Assez fort pour un 2e titre ?

Ils réparent et remplacent mais les attentes sont très élevées quand Sclessin fait appel à son armée de l’ombre.

A Mons, Laszlo Bölöni a fait appel à ses doublures pour procéder au remplacement de deux pièces maîtresses : Mohammed Sarr (suspendu pour excès de cartes jaunes) et Milan Jovanovic (malade). Il a sorti sa caisse à outils pour ajuster sa défense, examiner la ligne médiane, maintenir son attaque à niveau, etc. Les deux prétendants à la couronne de champion sont entrés dans le vif du sujet et il ne reste plus que neuf matches avant le dernier coup de sifflet du championnat de D1.

La richesse, la diversité, la complémentarité et la solidité mentale des  » seconds couteaux  » constituent des atouts importants dans la lutte pour le titre. Le moindre détail suffit parfois à tout faire basculer. On ne peut décrocher la timbale avec un banc trop étroit et les joueurs réserves des Mauves semblent plus expérimentés, même plus talentueux, que ceux du Standard. Frai ou faux ?

 » On est en tout cas sûr d’une chose « , dit Steven Defour.  » Si le Standard peut aligner son équipe de base, il est plus fort qu’Anderlecht…  »

L’avis de la presse :  » Un manque de qualité « 

La presse a souvent relevé le gouffre qui sépare les titulaires et les réservistes. Si Marouane Fellaini a été remplacé sans trop de problèmes dans l’enthousiasme des retrouvailles européennes, la donne fut bien différente en ce qui concerne Dante, parti à Mönchengladbach. Avant que Landry Mulemo y trouve ses marques, il y eut du tirage dans ce secteur. Eliaquim Mangala y fut appelé à la rescousse mais le manque de vécu de ce médian de formation (et futur grand arrière central ?) fut trop criard pour prolonger l’expérience. Quand Defour n’est pas là, c’est la catastrophe car personne n’a une telle présence et un tel abattage dans la ligne médiane. Bölöni devrait aller brûler un cierge à Banneux pour qu’il ne lui arrive plus rien jusqu’en fin de saison après sa suspension contre Genk.

L’avis des insiders :  » C’est compliqué ! « 

Un effectif qui remplace difficilement un back gauche et tremble en songeant à son principal milieu défensif a-t-il assez d’armes imparables avant les derniers examens de la saison ?

 » Pour la D1, cela devrait aller… « , nous a dit un joueur.  » Braga n’a pas été qu’un off-day collectif. Comme à Stuttgart, nous n’avons pas su relever le défi technique, que ce soit dans le chef des titulaires ou en ce qui concerne les remplaçants. Il y avait une classe de différence que le Standard n’a pas su combler par son esprit de corps, sa discipline ou son audace comme ce fut le cas lors de ses grands matches européens. Le turnover est quand même plus problématique au Standard qu’à Anderlecht. Au-delà des 13 ou 14 éléments de base, cela se complique assez rapidement. « 

De la part de proches du club, on entend parfois que :  » Les remplaçants manquent de classe et de métier. Trop de doublures n’ont pas l’envergure du top. On peut cacher leur manque de technique en D1, pas sur la scène européenne. Ceux qui sont un peu courts au Standard ne veulent pas quitter le club. En décembre, certains ont été approchés par des équipes du bas de tableau. Cela leur aurait permis d’acquérir du temps de jeu mais ils ont préféré patienter et bosser dans de bonnes conditions. De là à imaginer que l’excellence de l’outil de travail liégeois embourgeoise l’un ou l’autre, il y a un pas : d’aucuns préfèrent quand même, en attendant que le vent tourne, être réserviste au Standard que titulaire dans un club mal embarqué : est-ce un manque d’ambition ? »

L’avis de Delangre :  » En tout cas, l’ambiance est préservée « 

 » L’abondance bruxelloise peut générer des problèmes « , souligne Etienne Delangre, champion avec les Rouches en 1981-82 et en 1982-83.  » HernanLosada n’a-t-il pas déclaré qu’il ne comprenait pas son statut de doublure ? »

