Astérix chez les Belges

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Le petit Français est rapidement devenu le meilleur demi défensif du royaume.

Patrick Remy le compare volontiers à Didier Deschamps et dit: « Matthieu Verschuere est partout où il y a le feu ». La Gantoise a réalisé une affaire en or, l’été dernier. Sedan réclamait à l’origine une cinquantaine de millions pour ce joueur. Les Flandriens l’ont finalement obtenu pour une croûte de pain: 6 millions.

Aujourd’hui, le Français Matthieu Verschuere (29 ans) est dans le trio de tête de la plupart des classements individuels. Cette petite tête blonde, véritable fourmi de l’entrejeu, ne laisse aucun répit aux adversaires et couvre un paquet de kilomètres lors de chaque match. Verschuere est vite devenu le meilleur médian défensif de notre championnat. La ressemblance de cette demi-portion avec Astérix n’est pas uniquement physique. Du héros de BD, on dit par exemple: « C’est le plus petit guerrier du village, mais on lui confie toutes les missions périlleuses. Il triomphe des adversaires les plus redoutables (…) C’est l’ami que tout le monde souhaiterait avoir: ses camarades peuvent toujours compter sur lui, même dans les situations les plus délicates. Il sait aussi les secouer »…

Le surnom d’Astérix vous va si bien…

Matthieu Verschuere: Ah bon? (Il se marre). On ne me l’avait jamais faite, celle-là. Pourtant, des surnoms, on m’en a déjà donné pas mal. Quand je jouais en France, on m’appelait Jean-Pierre Rives ou Casque d’Or. Depuis que je suis chez vous, on m’a plusieurs fois surnommé Mendieta. C’est sympa. Mais c’est la comparaison du président de Sedan que je préfère: il m’appelait… le lave-vaisselle. Parce que je fais le sale travail. Il disait qu’on pouvait me donner mille ballons crasseux, et que je les rendais toujours très propres à mes coéquipiers. Je suis conscient que je dois systématiquement me farcir le boulot ingrat. Mais cela ne me dérange pas: je touche un grand nombre de ballons, je me dépense énormément, je m’éclate, je prends mon pied. Le rôle des médians défensifs est de plus en plus important dans le football moderne. Je suis le premier organisateur de l’équipe. Dès que les défenseurs ont la balle, ils me cherchent.

Vous occupiez autrefois une position plus avancée.

Je suis effectivement un ancien meneur de jeu. Mais je n’avais pas assez de qualités pour faire un bon numéro 10. Notamment parce que je ne suis pas un buteur. Or, un numéro 10 doit savoir marquer quelques buts sur une saison. Gand possède l’homme idéal pour occuper ce poste: Darko Anic. Je pense que nous formons un bon duo. Surtout depuis que l’entraîneur a demandé à Darko de se charger d’une petite partie du travail défensif. C’est vrai qu’en début de saison, il se limitait à son seul rôle d’organisateur. Il a souffert quand il a dû corriger son jeu, parce que c’était tout nouveau pour lui. Mais il a tout compris entre-temps.

Giresse comme exemple

Vous ne semblez pas trop handicapé par votre petite taille?

Avec mon mètre 68 et mes 63 kilos, je trouve effectivement que je ne me débrouille pas trop mal. Mon centre de gravité très bas est même un avantage dans les duels d’homme à homme. Mais j’ai beaucoup souffert de mon physique quand j’étais plus jeune. Quand j’étais Cadet à Beauvais, je ne jouais pratiquement jamais parce que l’entraîneur me trouvait trop petit. J’ai encore été confronté à ce problème dans les autres catégories d’âge. Durant toute ma jeunesse, je me suis raccroché à Alain Giresse: un mètre 63, mais quel rendement! Il compensait par sa technique, une vision du jeu phénoménale et un jeu simple. Je voulais lui ressembler. J’ai travaillé ma technique comme un fou et cela m’a permis de m’en sortir. A 18 ans, j’avais développé des qualités physiques acceptables qui, alliées à ma technique au-dessus de la moyenne, m’ont permis de percer en équipe Première de Beauvais. Depuis que je suis professionnel, mes entraîneurs me font de moins en moins souvent remarquer que je suis petit.

Quitter la France pour la Belgique, ce n’est -à première vue- pas un pas en avant?

Au moment de mes premiers contacts avec Gand, beaucoup de gens m’ont demandé pourquoi j’allais m’enterrer en Belgique. Mais ils n’ont pas réussi à m’influencer. L’envie de retrouver Patrick Remy était plus forte que tout. Aujourd’hui, je constate que Sedan se bat pour ne pas redescendre en D2 alors que je joue la tête en Belgique. Je pense que beaucoup de joueurs de Sedan voudraient être à ma place (il rit).

