ANTI-STARS

Le manager du Bayern (54 ans) qui a engagé Daniel Van Buyten évoque l’incroyable passion déclenchée par le Mondial et ses conséquences pour la Bundesliga.

Quelle va être l’influence des quatre semaines du Mondial sur la saison 2006-2007 en Bundesliga ?

Uli Hoeness : Le déroulement du Mondial a été un rêve pour tous les clubs car l’ambiance qui a régné dans notre pays a été parfaite. Cela aura un impact positif sur la Bundesliga. Beaucoup de nouveaux amateurs – des enfants, des femmes – y ont participé et reviendront. Les grands événements, les grands matches et les finales deviennent des musts. Le football reste important, mais ce qui l’entoure l’est aussi.

Que peut reprendre le championnat du Mondial ?

Certaines choses. Comme le respect des supporters adverses. D’accord pour la rivalité mais pas pour la haine. C’est une grande leçon du Mondial. Nous avons aussi assisté à du football offensif au premier tour. Les équipes se sont faites plus prudentes lors des matches à élimination directe et même de formidables équipes ont évolué avec un seul avant. Cela n’a pas d’avenir. Ce système ne serait pas profitable à la Bundesliga.

L’équipe nationale allemande vous a-t-elle surpris ?

Je ne m’attendais pas à ce qu’elle développe son jeu avec autant de conviction et place de tels accents offensifs. Surtout que la préparation n’a pas été calme. Mais les managers de la ligue des clubs sont montés au front pour calmer les supporters.

Avez-vous imaginé que Klinsmann maîtriserait la situation ?

Je ne pensais pas qu’une telle euphorie naîtrait en Allemagne et que les gens soutiendraient leur équipe de manière aussi inconditionnelle. Les joueurs l’ont senti et ont joué comme s’il en allait de leur vie. Jürgen n’a jamais revu ses objectifs, il a toujours martelé que nous voulions être champions du monde. Il a bien fait. Il a inculqué cette philosophie à ses joueurs.

Dommage que Klinsmann soit parti

Que pensez-vous de son départ ?

Je le regrette beaucoup car ce ne sera pas facile pour Jogi Löw. C’est Jürgen qui a marqué cette équipe par sa philosophie du jeu. On attribuera les contrecoups à Jogi alors qu’ils seraient aussi survenus sous l’égide de Klinsmann.

Le retrait de Klinsmann vous a-t-il surpris ?

Je pensais bien qu’il allait raccrocher mais je m’attendais qu’il se laisse quand même convaincre par la prière de tous, après l’euphorie qui était née. Sa décision était néanmoins prise dès le départ, manifestement.

Oliver Bierhoff a déclaré pendant le Mondial que le développement atteint devait être poursuivi dans les clubs. Selon lui, la Bundesliga se trouvait plongée dans un sommeil, comme la Belle au bois dormant, en matière d’entraînement individuel, de rythme et de passing. A-t-il raison ?

Je n’ai pas compris pourquoi il déclarait ça à ce moment même si on peut développer certains thèmes. Mais je suis manager, pas entraîneur. Je ne me mêle pas en public de ces aspects-là.

Quel a été le meilleur joueur allemand, pour vous ?

Phillip Lahm. Il a été sensationnel. Il a joué comme si tout coulait de source.

Bastian Schweinsteiger et Lukas Podolski ont-il amélioré leur position au Bayern grâce à leur Mondial ?

Chaque joueur repart à zéro au début de la saison. Celui qui a de la classe s’impose. Comme je pars du principe que Podolski en a, il va s’imposer. Il devra travailler, pour ce faire.

Le Bayern a perdu Michael Ballack et Zé Roberto. Dans quelle mesure votre jeu va-t-il changer ?

Nous allons composer notre équipe en toute sérénité. L’entraîneur s’en charge. Il a un bon noyau, la balle est dans son camp.

Après le doublé, en mai, vous avez formulé vos objectifs : la place de un à trois en Bundesliga, le deuxième tour en Ligue des Champions. Cela reste-t-il d’actualité ?

Oui, nous serons heureux si nous allons plus loin.

Pas de fausse modestie

Pourquoi êtes-vous si modeste ?

