’était pas la peine d’en rajouter. Je voulais alléger leur fardeau le plus possible, je ne voulais pas les accabler de responsabilités à l’avance. Cette semaine-là, nous ne nous sommes jamais aussi peu entraînés et nous sommes vraiment amusés. Nous n’avons même pas évoqué notre adversaire. Si j’avais augmenté la pression, ils seraient montés sur le terrain terrifiés. Au lieu de cela, ils étaient relax et confiants. Et le résultat fut spectaculaire. Il y eut un moment dans le match où Middlesbrough nous a regardé et s’est dit qu’il serait impossible de nous battre, que nous étions un rocher infranchissable. Les footballeurs sentent cela et après 15 ou 20 minutes en seconde mi-temps, ils ont baissé les épaules et ils ont abandonné. Alors nous les avons achevés car nous survolions les débats.

Vous saviez qu’il allait y avoir plus de goals ?

Oh oui. Bien que nous menions 1-0, nous n’avons pas reculé. Nous allions de l’avant avec la même détermination, la même attitude : attaquer. Ils doivent s’être demandé ce qu’il se passait. Normalement, les finales ne se déroulent pas ainsi. Généralement, à 1-0 l’équipe s’assied sur son avantage sans mettre trop d’ardeur à l’attaque et en perdant du temps. Notre mentalité était tout à fait différente et c’est je pense ce qui a surpris les Anglais. Et nous aurions procédé de la même façon contre le Real Madrid. En atteste notre victoire en Supercoupe d’Europe contre Barcelone.

Gagner le championnat est-il une possibilité cette saison ?

Notre objectif est de nous qualifier pour la Ligue des Champions. Après, nous verrons. Avec Madrid et Barcelone, on ne peut ouvertement dire qu’on vise le titre. Peut-être qu’en tant qu’équipe nous sommes meilleurs. Nous n’avons pas dit que nous ne jouions pas le titre mais quand deux clubs sont bien au-dessus de nous, au niveau budget et talent, c’est pompeux. Si nous estimons que la Liga est à portée de mains, nous prendrons notre chance. Mais n’en faisons pas une obligation, nous ne sommes pas encore à ce niveau-là.

Si vous remportez le titre, on parlera de Séville et de vous. Quelle sera votre position ?

Je suis un professionnel qui est ouvert à toute proposition d’emploi et ce, partout dans le monde. Je n’aurais aucun problème d’entraîner ailleurs. J’ai entendu parler d’intérêt de Tottenham mais il n’y a pas eu de contacts directs. J’aime vraiment la Premier League. Le foot anglais est attractif et je n’en changerais pas les valeurs. En Angleterre, le foot est rapide, direct, porté vers l’attaque, agressif… j’aime cela. De plus, Rafaël Benitez a prouvé que les Espagnols pouvaient y réussir. Il y a quelques similitudes entre lui et moi. En fait, nous avons à peu de choses près des carrières parallèles.

par Sid Lowe, ESM

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