Appel aux tribuns

Le club anversois a besoin d’être redynamisé.

En vingt ans de compétitions nationales, le Club Brugeois et Anderlecht se sont adjugé les lauriers à quatorze reprises. De temps à autre, un outsider se fait la belle. La surprise vient de formations ne disposant pas de moyens énormes : Beveren (1984), le FC Malines (1989), le Lierse (1997) et Genk (1999).

Coïncidence troublante, si l’on excepte le cas de figure présenté par Beveren et Robert Goethals, les trois autres furent dépossédés de leur tacticien durant les mois qui suivirent. De Mos, Gerets et Anthuenis emportèrent les lauriers de la victoire pour en coiffer la nouvelle mariée.

Dur-dur d’être champion sans y être vraiment préparé! Sans être armé au moment d’aborder les lendemains de fête. Le Lierse en fait actuellement la cruelle expérience. La saison dernière, les Anversois sauvèrent la mise en remportant la Coupe de Belgique. Cette année, leur fin de parcours fut triste.

Herman Van Holsbeeck: « Inadmissible. Les salaires sont versés jusqu’au 30 juin. Nous nous attendions à un service convenable jusque-là. Le noyau se désunit, d’accord. Ce n’est pas une raison pour avoir torchonné les matches de manière aussi scandaleuse. Nos joueurs doivent prendre place devant un miroir. Se regarder bien en face. Effectuer un examen de conscience ». Voilà sans doute ce qui s’appelle arriver à la croisée des chemins. Afin de redynamiser l’ensemble, le Conseil d’Administration a engagé Herman Van Holsbeeck. Directeur commercial en 1999, il devient manager général début 2000. « Sans gros apports financiers, il est utopique d’espérer redresser la barre. On le sait, les recettes guichets ne représentent plus grand-chose. Les ressources essentielles viennent des partenariats que nous créons. A mon arrivée, le club disposait de 192 business seats. La construction de notre nouvelle tribune nous permet d’en proposer 624. Tous sont loués! En compagnie de mon jeune collègue, nous avons visité 400 PME. Louant deux sièges ici, quatre là, nous avons vendu l’ensemble. Ce labeur de fourmis a pris des mois de travail mais le jeu en valait la chandelle ».

La construction à laquelle Van Holsbeeck fait allusion présente une particularité. Les seats ne se trouvent plus derrière une vitre. Ils forment des fractions de gradins. Les occupants dégustent le repas dans une grande salle avant de rejoindre la terrasse chauffée. Nouvelle tendance. Les locataires en ont assez de se trouver enfermés dans une espèce d’aquarium. « Nous répondons à une demande généralisée. Principale motivation, participer à l’ambiance. Grâce à ce concept, nous passons de 300 à 650 repas par rencontre. 950 à la faveur des visites de Malines, Westerlo et Anderlecht, nos points culminants ».

Le Lierse ne réintégrera la cour des grands qu’au moment où son stade sera entièrement rénové. « La première phase est clôturée. La tribune officielle remise à neuf, nous avons terminé le bâtiment dont nous parlions précédemment. Théoriquement, nous devions dès à présent entamer des travaux destinés à remplacer les vieux gradins latéraux par un édifice équipé de sky box semblables à ceux que l’on voit à Eindhoven. A savoir, des loges dotées d’un balcon. Augmentation prévue de notre chiffre d’affaires : 40 millions par an. De quoi ouvrir d’autres perspectives. Raisons budgétaires obligent, ce ne sera pas envisageable immédiatement. Une participation à la Coupe de l’UEFA nous aurait propulsé vers l’avant. Le Lierse ne jouit pas d’aide extérieure. N’a bénéficié d’aucune retombée via l’EURO 2000. La commune nous accorde un emprunt à court terme. C’est tout. Le club est sain et entend le rester. Nous avons obtenu notre licence. Au RWDM, j’ai subi les affres d’une société en péril. Je ne veux plus revivre une telle expérience ».

Comme le souligne Herman Van Holsbeeck, les résultats acquis sur le terrain déterminent la politique à suivre. A cet égard, un changement de cap s’opère. Walter Meeuws s’en va après avoir accompli ses trois années de contrat. « Son bilan est positif. Epinglons la victoire en Coupe ainsi que les éclosions de Cavens, Daems ou Huysegems. Seul reproche, depuis quelques mois, les jeunes éléments qu’il défend bec et ongles ne renvoient plus l’ascenseur ». Pierre angulaire du nouvel édifice, le choix du mentor a tardé. Deux noms furent cités: Jan Ceulemans et Emilio Ferrera. Un troisième, Regi Van Acker, mit tout le monde d’accord.

« Le Caje est l’enfant du pays. Ses excellents résultats à Westerlo l’imposaient. Il a du charisme. Dans la région, les gens le voient à la manière d’une star. Nous avons eu divers entretiens. Il nous a avertis que Westerlo proposait un contrat de trois ans. En prime, l’éventualité de pouvoir disputer une coupe d’Europe. Il souhaite relever le pari. En son âme et conscience, il a fait son choix. Nous le respectons nonobstant une déception légitime. Ramener le petit prodige au bercail aurait constitué un joli coup. Chemin faisant, nous avions pris nos précautions en sondant d’autres pistes. L’une d’elles menait à Emilio Ferrera. Il a laissé une excellente impression. Malheureusement, il a été cité dans l’affaire des Brésiliens, avant d’être blanchi. Ces remous furent néfastes à sa candidature. Ferrera se trouvait en balance avec Van Acker. Au moment du vote, la balance a penché en faveur de son concurrent. Et puis, sa discrétion, son professionnalisme, les performances réalisées à l’Antwerp, le fait qu’il constitue une option régionale répondent au profil tracé ».