Les grandes déclarations n’apportent rien. On en demande trop à l’équipe et si elle n’atteint pas les objectifs, on vous le reproche. Nous avons beaucoup de jeunes joueurs que nous voulons aider à progresser. Nous avons besoin de temps. En période d’investissement, on ne peut formuler d’ambitions trop élevées.

Dans ces conditions, la nouvelle saison sera-t-elle plus passionnante ?

Notre objectif n’est pas de rendre le championnat plus passionnant mais de jouer de notre mieux. Nous n’avons pas non plus décidé, comme ça, de dominer le championnat. Nous formons une équipe et nous ignorons ce qu’il en sortira.

Outre le Bayern, qui doit rendre le championnat intéressant ?

Brême a réalisé de bons investissements, Hambourg nous a déjà rendu la vie dure l’année dernière, pourquoi ces deux-là ne s’en chargeraient-ils pas ? Schalke va se stabiliser. J’en suis convaincu : cette saison, il sera plus difficile d’être champion que l’année dernière.

Le Bayern a débattu de l’attrait de son football au second tour et encore récemment. Qu’exigez-vous cette saison ?

Nous ne nous en mêlons pas, c’est du ressort de l’entraîneur.

En mars, après le 1-4 à Milan et votre élimination de la Ligue des Champions, vous avez dit que vos joueurs étaient trop vite contents et n’acceptaient pas la critique. Vous avez parlé de plus de discipline.

Une confrontation permanente avec les joueurs n’apporte rien. Il faut les inciter à hausser leur niveau par la communication. La discipline est certainement un point important mais on n’arrive à rien en mettant les gens sous une pression excessive.

Outre Ballack et Zé Roberto, la Bundesliga perd Tomas Rosicky, Dimitar Berbatov, Johan Micoud et Jan Koller. Ces départs font-ils vraiment mal ?

Koller a 33 ans, comme Micoud. Tôt ou tard, ils devaient partir. Rosicky est un bon footballeur mais il n’a pas livré assez de bons matches pour qu’on qualifie son départ de grosse perte. Il a montré ce dont il était capable contre les USA pendant le Mondial. A part ça, on n’en a pas vu grand-chose.

Il gèle beaucoup en Allemagne…

Votre frère Dieter pense que le Mondial a rendu la Bundesliga attractive aux yeux des étrangers. Etes-vous d’accord ?

Oui. Au fil du temps, l’un ou l’autre grand footballeur va être transféré dans notre championnat. Notre Français Willy Sagnol m’a raconté que les joueurs étaient impressionnés par les nouveaux stades et l’ambiance.

Pourquoi n’a-t-elle pas d’intérêt aux yeux de joueurs d’Italie ou d’Espagne ?

Les clubs de ces pays paient trop bien. En plus, chez nous, ils devraient affronter la neige et le gel de fin octobre à la mi-mars alors qu’ils n’y sont pas habitués. Nous avons eu la chance que ces étrangers aient eu un temps superbe pendant tout le Mondial. Ils pensent maintenant qu’il en va toujours ainsi… Nous devrions nous concentrer davantage sur les bons espoirs allemands. Ces jeunes ont grandi ici, il n’y a pas de problèmes linguistiques. Les équipes d’âge progressent, la tendance est positive.

Ces jeunes remplissent-ils les stades comme des stars étrangères à la Giovane Elber, Bixente Lizarazu ou Zé Roberto ?

Il faut un bon mélange.

Le Bayern n’a-t-il pas besoin d’une star pour la saison à venir ?

Si une vedette est financièrement accessible, nous la transférons. Sinon, pourquoi aurions-nous essayé de transférer Ruud van Nistelrooy ?

Quels joueurs doivent-ils rendre le championnat plus attrayant ?

J’espère que nos Lahm, Podolski et Schweinsteiger vont profiter de l’élan du Mondial. Un Miroslav Klose, du Werder Brême, dans sa forme actuelle est une attraction. Les autres internationaux doivent entamer la saison avec une assurance nouvelle. La Bundesliga ne s’appauvrit pas.

Qu’attendez-vous de la Bundesliga en Coupe d’Europe ?

