ARUNA simule-t-il ?

Vous êtes assis au bord d’un chemin, bête comme il y en a mille : stabilisé, plat, avec de la terre et quelques cailloux. Votre regard suit distraitement l’approche d’un promeneur. Juste au moment où il vous passe sous le nez, il s’affale, mordant la poussière et s’y cassant les dents. Spectaculaire ! Vous n’aviez pourtant pas vu d’obstacle, et lui non plus. En principe, vous ne restez pas là à rigoler, vous l’aidez à se relever : et il vous explique qu’il a senti, trop tard, la pointe de son soulier heurter un petit caillou. Vous le croyez. Vous ne lui beuglez pas à la face  » Tricheur ! Comédien ! Cinéma ! « . Vous ne vous dites pas qu’il a simulé un vol plané pour faire son malin. Et vous avez raison.

En foot, c’est l’inverse : si l’attaquant d’en face s’écroule sans que vous ayez vu le contact avec le défenseur, vous allez hurler à la simulation. En foot, pour admettre qu’il y a eu contact, il faut que l’obstacle ait été gros comme un rocher ! Il faut que l’attaquant ait percuté tout le corps adverse, ou au moins l’épaisseur de la jambe : alors qu’il suffit d’un tout petit morceau de chair, d’os ou de stud, pour que l’obstacle soit effectif et la chute normale. C’est l’exemple du caillou. Ceci pour émettre mes réserves face à l’avis de ceux qui, sur base des deux penalties sifflés contre Dimitri Habran puis contre Yannick Zambernardi récemment, accusent désormais Aruna Dindane d’être un vil simulateur.

J’ai beau me repasser les phases au magnéto, le magnéto n’arrive pas à me convaincre de l’absence de contact entre Dindane et ses opposants. Au contraire, quand les opposants disent  » Je ne le touche même pas ! « , j’ai l’impression qu’eux-mêmes prennent leur désir pour la réalité ! ça ne veut pas dire qu’ils l’ont touché beaucoup, ni volontairement, ni même que ce soit le  » morceau de défenseur  » qui a fait le voyage vers le  » morceau d’attaquant  » plutôt que l’inverse : mais j’ai tendance à croire que contact il y a eu. D’ailleurs, les attaquants le savent, il est bien plus difficile de s’affaler absolument seul qu’après avoir senti un (petit ?) quelque chose…

Que fait l’attaquant en instance de dribbler, lorsqu’il sent son bout de jambe ou de pied cogner quelque chose ? Ou bien c’est le coup du caillou, si petite (si peu visible) soit la surface de contact : le forward n’a pas le choix, le contact lui fait réellement perdre l’équilibre. De bonne foi, il valdingue illico. Notons que, plus le gars arrive en trombe, plus il est explosif et caoutchouteux, plus il y aura cabriole à la suite du contact, c’est une loi physique. Si c’est moi qui m’amène comme un gros lourd face à Zambernardi et s’il fait le même geste, je m’écroule comme une masse sans rebondir et je fais même un gros trou dans la pelouse : et on n’aura pas la même impression de comédie qu’avec Aruna ! Ceci dit sans nier qu’il existe aussi des vols planés sciemment accentués, par cinéma mais aussi par instinct de conservation : si tu vas droit dans la jambe tendue au lieu de bondir pour l’éviter un max, il y a de meilleures probabilités que tu obtiennes le péno, mais il y en a aussi de meilleures d’obtenir une double fracture tibia/péroné ! Quoi qu’il en soit, simuler le gros choc n’exclut pas l’existence du petit choc, existence bien réelle, petit choc bien fautif, bien empêcheur de poursuivre normalement vers le but…

Ou bien l’attaquant a le choix : il sent le contact, mais aussi qu’il peut rester en équilibre. En une microseconde, il doit juger s’il conserve toutes ses chances d’aller marquer facile : si oui, il gardera l’équilibre pour éviter la sanction toujours plausible d’une simulation ; si non, il aura plutôt tendance à rejoindre les pâquerettes… Ceci sans nier qu’existent aussi des simulations absolues (s’affaler absolument seul) mais qu’elles sont moins fréquentes qu’on le hurle. Et qu’entre un défenseur sliding tackleur et un attaquant cabrioleur, le rapport est rarement simple : ni boucher contre victime, ni Monsieur Loyal contre Monsieur Simulateur…

Ah, que ce sport est malsain, multipliant les contacts autorisés,… mais mal définis à dessein ! Car le succès populaire du foot tient d’abord à ses potentialités faramineuses de susciter la polémique.

par Bernard Jeunejean

 » Il est bien plus difficile de s’affaler absolument seul qu’après AVOIR SENTI UN (PETIT ?) QUELQUE CHOSE… « 

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire