Apprendre à perdre pour gagner

1, 1, 2, 3, 2, 2, 3, 1, 1, 2, 1. Non, ce n’est pas le code du coffre de Fabian Cancallera mais ses résultats à Milan-Sanremo, au Tour des Flandres et à Paris-Roubaix depuis qu’il a terminé la Primavera 2010 à la 17e place. À l’exception du Ronde et de l’Enfer 2012, compromis par une fracture de la clavicule, le Suisse est donc monté sur le podium de ces trois monuments ces quatre dernières années, sans parler de ses trois victoires au GP E3 d’Harelbeke (2010, 2011 et 2013).

Pourtant, sa victoire au Ronde de dimanche diffère des autres de cette prodigieuse série, quand il tuait ses concurrents à petit feu. Il a raté de peu à Milan-Sanremo mais sur les pavés flamands et français, il a balayé tous ses rivaux, achevant sa course en solo, à l’exception du dernier Paris-Roubaix.

Dimanche dernier, Spartacus n’a pas usé du marteau mais du sabre. Les coups du gladiateur ont fait place aux tirs mouchetés du mousquetaire. Par obligation car même si c’est démoralisant pour ses concurrents, le Suisse, victime d’une maladie puis d’une chute en début d’année, accuse un retard de préparation de trois semaines et n’est pas encore redevenu l’extraterrestre qu’il était en 2010 et en 2013, comme l’a souligné son directeur sportif Dirk Demol au terme du Tour des Flandres.

On l’avait déjà remarqué à Milan-Sanremo, quand il n’a pas placé son habituelle accélération au Poggio, puis dimanche, quand Sep Vanmarcke a rivalisé avec lui au Vieux Quaremont et au Paterberg. Après le finish, Cancellara a même affirmé avoir dû reprendre son souffle à deux reprises, sur les attaques de Stijn Vandenbergh et de Greg Van Avermaet, et avoir dû miser sur son seul atout : un sprint après 260 kilomètres.

Spartacus disposait d’une autre arme : son expérience de 14 ans, qui lui a permis de se déconnecter de ses émotions dans le final et de pousser à la faute le jeune Vanmarcke. Comme il le disait lui-même dans nos colonnes la semaine dernière, celui-ci suit encore trop son tempérament et pas assez sa raison. Dimanche, le Waregemois a pourtant roulé la course parfaite jusqu’à trois kilomètres de l’arrivée : il s’est laissé piéger par Cancellara et ensuite, il a lancé son sprint trop tard. C’est fatal mais ce n’est pas une honte face au meilleur coureur de sa génération, au plus polyvalent, qui vient en sus d’intégrer le cercle restreint des triples vainqueurs du Ronde.

Depuis 2010 donc, Cancellara est le favori des classiques d’un jour, bien plus que Tom Boonen, qui a certes réalisé le doublé Ronde/Paris-Roubaix en 2012 mais en l’absence de Cancellara, qui avait chuté. Depuis que l’Ours de Berne l’a lâché dans le Mur en 2010, le Campinois, qui n’a pas été ménagé par les ennuis de santé, n’a plus gagné le moindre duel direct. Reste à savoir s’il est en mesure de progresser suffisamment en l’espace d’une semaine pour y parvenir à Paris-Roubaix.

Van Avermaet et Vanmarcke peuvent se consoler en pensant que le Suisse n’a pas encore déployé sa cape de Superman. Ils peuvent aussi se rappeler la leçon que Franco Ballerini a donnée au Suisse – qui la conte dans la double interview accordée avec Sven Nys à notre magazine : il faut apprendre à perdre pour pouvoir enlever une classique comme le Tour des Flandres ou Paris-Roubaix, comme il l’a expérimenté en 2006. A 25 ans, soit l’âge actuel de Sep Vanmarcke… Et celui-ci n’a-t-il pas perdu l’année dernière sur le vélodrome de Roubaix, face à un certain Cancellara ?

PAR JONAS CRÉTEUR

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