Je ne sais pas si nous irons nettement plus loin que les années précédentes. Nos joueurs ont prouvé qu’ils pouvaient rivaliser avec les meilleurs. D’autre part, je ne puis imaginer que Ronaldinho et Kaka soient encore aussi mauvais que pendant le Mondial. Pareil pour Frank Lampard, Joe Cole ou Steven Gerrard. Je ne comprends pas que ces formidables footballeurs aient été aussi brisés. Ronaldinho était manifestement à plat mentalement.

Financièrement, la Bundesliga ne peut pas s’aligner

Le problème de la Bundesliga au niveau international reste son retard financier ?

Avec 100 millions d’euros en plus, je peux payer ces stars mais je ne les ai pas et les autres clubs encore moins. Le Werder, le HSV n’ont aucune chance d’enrôler des joueurs de 20 à 25 millions. Je ne me plains pas mais l’argent fait défaut. Un exemple : Chelsea a acheté l’avant Salomon Kalou à Feyenoord. Nous l’avons visionné cinq fois, je l’ai suivi personnellement à deux reprises. Ce n’est pas un mauvais joueur, mais nous ne pouvons nous permettre de claquer huit millions pour un essai. L’Atletico Madrid paie le jeune attaquant argentin Sergio Aguero en huit ans : autant se faire hara-kiri.

Devons-nous craindre que nos jeunes internationaux deviennent intéressants aux yeux des clubs étrangers, après leur Mondial ?

Si Roman Abramovich en veut un, ou que les droits TV espagnols, italiens et français restent à leur niveau, c’est possible.

Va-t-il y avoir un nivellement en Europe ?

Soit les droits allemands montent soit les italiens et les espagnols diminuent. Cela ne peut durer sinon nous n’avons aucune chance.

Compte tenu de cette situation financière, comment jugez-vous le comportement international de la Bundesliga ?

Brillant. Le rapport salaires – succès est formidable. La Bundesliga est le championnat le plus sain du monde. Les gens doivent le comprendre.

Le fossé ne va-t-il pas s’élargir ?

Nous allons tout mettre en £uvre pour qu’il se réduise. Ce que nous avons atteint ces deux ou trois dernières années est beaucoup trop modeste. Nous devons obtenir de meilleurs résultats.

N’est-ce qu’une question d’argent ou Klinsmann a-t-il raison d’exiger plus de fitness et de rythme ? Peut-on s’entraîner davantage ?

C’est à l’entraîneur de répondre.

Plus d’entraînement ?

Klinsmann et Löw ont dit que les entraînements devaient être plus intenses et plus tactiques.

Les entraîneurs peuvent reprendre certaines choses s’ils le veulent mais il serait fatal que les directions de clubs se mêlent de cet aspect.

Klinsmann et Löw demandaient aux joueurs de prendre plus d’initiatives. Est-ce positif ?

Jürgen a raison : les joueurs doivent être prêts à travailler leurs manquements individuellement, en-dehors des séances officielles. Un international établi peut très bien consacrer son après-midi à son jeu de tête sans se couvrir de honte.

Avez-vous connu des joueurs qui le faisaient ?

Oui. Mais l’équipe nationale n’aurait jamais pu jouer avec autant de succès si les clubs n’avaient pas fourni à Klinsmann des joueurs bien entraînés. On ne peut transformer des mules en purs-sangs en l’espace de quatre semaines – y compris une semaine de repos en Sardaigne- si la formation de base n’est pas acquise. Avec tout mon respect pour le travail de Klinsmann, il ne faut pas sous-estimer celui accompli par les entraîneurs de Bundesliga. C’est pour ça que je n’ai jamais compris cette discussion sur la condition. On a sous-estimé le travail de nos coaches.

Certaines valeurs devaient être mauvaises.

Nous sommes au courant mais les joueurs du Bayern n’étaient pas concernés.

Que préférez-vous : un hattrick du doublé Coupe/championnat ou un coup d’éclat en Ligue des Champions ?

Il n’y a pas de priorité.

Il y a quand même une obligation…

Au moins la participation à la Ligue des Champions. Sinon, la pression serait intenable pour les joueurs.

KARLHEINZ WILD, ESM

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