Anti-BLABLA

Pierre Bilic

Le renfort défensif slovène des Zèbres espère trouver calmement son Eden en Belgique.

Quand Velimir Varga jette un regard par la fenêtre de son living, le magnifique stade du Pays de Charleroi s’offre à lui. L’antre des gueules noires semble vouloir lui dire fièrement que sa pelouse fut l’estrade d’une des belles déclamations de l’Euro 2000 quand la Slovénie, son pays natal, et la Yougoslavie, devenue Serbie & Monténégro, signèrent un 3-3 haut en couleurs.

 » J’étais évidemment devant mon poste de télévision ce soir-là « , dit-il. Le nouveau back gauche des Carolos s’installe tout doucement dans l’appartement qu’ IbrahimKargbo occupait rue de la Neuville avant de tenter sa chance sous d’autres cieux. Tout a été soigneusement rafraîchi, peint et tapissé. Encore un petit effort dans la cuisine et ce sera parfait.

 » Au début, ce n’est pas évident de s’installer dans un pays dont on ne connaît pas la langue « , avoue-t-il.  » Le premier mois fut assez dur car il fallait me situer, m’organiser, apprendre à vivre sans ma famille et mes amis. C’est cela aussi, je suppose, l’existence du footballeur professionnel à l’étranger. Pas de problème, je m’adapte. Je suis célibataire. L’accueil que le club, les joueurs et le staff technique m’ont réservé fut vraiment très chaleureux. Je me sens déjà chez moi et je suis des cours de français « .

Ce n’est pas évident mais cela ressemble un peu au naufragé volontaire du biologiste et médecin français Alain Bombard, récemment disparu, qui avait consacré un grand livre à ses 65 jours passés seul en mer sur un canot, l’Herétique. Bombard avait survécu en buvant de l’eau de mer et en mangeant uniquement des planctons. L’épreuve endurcit les hommes, vivifie les caractères. L’ancien capitaine du NK Domzale s’est aussi jeté à l’eau, mais navigue quand même sur des vagues plus sereines. Le Mambourg sera-t-il son grand port d’attache, sa porte de l’Ouest ? Velimir Varga se révélera-t-il à Charleroi comme Nastja Ceh le fit à Bruges ? Ou comme tant d’autres de ses compatriotes aux quatre coins de l’Europe ?

Si l’ancienne perle blonde de la Venise du Nord était l’architecte du jeu et l’artificier de Bruges, le sympathique Velimir Varga a vécu toute sa carrière dans le bastion défensif de ses différents clubs. Fils d’une maman serbe et d’un papa croate qui se sont fixés depuis des lustres près de Ljubljana, il se sent totalement slovène :  » C’est là que je suis né, c’est là que se situe mon avenir. La Slovénie a tout, la mer et la montagne, mais mon jardin secret à moi a toujours été le football. Chez nous, le ski, le basket et le handball ont la cote mais le football est tout de même le sport numéro 1 « .

Des cercles slovènes réalisent parfois de beaux petits coups sur les scènes européennes. Genk doit encore faire des cauchemars en songeant à ses deux chocs avec Maribor en 1999. Les hommes de Jos Heyligen étaient revenus avec un terrible 5-1 dans leurs valises et si les Slovènes furent battus 3-0, ils se retrouvèrent au troisième tour qualificatif de la Ligue des Champions. Mieux : au tour suivant, ils se payèrent le scalp de Lyon et prirent part aux poules. C’est dire si le football de ce petit pays (20.251 km carrés et 1.974.000 habitants) est à prendre au sérieux. Pourtant, les joueurs y ont tous le même désir : s’imposer à l’étranger. Les payes ne sont pas très élevées en Slovénie.

 » Quand un joueur obtient un salaire mensuel de 1.000 euros nets, c’est très bien « , affirme Velimir Varga.  » Et je suis même généreux en citant ce chiffre. Cela suffit pour vivre au jour le jour mais évidemment pas pour être un peu tranquille à la fin de sa carrière. Les clubs ne roulent pas sur l’or, sont emportés par des faillites. Dès lors, il faut partir et, chaque année, ils sont nombreux à s’expatrier, à tenter sa chance à l’étranger. Depuis que la Slovénie fait partie de la Communauté européenne, c’est plus facile « .

Défenseur à missions variables

Velimir Varga a fréquenté deux clubs (Crnuce et Factor) avant d’atteindre son rythme de croisière sous les couleurs du NK Domzale, un cercle de la périphérie de Ljubljana.

 » Ce club a parfois pris l’ascenseur entre la D1 et la D2 « , avance-t-il.  » Il y a deux ans, Domzale est revenu au plus haut niveau du football slovène. En 2003-2004, Domzale se stabilisa, devint une des bonnes valeurs de la D1. Puis, ce fut le boum un an plus tard. Mon ancien club a terminé le dernier championnat à la deuxième place, derrière le champion, Hit Gorica, et devant Publikum. Domzale est désormais le seul représentant de la région de Ljubljana à figurer en D1. Pour moi, ce ne fut pas une surprise. Le coach, Slavisa Stojanovic, abattait du bon travail et pouvait compter sur un groupe très soudé. Pas de vedettes, pas d’égoïstes, des gars heureux de jouer ensemble et de se retrouver après les matches. Un homme a tout de même assumé un rôle décisif lors de cette belle aventure : notre gardien de but, Dejan Nemec, qui joua autrefois à Bruges. Dejan nous a apporté son calme, son expérience et son sens du travail bien fait. C’est un ami et nous nous téléphonons régulièrement « .