Peu satisfait de la phalange actuelle, le Lierse effectue un nettoyage de printemps. Divers joueurs sont priés de se trouver acquéreur. Le manager général défend la politique mise en place : « Notre noyau est trop touffu. Il contient un nombre important de joueurs dotés de qualités équivalentes. Il n’est pas normal de retrouver contre Mouscron un banc composé de Cavens, Huysegems, Claeys et Carlos Alberto. Il faut élaguer. Le futur noyau comportera seize pros encadrés par les six meilleurs espoirs. Nous nous efforcerons de les dégrossir soigneusement. Notre recrutement portera sur des gens confirmés. Dotés de fortes personnalités. Des lieutenants susceptibles, sur le terrain, de prolonger le message du patron sportif. Les bonnes équipes, celles qui mènent la danse, ont des tribuns à leur tête. Ils guident le groupe. Le Lierse n’a jamais remplacé Thomas Zdebel.

Actuellement, nous avons attiré Willy Sels, de Beveren. Nous savons qui nous souhaitons transférer. Jonas De Roeck (Antwerp) est de ceux-là. Nous avions également pensé à Manu Karagiannis. L’ampleur de son contrat, mise en regard de son âge, nous a découragés. Avant de nous lancer dans de grandes manoeuvres, nous devrons d’abord vendre. Telle est la politique locale ».

Ces vieux briscards, grands routiers de l’éternel, auront également mission de ramener dans le droit chemin les brebis égarées. Faire office de guides spirituels. Distiller le savoir accumulé au fil des ans. Offrir aux gamins ce bien considérable qu’est le métier.

« Les jeunes ont un problème », explique Herman Van Holsbeeck. « Aussi longtemps qu’ils grimpent en direction du sommet, ils consentent de gros efforts. Analysent objectivement leurs prestations. Dès qu’ils touchent ce que j’appelle la gloriole, ils se trouvent des tas d’excuses lorsqu’ils prestent de mauvais matches. Une fois, c’est la faute de l’entraîneur. Une fois, la responsabilité en incombe au public. Leurs équipiers n’ont pas été bons. La presse trop sévère. Un ballon pas assez gonflé… Bref, ils n’effectuent plus la moindre autocritique. Un club du format du Lierse doit prévenir ce mal en créant un encadrement psychologique propice à la remise en question. Certains ont la grosse tête. Il faut agir vite et bien si nous voulons demeurer un pourvoyeur de talents. Nous instaurons une cellule d’encadrement qui veillera à la stabilité intellectuelle des nouveaux pros. Marcel Vets, l’homme qui a connu Willy Wellens, Walter Ceulemans, Jan Ceulemans et tant d’autres à leurs débuts, sera rejoint par Franck Brackmans à la direction de notre centre de formation. Nous intensifierons le scouting régional. En attachant une très grande importance à l’aspect familial du candidat. Au Lierse, il y a peu d’enfants portant boucles d’oreille ou très longs cheveux. Personnellement, je n’ai rien contre. Toutefois, je considère une apparence, disons, plus classique, comme un gage d’éducation. Les performances scolaires nous tiennent à coeur. Nous tentons notamment de faire comprendre aux parents que les études demeurent plus importantes que le football. Chaque père croit que son fils est un nouveau Ceulemans ou un nouveau Maradona. Pourtant, sur cent appelés, il y aura peut-être dix, cinq élus. Les autres doivent pouvoir se retourner. Tracer leur chemin dans la vie civile ».

Le grand rêve de Herman Van Holsbeeck concerne l’engagement d’un psychologue. Réaliste, il sait que ce n’est pas demain la veille. « Parce que nous touchons du doigt le problème numéro un du football belge : le manque de moyens. Pourtant, je crois savoir que les grosses écuries françaises, italiennes, anglaises et même hollandaises investissent dans ce domaine. Une bonne approche psychologique, un dialogue adapté permettent à un joueur installé dans le doute de refaire surface plus rapidement. Auprès d’un conseil d’administration au sein duquel trônent des hommes d’un certain âge, l’idée n’est pas évidente à faire passer ».

Cette évolution a provoqué la démission de Freddy Van Laer. Le vénérable président (70 ans) jette l’éponge. Son explication : « J’ai senti qu’un homme plus en rapport avec son temps serait davantage en phase vis-à-vis des réalités contemporaines. La donne est tellement différente d’y a seulement dix ans que je me trouvais parfois mal à l’aise ».

D’où la prise de pouvoir effectuée par Gaston Vets. L’industriel de 52 ans, sans lien de parenté avec son homonyme éleveur de champions, pesait de tout son poids sur le comité. Il n’a pas fomenté une révolution de palais. Simple passage de témoin. Freddy Van Laer devient président d’honneur. L’objectif en 2001-2002 est modeste : apparaître dans la moitié gauche du tableau et, surtout, éviter de voir le compte en banque basculer dans le rouge.

« Le club est sain. Si l’on excepte la dette liée à la modernisation de l’infrastructure, nous ne devons d’argent à personne. A quoi bon avoir les yeux plus grands que le ventre et mettre la clef sous le paillasson dans deux ans? Nous reviendrons au top. En contruisant une base générée par nos équipes d’âge. Le temps joue en notre faveur ».

Daniel Renard

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