Après des titres et Maradona, la corruption et un complot

Il a vécu des saisons passionnantes au Standard et au RWDM, mais aussi d’amères déceptions.

Guy Vandersmissen: « En 19 ans j’ai été pro dans trois clubs. Au Standard (qui traverse une crise sérieuse), au Germinal Ekeren (devenu GBA et qui a perdu son identité), et au défunt RWDM. D’anciens adversaires ont aussi disparu, le FC Liégeois, Seraing, le Beerschot. Et aujourd’hui, Malines va mal et Lokeren pourrait chuter si son président Lambrecht le lâchait pour le GBA. La plupart des clubs souffrent d’un flagrant manque d’argent.

Beaucoup d’erreurs de gestion et les millions des droits de tv qui semblent monter à la tête des dirigeants. Ce qui se passe au Standard, je n’en sais rien, mais comme c’est curieux: avec quasi le le même noyau, il joue la tête au premier tour la saison passée, et aujourd’hui la queue. Comme ancien, je constate que depuis plusieurs années, le Standard vit sur sa réputation plus que sur sa qualité au terrain. Après l’affaire Waterschei, on y parlait du titre et de l’Europe. Résultats : dixième, sixième Pénible, et les supporters râlent lorsque leur Standard termine hors des trois premiers.

A Molenbeek, on a rêvé. Fin des années 90, le président avait deux buts: remonter en D1 et transférer deux ou trois joueurs pour renflouer la caisse. Mais un bon joueur de D2, ça valait 250.00 ou 500.000 euros. Pour en toucher 2,5 millions, il fallait vendre toute l’équipe. Et le trou financier s’est creusé et s’est creusé ».

Né le 25 décembre 1957, à Tongres, Guy vandersmissen s’affilia à 14 ans au Standard, mais l’ex-international Jos Vliers, directeur des jeunes, l’ignora en équipes d’âge: « Casé en Juniors Provinciaux et déçu, je suis resté six semaines chez moi, jusqu’à ce qu’on vienne me chercher pour les UEFA. Par chance j’ai marqué au premier match, et d’arrière droit je suis devenu médian. Capitaine et deux fois champion UEFA, je n’ai pourtant jamais été appelé au Heysel. Etudiant à Hasselt, j’étais peu disponible pour la Réserve, et j’ai alors accepté de passer un an à Waremme, un club moins exigeant sur les présences ».

Ernst Happel

A son retour au Standard, sous Robert Waseige, il signa comme pro et débuta en D1 au Beerschot, en 78-79. Débarqua alors Ernst Happel, précédé d’une redoutable réputation brugeoise: « Franchement, nous avions la trouille, une tête peu sympa, des entraînements très durs, ses coups de gueule… Mais à l’usage ce fut tout autre, pas d’engueulades, et même très peu de consignes. Eric Gerets, par contre, on l’entendait sans arrêt, moi surtout, je jouais juste devant lui. Je la bouclais, les autres jeunes aussi, cette mentalité a changé. Happel ne jurait que par l’offensive; on a gagné la Coupe et terminé deuxième à deux ou trois points d’Anderlecht, mais avec un peu plus de réalisme l’Autrichien aurait aussi empoché un titre. On avait une équipe pourrie de talent, 15 copains, et une formidable ambiance.

En 80, on bat Kaiserslautern, mais trois jours après, à Berchem, Happel veut faire une démonstration avec trois attaquants, et on a stupidement perdu. Raymond Goethals, lui, osait l’autre extrême, six défenseurs et un attaquant, si nécessaire. Au Heysel, en Supercoupe, pour son premier match avec nous face au public belge, il dressa un double mur devant Anderlecht, et Tomislav Ivic en fit autant de l’autre côté. 0-0, pas de football et quel savon dans les journaux ! Avec Arie Haan et Johnny Dusbaba et le renfort en pointe du Suédois Benny Wendt, on s’est offert deux titres. Pour moi la fin de saison 81-82 fut extra: le titre, la finale de la C3, contre Barcelone, au Camp Nou, et un mois plus tard, à Barcelone encore, au Mondial 82, je débutais en équipe nationale par un succès sur l’Argentine. En C3, j’ai marqué tout en début de match, un souvenir inoubliable: sur coup franc Haan ouvre à gauche, Wendt centre au premier poteau, et je suis là. On n’a pas tenu jusqu’au bout, et Walter Meeuws a été exclu sur la fin.

Guy Thys m’a alors retenu pour le match d’ouverture du Mondial, gagné 1-0 grâce à Erwin Vandenbergh. Diego Maradona fut bloqué par notre zone, et j appris avec plaisir que Wilfried Van Moer, avait apprécié mon match ».

