Un portrait de ce joueur portugais né au Brésil, dont le rôle sera crucial pour les multiples ambitions des Blues cette saison.

Les jours heureux sont revenus pour Anderson Luis de Souza, plus connu sous le patronyme Deco. Transféré à Chelsea l’été dernier, il y a retrouvé l’entraîneur Luiz Felipe Scolari, l’homme qui l’a fait débuter en équipe nationale du Portugal en 2003. A 31 ans, il a déjà remporté la Ligue des Champions avec Porto et Barcelone et pourrait devenir le deuxième joueur après Clarence Seedorf à remporter la coupe aux grandes oreilles avec trois clubs différents.

Après une dernière année plutôt difficile au FC Barcelone, émaillée de blessures et de problèmes personnels, Deco s’est offert un nouveau départ à Londres, où Scolari fut rapidement conquis par ses qualités. Sous les ordres du coach brésilien, Chelsea développe un jeu offensif qui avait été banni par ses prédécesseurs José Mourinho et Avram Grant.  » Nous développons un football plus ouvert, avec plusieurs joueurs qui touchent le ballon et des pions plus rapprochés sur le terrain depuis que nous avons Deco dans l’équipe « , affirme Scolari.  » Il est le joueur qui a réalisé cette transition. Et comme lui, nous avons d’autres joueurs de grande qualité comme Frank Lampard et Nicolas Anelka. Leur jeu s’est amélioré parce qu’ils travaillent davantage avec ballon. Tout cela fait en sorte que l’équipe joue à la brésilienne.  »

Le caméléon de l’entrejeu

Le fait que Deco ait joué un rôle actif dans cette transformation du jeu des Blues n’est certainement pas une surprise pour les observateurs qui l’ont suivi depuis Sao Paulo jusqu’à Kings Road. Malgré son palmarès d’international portugais, avec 50 sélections au compteur, le c£ur de Deco demeure bel et bien auriverde. Un élément crucial qui explique son succès dans le football européen est sa faculté à improviser. Souvent utilisé par ses clubs précédents comme meneur de jeu axial, il a engrangé la plupart de ses succès dans un rôle plus libre, hors de position. Au FC Porto de José Mourinho, Deco évoluait à la pointe du triangle de l’entrejeu, avec Costinha et Maniche qui assuraient la solidité physique derrière, ce qui lui permettait de se démarquer et d’étinceler.

A Barcelone, il a découvert un jeu plus en profondeur, où le volume de travail, y compris défensif et le jeu de position étaient plus importants que de marquer des buts. Cette flexibilité cimenta sa place dans un système du Barça qui connut de grands succès sous l’ère Frank Rijkaard. En battant Arsenal en finale de la Ligue des Champions 2006, quelques semaines après avoir conservé leur titre en Liga, les hommes de Rijkaard brisèrent une des croyances du football moderne qui affirme qu’on ne peut mener de front des succès nationaux et européens la même saison.

Deco fut l’un des hommes clés de ce succès et à Chelsea, son adaptabilité pourrait à nouveau jouer en sa faveur. Dans un milieu de terrain gorgé de talent et d’égos, Deco ne sera certainement pas le plus timide. Mais son intelligence aura beaucoup de valeur aux yeux de Scolari. N’a-t-il ainsi pas déjà évolué à l’extérieur droit, en tant que pourvoyeur de longs ballons précis vers Lampard et Michael Ballack, plus axiaux ?

Quelle Seleçao choisir ?

Deco est né à São Bernardo do Campo, dans l’Etat brésilien de Sao Paulo. Son premier club fut le Nacional, un club paulista, et ce avant d’avoir des contacts avec les Corinthians. Mais finalement il s’affilia au SC Corinthians Alagoano, un club situé au nord-est du Brésil réputé pour débusquer les jeunes talents. Le défenseur du Real Madrid Pepe y a également débuté sa carrière et, comme Deco, il est également devenu international portugais.

En 1997, Alagoano et Benfica signent un accord de partenariat, dont le premier paragraphe mentionne les transferts de Deco et de son coéquipier Caju vers le club lisboète. Deco fut immédiatement loué à Alverca, où il évolua dans l’entrejeu aux côtés des futurs internationaux Maniche et Hugo Leal et y joua un rôle prépondérant dans la promotion du club au plus haut niveau. Tout cela n’avait néanmoins pas impressionné le coach de Benfica, Graeme Souness, qui décida d’encore le laisser mûrir au SC Salgueiros, un club de Porto. Dans la cité septentrionale du Portugal, la carrière de Deco prend réellement racine : il n’évolue à Salgueiros que depuis quelques mois lorsque les champions du FC Porto s’intéressent à lui. Et au milieu de la saison 1998-99, Deco débarque chez les Dragons. À l’Estadio das Antas (démoli depuis), il est très vite une grande réussite et vu qu’il n’avait jamais porté la vareuse du Brésil dans aucune catégorie d’âge, certains se demandent même s’il ne serait pas opportun de lui proposer de naviguer en équipe représentative sous pavillon de complaisance portugais.