C’est exact, mais Salim Toama en a fait de même, tout en précisant au passage que le dialogue avec son coach était limité.  » A Anderlecht, tous les réservistes ont la dimension du top de la D1 et c’est difficile à gérer car tous veulent obtenir leur part de lauriers : un titre est une récompense qui vaut son poids d’euros en cas de transfert « , continue Delangre.  » Les doublures du Standard n’ont peut-être pas le même prestige que celles d’Anderlecht, mais la hiérarchie y est plus évidente. Il y a ceux qui peuvent remplacer un titulaire sur le champ, les jokers de fins de rencontres, les jeunes qui sont là pour apprendre, etc. A mon avis, le banc du Standard possède assez d’atouts. Je ne dirais pas la même chose si le Standard était resté en course dans le cadre de Coupe de l’UEFA. Les fatigues auraient été autrement plus importantes. Le Standard n’a plus que le titre dans le viseur et l’effectif, dans son entièreté, me semble assez fourni. Le banc a assez de qualités et de variétés pour aborder un sprint final de deux mois. Même si les réservistes sont utiles, ce sont d’abord les titulaires qui importent. Le banc sera utile mais ne fera quand même pas la différence gagnante. Cela dit, les jeunes qui promettent représentent des investissements mais aussi d’éventuelles énormes sources de revenus. Dans un vestiaire, il faut dès lors gérer attentivement l’avenir.  »

L’avis de Crasson :  » Danger : en ne jouant pas, on régresse ! « 

Consultant de Belgacom TV, Bertrand Crasson connaît parfaitement la chimie gagnante ou perdante qui s’empare des effectifs en fin de saison :  » En principe, le Standard dispose d’un groupe qui a la taille des missions hebdomadaires de la D1. Il ne reste plus que neuf matches et la charge de travail n’est plus énorme, surtout depuis l’élimination européenne. Bölöni ne change pas trop son effectif, sauf s’il y est obligé. Il y a des avantages : des automatismes bien rodés, une structure tactique qui ne change pas trop. Cela a quand même permis à Mulemo, à Tomislav Mikulic, à Mangala ou à Réginal Goreux de dépanner ou de s’installer dans l’équipe. Le banc a de la ressource mais le système comporte des limites qui pourraient s’avérer gênantes. A Mons, le handicap dû à l’absence de Jovanovic se voyait comme le nez au milieu de la figure. Dieumerci Mbokani et Igor de Camargo (qui jouait trop bas) étaient tous les deux orphelins.

Le coach aurait dû lancer Leon Benko plus vite. Mais, et c’est là que réside la principale question : les doublures ont-elles eu assez de temps de jeu jusqu’à présent pour atteindre tout de suite un rythme très élevé ? Je ne crois pas : Benko et Christian Benteke, par exemple, doivent encore trouver leurs repères et il est tard pour remédier à ce déficit. C’est pour cela, à mon avis, que Bölöni fait appel à eux, surtout en fin de match. Ils peuvent apporter une bouffée d’air (comme Benko à Mons) mais cela ne dépasse pas cet objectif et cela peut être gênant. C’est un cercle vicieux : celui qui ne joue pas beaucoup souffre sur le terrain. C’est le cas d’un Benjamin Nicaise. Excellent en début de saison, il a perdu sa place et son football. Bölöni l’utilise quelques minutes à gauche et à droite. Au bout du compte, Nicaise est moins fort qu’à l’époque où il évoluait à Mons. Ce n’est pas évident d’être dans l’effectif mais pas souvent sur le terrain. A la longue, si on n’y prend pas garde, cela peut entraîner des frustrations qui peuvent coûter cher. Et il y a vite des clans dans un club. Tout le monde ne peut pas jouer mais tout le monde doit rendre service. Il faut donc garder un vestiaire positif et c’est le cas au Standard. Reste ma question : qui remplacera Defour contre Genk ? Il faut se souvenir du trou qu’il a laissé à Braga et à Anderlecht…  »

