Un 13e Masters pour préparer la Fed Cup à Madrid!

Elle fêtera, le 18 décembre prochain, son trentième anniversaire. Et elle rêve, cette semaine, d’offrir à l’Espagne un nouveau titre en Fed Cup. A Madrid, sur terre battue, Arantxa Sanchez-Vicario aura de nombreux atouts dans sa raquette.

Sa première victoire dans un tournoi pro remonte au 18 juillet 1988 lors de l’Open de Belgique. A seize ans! Elle est toujours fidèle au poste. Son dernier couronnement dans un tournoi du Grand Chelem remonte à 1998. C’était aux Internationaux de France de Roland-Garros. L’Espagnole, désormais pointée aux alentours de la 20e place de la hiérarchie mondiale, garde le moral au zénith et n’envisage pas, aux dernières nouvelles, de prendre sa retraite: « J’espère encore jouer au top-niveau durant deux ans »…

Flash-back. La petite Arantxa a quatre ans lorsqu’elle use, pour la première fois, ses semelles sur les courts -en terre battue, évidemment- du Club Pedralbes de Barcelone. Dans la famille, le tennis est sacré. Ses deux frères aînés, Emilio et Javier, sont des habitués de l’endroit. On leur promet, d’ailleurs, une belle carrière.

Alors, pour ne pas se faire larguer, Arantxa s’accroche à leurs basques. Un peu, beaucoup, à la folie. Et les résultats suivent. Elle a 14 ans à peine lorsqu’elle devient, en 1985, la plus jeune championne d’Espagne de l’histoire!

Son destin est tracé. Petite, plutôt boulotte, Arantxa (prononcez Arancha) a une volonté de fer et affiche une rage de vaincre à nulle autre pareille. Son tennis n’est certes pas un hymne à la beauté. Mais elle sait tout faire. Et, surtout, elle se bat sur tous les points. Le 10 juin 1989, du haut de ses 18 ans, la Sanchez entre dans le gotha en devenant, à Roland-Garros, la première joueuse espagnole à remporter un tournoi du Grand Chelem. En finale, dépourvue du moindre complexe, elle s’offre le scalp de Steffi Graf. C’est le début d’une implacable ascension qui la conduira, en février 1995, à la première place mondiale.

La « Vieja » !

29 victoires en tournois dont quatre en Grand Chelem (trois Roland-Garros et un US Open): le palmarès de l’Espagnole est impressionnant. Son compte en banque aussi. Depuis ses débuts professionnels en juin 1985, Arantxa Sanchez a empoché la bagatelle de 16,2 millions de dollars de prize money, soit plus de 750 millions de nos francs. Au hit-parade mondial, seules Steffi Graf, Martina Navrotilova et Martina Hingis ont fait mieux! A l’instar de la plupart des grandes championnes, elle a pris le parti de faire fructifier son capital en lieu sûr… en principauté d’Andorre, où elle a officiellement élu résidence et où le régime de taxation fiscale est bien moins pénalisant qu’en Espagne.

Ce portefeuille coquet pourrait l’inciter à savourer les délices d’une retraite bien méritée. Ce n’est pas de kilomètres au compteur dont manque, en effet, cette stakhanoviste de l’entraînement. Mais Arantxa en redemande toujours. C’est son tempérament. En 1997, déjà, après une saison très décevante (pas une seule victoire en tournoi!), de nombreux observateurs l’avaient reléguée, sans remord, aux oubliettes de l’histoire.

L’année suivante, revenue du diable vauvert, elle s’imposait à Roland-Garros, son tournoi-fétiche. Une façon comme une autre de se rappeler au bon souvenir des mauvaises langues.

Aujourd’hui, alors que la trentaine frappe à sa porte, Arantxa n’a plus les mêmes ambitions. Mais la Vieja (la « Vieille ») se sent encore capable d’ennuyer les petites jeunes. Et la phase finale de la Fed Cup tombe, dans ce contexte, à point nommé. Nul doute que le public madrilène réservera à sa championne un accueil de reine. Certes, Arantxa est Barcelonaise et ne cache pas ses préférences pour le Barça. Mais, même en Castille, on est prêt à tout pardonner à cette joueuse qui a tant apporté au sport espagnol, en général, et au tennis, en particulier. Doit-on rappeler qu’avant son avènement, aucune joueuse espagnole n’avait jamais remporté le moindre tournoi et que le tennis avait à peine droit à quelques lignes dans les journaux!

En Espagne, ce sport a été longtemps, il est vrai, considéré comme élitiste. Les succès de Manolo Santana, Andres Gimeno, Manuel Orantes ou Jose Higueras avaient, certes, attisé la curiosité des médias. Mais il fallut attendre les exploits de la « petite » Sanchez pour que le tennis devienne réellement populaire au pays de Cervantes. Et on mesure combien les succès de la demoiselle ont suscité des vocations même masculines pour que l’armada espagnole – Ferrero, Corretja, Moya, Costa,… soit aujourd’hui si impressionnante sur le circuit.

Quinze ans de Fed Cup!

Voilà les joueuses belges, appelées à affronter l’Espagne samedi prochain, prévenues. Fût-elle vieillissante et sur le déclin, Arantxa vendra chèrement sa peau. D’ailleurs, la Fed Cup, c’est son domaine réservé, ou presque! Voilà quinze ans qu’elle défend les couleurs de son pays dans cette compétition. Et son bilan est remarquable: 63 victoires contre 25 défaites.