Waterschei

La suite fut moins heureuse: un difficile succès sur le Salvador, un nul contre les Hongrois marqué par un violent choc aërien entre Jean-Marie Pfaff et Gerets, qui laissa des traces physiques et psychologiques, et des défaites face aux Polonais et aux Soviétiques.

« Nous Standardmen sortions d’une lourde saison: un dur combat jusqu’au bout pour le titre, la finale à Barcelone, et trois semaines de préparation au Mondial par une chaleur inhabituelle. Malgré 17 sélections, j’ai l’impression que Thys ne m’accorda pas une confiance totale. Par la suite, il m’appela en match amical, mais les titulaires y jouent molo et les autres en souffrent. Lorsqu’il fut question de la naturaliser Juan Lozano, j’ai déclaré que je ne voyais pas son utilité, comme Diable; je n’allais pas faire l’éloge d’un concurrent direct ».

Autant 82 fut l’année de grâce de notre Limbourgeois, autant 84 fut une cata. Une enquête fiscale menée par le juge Bellemans pour l’Inspection Spéciale des Impôts mena l’Union Belge et plusieurs clubs et dirigeants au tribunal, et plus spécialement le Standard. Le carnet de comptes de son secrétaire général Roger Petit avait révélé une affaire de corruption sur les joueurs de Waterschei, à l’ultime journée du championnat 81-82.

« Goethals a eu peur, peur de perdre le titre, peur que certains n’y aillent pas à fond trois jours avant la finale à Barcelone, peur qu’il y ait des blessés, peur que Waterschei nous fonce dedans… Bref, il fut proposé, aux joueurs de verser leur prime de 30.000 francs à ceux de Waterschei. Avec d’autres, j’étais convaincu que les Limbourgeois de Waterschei ne joueraient pas un tour de cochon aux six ou sept Limbourgeois du Standard, et d’ailleurs certains nous avaient dit qu’ils préféraient le Standard champion plutôt qu’Anderlecht. Je n’étais pas d’accord de sacrifier mes 30 billets, mais, comme d’autres, j’ai été embarqué, et nous savions que Goethals serait encore notre entraîneur la saison suivante. Plus tard, j’ai appris que Roger Petit, sollicité pour verser l’argent, avait refusé, et que les joueurs n’avaient qu’à se fendre de leur prime. En appel notre condamnation fut réduite à neuf mois de suspension; une séance assez rapide et étonnante, les comitards paraissaient pressés d’en finir, ils ne voulaient pas rater la retransmission de France-Belgique de l’EURO 84. J’ai écouté dans ma voiture: 5-0! Beaucoup partirent à l’étranger: GérardPlessers à Hambourg, GuyDaerden à Roda, Meeuws à l’Ajax et Gerets à Maestricht. Feyenoord appela SimonTahamata et proposa de me louer un an, Düsseldorf aussi me fit signe, mais l’internationalisation de la sanction par la FIFA rompit mes contacts. Avec Michel Preud’homme et Michel Poels , je suis resté au Standard. La nouvelle direction avec Jean Wauters et André Duchêne a tenté de redresser le club mais n’est pas parvenue à le ramener à son niveau d’avant. Des personnages comme Bernard Tapie et Milan Mandaric sont venus s’installer dans la tribune. Mandaric a débarqué au club, a mis l’entraîneur René Desaeyere à la porte et est reparti deux semaines après ».

Ekeren

En 90, à 33 ans, en bisbrouille avec Georg Kessler, Guy signa pour Germinal Ekeren: « Kessler me mettait souvent sur le banc et esquivait mes demandes d’explication. Selon lui, ma mise à l’écart était décidée à un autre échelon. Je crois qu’il jouait surtout dans les cartes de Roger Henrotay, manager du club, qui voulait me transférer. Un échange avec FransVan Rooy de l’Antwerp fut envisagé, mais l’opération ne se fit que dans un sens, et je partis à Germinal. Si j’avais su que Kessler céderait assez vite la place à Haan, j’aurais insisté pour rester. Ekeren ne fut pas une réussite, je ne m’y suis jamais senti chez moi, je ne parvenais pas à m’adapter au foot d’ Urbain Haesaert. Remplacer Günter Hofmans, blessé, derrière les attaquants, me convenait, mais à son retour, j’ai dû reculer, et ce rôle-là je ne le sentais pas. Après un an et le match d’ouverture de la saison 91-92, j’étais au RWDM sur l’insistance de Freddy Smets. D’autre ex-Standardmen étaient là, DanielNassen, ThierryRouyr et DirkRosez. Les journaux n’ont pas facilité mon arrivée en me désignant comme concurrent direct de Franky Vercauteren. Faux, je devais assurer la liaison défense- milieu;:de plus, je connaissais Franky, il n’y eut jamais un mot entre nous en équipe nationale. Six mois après, je râlais, le 15 janvier, contre Anderlecht, mes ligaments croisés lâchaient. A 35 ans, out jusqu’à la fin de la saison! Ma veine, mon contrat courait encore un an, sinon j’aurais pu faire une croix sur la D1″.