Pour obtenir sa naturalisation, Deco devait résider six ans au Portugal et chaque apparition brillante sous le maillot de Porto venait intensifier les rumeurs de changement de nationalité. Le débat devient très chaud lorsque Scolari prend les rênes de l’équipe du Portugal en 2003. C’est alors que le sujet provoqua des disputes aussi longues et intenses que ce pays. Les traditionalistes ne voient pas pourquoi un Brésilien porterait le maillot grenat du Portugal, les esprits plus optimistes pensent avoir trouvé en ce meneur de jeu la réponse à leurs rêves les plus fous. Il n’y eut jamais de consensus sur le sujet. Dans un sondage mené par le quotidien sportif A Bola, 60 % des lecteurs déclaraient que la naturalisation de Deco déstabiliserait la Seleçao. Les stars Luis Figo et Rui Costa ne sont pas anti-Deco mais finalement, la seule opinion qui comptait était celle de Scolari, déterminé à le sélectionner :  » Deco possède de grandes capacités techniques et un bon tir. Il serait utile à n’importe quelle équipe.  »

Dans un double fait du hasard, Deco entama sa carrière en équipe nationale contre le Brésil à Porto et monta au jeu en seconde mi-temps pour marquer grâce à un coup franc de génie le but victorieux. Le Portugal effaçait ainsi plus de 30 ans de disette face aux cousins brésiliens, qu’ils n’avaient pas battus depuis la Coupe du Monde 1966. Cette victoire et sa prestation suffirent à faire taire la plupart des critiques.

 » Je veux que ce soit clair pour tout le monde « , déclara Déco.  » Je n’ai pas choisi le Portugal parce que je n’avais jamais été sélectionné par le Brésil. Je suis convaincu que tôt ou tard, le Brésil m’aurait inclus dans son équipe. J’ai pris cette décision pour rendre au Portugal ce qu’il m’a donné. Ce pays m’a énormément aidé en tant que footballeur. Des fans n’ont pas arrêté de m’accoster en rue pour me convaincre de dire oui au Portugal. C’était un choix vraiment cornélien. Votre c£ur appartient toujours à la nation où vous êtes né. Je n’ai pas changé. J’ai toujours du sang brésilien dans mes veines mais les circonstances ont changé. Ma vie est devenue tout autre depuis que je suis au Portugal, même si j’adore toujours mon pays. On en a probablement trop fait au sujet de ma naturalisation. Pour certains, ce fut une opportunité idéale pour attaquer un joueur de Porto. Quelqu’un comme l’immense Eusebio n’était pas non plus complètement portugais, en termes de racines et de culture.  »

Deco laisse de côté le fait qu’Eusebio provenait du Mozambique, autrefois une colonie portugaise. Reste que tout comme la légende de Benfica il y a plus de quarante ans, le petit meneur de poche fit grande impression sur son pays d’adoption puisqu’il faillit remporter l’Euro 2004 organisé au Portugal.

Son talent s’épanouit au Barça

L’explosion de son talent sur la scène internationale en 2003 et 2004 ne pouvait laisser les grands clubs européens indifférents. Inévitablement il quitterait Porto pour un championnat plus relevé et plus opulent. Nombreux sont ceux qui pensaient qu’il renouerait les liens avec Mourinho à Chelsea. Et à l’été 2004, les cyniques exprimèrent leur étonnement à l’annonce du transfert de Deco au FC Barcelone pour 15 millions d’euros. Dans une équipe où le créatif s’appelait Ronaldinho et l’organisateur en chef Xavi, ils craignaient que Deco doive se battre pour sa place. Et c’est presque l’inverse qui se passa : Deco s’épanouit vraiment en Catalogne. Il termine la saison 2004-2005 avec le titre de champion d’Espagne et est élu meilleur joueur de la saison chez les Blaugranas. L’année suivante, la victoire en finale de la Ligue des Champions à Paris ne fait que confirmer qu’il avait pris la bonne décision en signant au Camp Nou.

Mais les problèmes se profilent à l’horizon. Deco est victime de diverses blessures ; conséquences de ses activités nocturnes en compagnie de Ronaldinho, ce qui commence à en inquiéter plus d’un. La direction du club craignait qu’il n’entraîne les plus jeunes de l’équipe sur la mauvaise pente. La réputation de Ronaldinho commença à s’étaler au grand jour et Deco comptait déjà deux divorces, quatre enfants et des titres sans équivoque dans la presse populaire. En privé, Deco affirmait des différences d’opinion avec le coach Rijkaard.

Alors qu’à l’été 2007, le club avait encore prévenu les candidats acquéreurs que son médian n’était pas à vendre, un an plus tard le Barça était content de monnayer son départ pour Chelsea (où Scolari venait de reprendre le poste de T1), un chèque de 12 millions d’euros à la clé. Un bon deal, c’est ce que durent se dire les directeurs de Barcelone, pour un joueur qui avait dépassé le cap difficile des 30 ans.

Le coach brésilien a plutôt fait de bons débuts comme entraîneur de son premier club en Europe et la qualité du noyau est telle que Chelsea sera probablement partie prenante aux débats lorsque la Ligue des Champions vivra son dénouement.

par john holmesdale, world soccer

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