Un grand collectif et un portier sortant du lot : Domzale a utilisé les mêmes recettes que Charleroi la saison passée. Le club ne compte qu’une moyenne de 1.500 spectateurs par match mais se fraye un chemin dans la jungle de la Coupe de l’UEFA et n’a pas raté ses débuts européens face à Domagnano, un club de Saint-Marin. Des moments grisants que Velimir Varga a raté en tentant sa chance à l’étranger. A Domzale, il était le pion le plus important de la défense. Pied gauche de qualité, vista, calme, sérieux, application, condition physique et taille d’1,88 m utile dans le trafic aérien : ses atouts ont beaucoup apporté à Domzale.

Il préfère ne pas trop parler de ses qualités :  » Je n’aime pas le blabla. Cela ne sert à rien. C’est le terrain qui tranche « . Si Charleroi entend en faire son back gauche, Velimir Varga a cependant consacré l’essentiel de sa carrière au poste d’arrière central.

 » C’est exact mais j’ai tout de même passé de longs moments sur la gauche quand la nécessité s’en faisait sentir « , précise-t-il.  » Je dois m’adapter mais cela ne me pose pas de problèmes existentiels. J’essaye toujours de répondre aux attentes de mon entraîneur. Tout footballeur doit être capable de se débrouiller à plusieurs postes. Cela ne m’empêche pas d’avoir des préférences. J’adore jouer au centre de la défense, surtout dans un rôle de libero. Charleroi sait que je peux rendre des services à différentes places « .

A la fin de la saison passée, les Carolos s’intéressèrent rapidement au gaucher de Domzale. L’affaire fut rondement menée.  » Je ne m’occupe pas de rumeurs qui auraient pu m’envoyer ailleurs : Charleroi était la seule piste concrète « , dit-il.  » Je n’ai pas hésité un seul instant. Ce contrat de deux ans est la réalisation d’un rêve, une récompense pour toutes ces années de travail. Il me permet, à 25 ans, de tenter ma chance à l’étranger. J’ai saisi cette chance à deux mains. J’ai vite eu la certitude que c’était un bon choix « .

Varga, c’est un nom de famille connu dans le monde du football belge. Tout le monde se souvient du talent de Zvonko Varga, l’attaquant serbe qui fit la fortune du FC Liégeois et milita aussi au défunt FC Seraing. Et Waregem se souvient peut-être d’un certain Istvan Varga qui porta ses couleurs en 1989-1990 avant de rejoindre sa Hongrie natale et le Honved Budapest. A Charleroi, ce nom a cependant une odeur de soufre et fait penser à un caïd qui défraye souvent la chronique judiciaire.  » On m’en a déjà parlé « , relève Velimir Varga avec un petit sourire amusé.  » Je trouve cela très drôle « .

 » J’attends avec impatience le championnat  »

On ne peut plus calme, Velimir Varga n’a rien d’un gars sans foi ni loi. Il organise sa vie, n’a pas encore rangé sa planche à repasser et attend d’avoir sa connexion internet.

 » Mais ce que j’attends le plus, c’est le début du championnat « , résume-t-il.  » Je suis même assez impatient. Confiant aussi. Charleroi a une bonne équipe. Et ce n’est pas l’élimination en Coupe Intertoto, face aux Finlandais de Tampere United, qui me fera douter. Que ce soit dans le nord de l’Europe ou chez nous, Charleroi a dominé largement le jeu. Tampere s’est contenté de boucher son camp et de pratiquer le contre. Il n’était pas évident de se frayer un chemin dans ce dédale défensif. La déception fut grande car cette élimination nous a privés de deux magnifiques rendez-vous avec la Lazio Rome. Jacky Mathijssen a très vite remis cet échec en perspective. Charleroi ne présentait évidemment pas le même degré de préparation que Tampere engagé dans le championnat de Finlande. C’est le passé. Il n’y a plus qu’une chose qui compte désormais : le championnat. Charleroi doit répéter sa bonne saison écoulée. J’avais suivi sa progression. Les paris sportifs ont aussi du succès chez nous. Alors, quand on veut miser, il faut connaître pas mal de championnats. Tout le monde a remarqué que Charleroi menait la vie dure à Anderlecht, à Bruges, au Standard, au Racing Genk, etc. Ce sont des références et, à mon avis, cela doit devenir une habitude. Le football est plus engagé en Belgique qu’en Slovénie. Tactiquement, c’est nettement plus poussé aussi. En Slovénie, la vérité passe souvent par un exploit individuel. Ici, tout est plus collectif « .

S’il réussit à se faire une place au soleil, Velimir Varga fera la fierté de sa maman Nevenka et de son papa, Slavko, qui est peintre en bâtiment.

Pierre Bilic

Un défenseur central gaucher qui devra TROUVER SES MARQUES SUR LE FLANC

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