Avec EdwinVan Ankeren en contre-attaquant et EmilLörincz et DirkDe Vriese derrière, le RWDM fut tout près de l’Europe, mais perdit pied sur la fin. A ce propos, Freddy Smets, a accusé de sabotage, sans les nommer, quelques joueurs mécontents de ne pas avoir touché de prime d’encouragement.

« Franchement, je ne me souviens pas de cet épisode, ni de rien de particulier. Sabotage? Pas par moi, en tout cas. René Vandereycken, successeur de Smets, qualifia le club pour l’UEFA. Sa manière, fort critiquée par la presse, était positive au marquoir. Du bon travail, selon moi, malgré une rapide élimination européenne par Besiktas. Vandereycken me fit reculer dans le jeu, au libero face à Anderlecht. Pas donné, un poste aussi chaud dans le derby, mais je m’en suis bien tiré, 0-0. Des rumeurs sur une lourde dette circulaient déjà, et le club remplaça Vandereycken, parti à Anderlecht, par Daniel Renders, un homme du club, et donc une solution moins onéreuse. Frédéric Pierre et Marino Sabbadini furent vendus. Renders se débrouilla comme il put, plutôt bien au début, mais le nouveau président Erik De Prins et le manager Herman Van Holsbeek lui retirèrent leur confiance. Qui allait venir? Luka Peruzovic ? Non, De Prins opta à nouveau pour une solution interne, et me tâta pour un rôle de joueur-entraîneur. OK, j’entraîne, mais ne joue plus. Mes partenaires refusèrent, estimant que le noyau perdait ainsi son meilleur élément. Plutôt flatteur, à mon âge. Pour les calmer, j’ai suggéré de continuer à m’entraîner avec eux, au cas où… Je n’ai plus joué pendant six matches avant que les résultats ne m’obligent à m’y remettre jusqu’en fin de saison. On est descendu en D2, mais j’affirme qu’on nous a fait descendre ».

RWDM

Nous ne croyons pas à cette histoire de complot, et cette saison-là, le RWDM était d’ailleurs fort nerveux vis-à-vis des arbitres, mais Guy a maintenu sa sévère accusation: « J’en prends la pleine responsabilité. Molenbeek a chuté parce qu’il a été volé par les arbitres. A l’avant-dernière journée, nous étions en concurrence directe avec Beveren, et un succès à Charleroi nous aurait laissé un gros espoir de maintien. Cette victoire on l’aurait, sans doute, arrachée si l’arbitre Hus ne m’avait pas refusé, un penalty flagrant; et sur la fin, lorsqu’un des nôtres lui demanda -Combien de minutes encore?, il répondit: -Encore quelques minutes, et c’est terminé pour vous…Tendancieux et très méchant, non? Beveren arracha un nul à Ekeren qui avait loupé un penalty à la 90e minute ! En cours de saison, d’autres penalties nous avaient été refusés contre Bruges et Gand. On ne pouvait pas rester en D1″.

Guy redevint entraîneur en D2 avec l’objectif présidentiel de remonter en deux saisons: « On rata la première tranche de justesse, et au cours d’une conférence de presse, j’ai indiqué qu’il nous manquait deux attaquants. Immédiatement après, la direction m’accusa de lui mettre la pression. YvesBuelinckx et PietVerschelde furent engagés, et Van Holsbeek me lança: – A notre tour de te mettre la pression. Comme psychologie il y a mieux. Dominés à La Louvière, on l’emporte 0-1, mais les dirigeants s’énervent: -On joue mal, on va chasser les supporters ! Faux, ils ont continué à nous suivre, les supporters, on jouait la tête. J’ai expliqué la situation aux joueurs: -Il y a tension entre la direction et moi. Je reste, si vous le voulez, mais il faut gagner. On l’a fait contre Dessel, et j’ai posé la question de confiance aux dirigeants : -Alors, je reste ou je pars ? On a poursuivi, mais après une défaite à Denderleeuw j’ai senti la fin venir. Via Van Holsbeek, De Prins voulait se mêler de la composition de l’équipe, et mettre Verschelde et Pascal Bovri sur le banc au profit de jeunes. Je ne le voyais pas du tout comme ça, et j’ai salué la compagnie juste avant la trêve de décembre. Pour discuter des modalités du départ, j’ai essayé en vain d’entrer en contact avec le président De Prins, et le jour du rendez-vous enfin venu, à 17h. au stade, je n’ai trouvé que Van Holsbeek, De Prins était soi-disant à l’étranger. Il n’a pas eu le courage de venir ».

Henry Guldemont

« Avec le même noyau, le Standard jouait la tête il y a un an et la queue maintenant »

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