L’avis de de Sart :  » Les jeunes doivent jouer le plus possible « 

Jean-François de Sart, coach de l’équipe nationale Espoirs, est ravi de voir que Sclessin revient à de vieilles habitudes :  » Le noyau est à nouveau complété de jeunes du cru qui commencent par rendre de petits services. Au Standard, ils apprennent à gérer une forte pression. On parle sans cesse des surdoués, de Defour et Axel Witsel (sans oublier Fellaini) mais il y a d’autres affirmations : Goreux, Mulemo, Mehdi Carcela, etc. Mulemo progresse dans cet environnement. Le Standard se frotte les mains car cette abondance enrichit son banc et son vestiaire. Mais les jeunes doivent jouer le plus possible. Ils ne peuvent pas lanterner durant deux ou trois ans sur le banc. En Angleterre et aux Pays-Bas, les grands clubs prêtent leurs jeunes afin qu’ils fourbissent leurs atouts.  »

L’avis de Thans :  » Bölöni sait protéger ceux qui en ont besoin « 

 » Je ne vois pas du tout pourquoi on devrait douter du banc des Liégeois « , signale Benoît Thans, consultant de la RTBF.  » La saison passée, c’était maigre et méchamment inexpérimenté mais plus maintenant. Le Standard a limité les mouvements à trois départs (Fellaini, Greg Dufer, Dante) et quelque arrivées : Wilfried Dalmat, Nicaise, Benko et, plus tard, Sinan Bolat et Benteke. Ce n’est plus la révolution permanente et les plus jeunes peuvent découvrir sereinement leur nouveau monde. Le coach a de la bouteille et, même s’il est dur, il ne brûle pas tout de suite ce qui a été adoré. Ainsi, Bölöni a magnifiquement protégé Mangala. La presse l’a condamné après Braga et Anderlecht où toute l’équipe a flanché et pas seulement le jeune Namurois. C’était exagéré et je rappelle quand même que Mangala a parfaitement remplacé Dante durant toute une série de matches en janvier et en février à une place qui n’était pas la sienne et dans une défense privée de Sarr et de Marcos, blessés.

Mulemo a ensuite apporté un meilleur placement et des raids en profondeur. Lui aussi a mordu sur sa chique, s’est retrouvé un jour à droite, a dû soigner son travail défensif avant de mettre le nez à la fenêtre au bon moment. Il en récolte tout doucement les fruits. Mulemo aurait pu rester à Saint-Trond où il avait sa place les doigts dans le nez. Il a préféré se mesurer à un vestiaire huppé. Ce n’est pas facile mais, au bout du compte, il a engrangé un titre (la saison passée), a pris part aux Jeux olympiques et est devenu titulaire.

Quand un groupe trouve des solutions équilibrées pour parer à des départs comme ceux de Fellaini et Dante, cela signifie qu’il y a une vision et beaucoup de travail. Un effectif bouge sans cesse. Toama pouvait être partant dans un 4-4-2 classique mais le départ de Fellaini a généré un 4-2-3-1 (ou 4-5-1) et Jovanovic a été placé à gauche tandis que Witsel s’est emparé de la place où Nicaise espérait s’installer. Je suis en admiration devant l’attitude de Nicaise. Pour moi, c’est un réserviste-titulaire. Ce battant est toujours prêt quand on lui demande de dépanner durant un match, une mi-temps ou quelques minutes. Quel exemple : même s’il ne joue pas souvent, c’est un leader ! A sa place, beaucoup auraient gambergé après son bon début de saison. Lui, il a juste été plus hésitant car il n’est pas facile d’assister à l’éclosion d’un autre à sa place.

Le banc est donc suffisant s’il n’y a pas de catastrophe. Si le Standard perdait en même temps Defour (indispensable), Mbokani et Oguchi Onyewu ou les deux backs, là… ce serait très dur, même impossible à résoudre.  »

par pierre bilic – photos: belga

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