Avec sa partenaire et complice Conchita Martinez, Arantxa Sanchez a déjà remporté cinq fois le titre (en 1991, 93, 94, 95 et 98) et participé à quatre finales (1989, 92, 96 et 2000). C’est dire si elle connaît la musique!

Et puis, les rencontres se disputeront sur terre battue, sa surface préférée. Celle où elle a signé ses plus belles victoires. Songez qu’en 15 participations au tournoi de Roland-Garros, elle a atteint 13 fois les quarts de finale!

Souvent critiquée pour son jeu assez rustre, Arantxa Sanchez assume avec lucidité: « Mon tennis s’appuie sur la lutte, la concentration et le physique. J’ai la chance d’avoir de bonnes jambes. Et j’essaye d’en profiter au maximum », explique-t-elle consciente de n’avoir jamais eu le service de Steffi Graf ou la volée de Martina Navratilova. « Mais j’ai une énergie intérieure, une volonté de me surpasser et de repousser mes limites qui compensent toutes ces petites faiblesses ».

Une petite qui n’a jamais eu peur des grandes, voilà toute sa philosophie: « J’ai beaucoup travaillé pour arriver au plus haut niveau. J’ai consenti de nombreux sacrifices sur le plan personnel. Et je ne regrette rien ».

Mental de fer

Et c’est vrai que la carrière de l’Espagnole est exemplaire à plus d’un titre. Il traduit, à la puissance mille, l’importance d’un mental de fer dans la réussite au plus au haut niveau.

« Dans sa tête, elle a toujours été très forte. Même dans les moments les plus difficiles. Après son année noire, en 1997, elle a accepté de se remettre complètement en question et de repartir comme une débutante », se souvient son grand frère Emilio, à la fois son confident et son entraîneur.

Arantxa Sanchez n’a jamais bénéficié d’une très bonne image dans le public. Son style de jeu de crocodile de fond de court lui valut même bien des reproches des puristes. Son physique un tantinet pataud a longtemps suscité bien des commentaires désobligeants. Et ses habitudes familiales -sa mère Marissa et son chien n’ont jamais cessé de l’accompagner sur les tournois- lui attirèrent une curieuse réputation. Mais la joueuse catalane n’eut cure de ses ragots.

Côté court, elle s’efforça toujours d’élever son niveau et d’élargir son registre. En participant aux épreuves de double (plus de 60 victoires en tournois), elle parvint, au fil des ans, à étoffer son panel de coups offensifs. Au cours de sa carrière, elle forma un tandem gagnant avec des joueuses comme Martina Navratilova, Helena Sukova, Jana Novotna ou Martina Hingis: c’est dire si, in fine, elle sut se débrouiller aussi au filet. N’a-t-elle pas d’ailleurs gagné, en simple, plusieurs épreuves sur surfaces rapides, principalement lors de cette fantastique saison 94 où elle s’adjugea notamment l’US Open? N’a-t-elle pas disputé deux finales de Wimbledon sur un gazon qui, a priori, n’avait rien d’agréable à ses pieds? Ce n’est sûrement pas un hasard, non plus, si, dans le métier, elle a toujours bénéficié d’une réputation de grande professionnelle.

Et, côté coulisses, elle se fit un devoir de se montrer sous son meilleur profil. Sa romance avec Joan Vehills, un journaliste, aboutit même à un mariage, célébré le 21 juillet 2000 en présence de tout le gratin de la jet set espagnole. Depuis, les jeunes époux se sont séparés. Un revers que l’Espagnole s’efforce d’oublier.

Un brin de nostalgie

Pour fréquenter depuis si longtemps le tennis professionnel, Sanchez peut, bien sûr, analyser en connaissance de cause l’évolution du circuit féminin. Sage, elle évite de jeter de l’huile sur le feu et de jouer à la nostalgique du bon vieux temps.

Impressionnée par la force athlétique des jeunes championnes, comme les soeurs Williams, elle est consciente de ne plus pouvoir réellement rivaliser avec cette nouvelle génération.

« Mais il me reste l’expérience », sourit-elle.

On dit ses relations avec Martina Hingis assez tendues depuis que la Suissesse ne joue plus à ses côtés en double. Elle apprécie beaucoup, en revanche, Nathalie Tauziat, une « ancienne », comme elle. Dans l’ensemble -et c’est logique-, elle préfère les filles de sa génération.

Elle voue une grande admiration, par exemple, à Martina Navratilova. « Elle a marqué son époque », dit-elle; et à sa compatriote Conchita Martinez: « On a souvent voulu nous mettre en concurrence. Mais nous nous respectons énormément ».

Cette saison, ses prestations n’ont pas été très convaincantes malgré sa récente finale à Tokyo et ses deux succès lors des tournois de Porto et de Madrid. Chaque fois sur terre battue. Sa défaite au deuxième tour à Roland-Garros face à la modeste Amy Frazier lui a fait très mal. Et son élimination au deuxième tour de Wimbledon face à Lilia Osterloh l’a carrément humiliée.

Malgré ces contre-performances, elle a néanmoins obtenu in-extremis (grâce au forfait de Venus Williams) son billet pour participer, la semaine dernière, à son treizième Masters consécutif!

L’avenir? Elle le conjugue au présent: « Tant que j’éprouve du plaisir à monter sur un court, je continuerai ».

Miguel Tasso

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