Vous avez raté le coche en vous faisant rejoindre en fin de match contre Bruges…

Ce nul a provoqué une déception terrible dans notre vestiaire. D’autant que nous avons eu plusieurs fois l’occasion de faire 3-0 et de tuer le match. Par contre, la manière nous a totalement rassurés. Cela restera un match de référence au plan de la qualité du jeu. Nous avons dominé le Club pendant 85 minutes.

Comment expliquez-vous votre fin de match chaotique?

Nous avons sans doute manqué d’humilité. Quand on mène 2-0 contre un candidat au titre à 5 minutes de la fin, il ne faut pas avoir peur de dégager les ballons dangereux dans la tribune au lieu d’essayer de les contrôler. A ce moment-là, le beau jeu ne doit plus compter. Le premier but des Brugeois nous a mis groggy, et nous n’étions toujours pas remis de nos émotions quand ils sont arrivés dans notre rectangle pour marquer le deuxième. C’est une bonne leçon pour la suite de la saison. Nous serons plus humbles au match retour et nous saurons nous faire mal jusqu’à la dernière seconde. Il faut mettre ce demi-échec sur le compte de notre manque relatif d’expérience. Nous ne sommes pas encore habitués à ce genre de choc.

Nous ne sommes pas loin des grosses cylindrées »

Gand joue la tête du classement, mais on entend continuellement que votre équipe ne joue pas bien.

Nous sommes des pros et nous jouons pour gagner. Point à la ligne. Nous n’avons encore jamais marqué cinq ou six buts dans un même match. Mais nous n’en prenons pas beaucoup non plus. De toute façon, nous n’avons peut-être pas l’équipe pour régaler toute la Belgique. J’estime toutefois qu’on exagère quand on dit que Gand joue défensivement. Nous évoluons en 4-3-3. Peut-on être beaucoup plus offensif tout en restant organisé? Combien d’équipes, en Belgique, alignent systématiquement trois attaquants? Il ne nous reste qu’un petit problème à régler pour pratiquer un football plus offensif: presser quelques mètres plus haut. En pensant toujours au résultat, évidemment.

Ça ne nous intéresse pas d’offrir un spectacle total mais de perdre 4-3. Contre Bruges, nous avons quand même montré que nous pouvions, de temps à autre, participer au show. C’est vrai qu’il est plus facile de se motiver dans un stade très bien rempli contre le Club Brugeois qu’un samedi soir au Lierse, où le match ne suscite guère d’engouement dans le public. Instinctivement, tout le monde en fait un peu moins dans ces cas-là. En tout cas, notre prestation face à Bruges nous a totalement rassurés. Nous avons constaté que nous n’étions vraiment pas loin des grosses cylindrées.

Si on voit les choses sous un angle négatif, on peut faire remarquer que vous n’avez su battre aucun candidat au titre: nul contre Bruges et Genk à domicile, défaite à Anderlecht.

Oui, c’est la réalité des chiffres. Mais il faut pousser l’analyse plus loin. Dans les trois cas, nous avons parfaitement tenu le choc. Nous n’avons pris qu’un point contre Genk, mais c’est la meilleure équipe du pays, qui était d’ailleurs allée gagner à Bruges deux semaines plus tôt. Genk m’impressionne vraiment. Tout est clair et net dans cette équipe: deux lignes de quatre joueurs qui restent parfaitement en place et une attaque-mitraillette.

Contre Bruges, nous avons été supérieurs durant 85 minutes. Et à Anderlecht, nous avons été battus sur deux penalties litigieux. Pour le même prix, nous aurions pu prendre trois points de plus contre les trois grands et nous serions alors largement en tête. Il faudra attendre le mois de décembre pour dresser un premier bilan. Aujourd’hui, je peux déjà dire que nous ne sommes certainement pas supérieurs aux favoris. Mais guère inférieurs non plus.

A-t-on déjà évoqué le titre à Gand?

Ce n’était pas un objectif au départ. Après notre débâcle contre le PSG en Intertoto, le président a parlé du Top 5. Il était un peu perturbé (il rit). Prendre sept buts, ça fait mal. Surtout pour les joueurs français de l’équipe… Le président lui-même a été refroidi. C’est un homme intelligent. Je suis sûr qu’il nous croit capables de viser plus haut que la cinquième place, mais il ne veut pas nous mettre une pression inutile. Il agit comme les patrons d’Auxerre. Chaque année, ils disent qu’ils viseront le maintien, en sachant très bien qu’ils possèdent une très bonne équipe. C’est toujours mieux de rester humble et de s’exprimer une fois que les résultats sont là.

Pierre Danvoye

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