« Anthuenis va surprendre »

Bruno Govers

Réserviste de luxe la saison passée, Besnik Hasi est près à s’affirmer.

Pour l’avoir eu sous ses ordres à Genk, Aimé Anthuenis voulait absolument Besnik Hasi dans son équipe anderlechtoise. Ou du moins son noyau… A l’occasion de son tout premier exercice au Sporting, l’Albanais aura été réduit à la portion congrue: trois matches complets, seulement, en championnat, et autant d’apparitions, plus furtives encore en Ligue des Champions.

Alors que la campagne 2001-02 n’en est qu’à ses premiers soubresauts, Hasi est, cette fois, déjà en passe d’égaler ces chiffres. Car il fut non seulement partie prenante dans les trois joutes européennes des Mauve et Blanc, mais il s’est érigé, aussi, en valeur sûre contre l’Antwerp et s’attendait -au moment de l’interview- à jouer à La Louvière.

Comment expliquez-vous cette métamorphose d’une année à l’autre?

L’été passé, je n’avais pu défendre mes chances valablement, dans la mesure où ma préparation avait été entravée par une blessure au genou. Le mal s’était ravivé après la seule joute que j’avais livrée dans son intégralité, en Coupe d’Europe, au FC Porto, en préliminaires de la Ligue des Champions. Du coup, j’étais privé de matches au moment où Anderlecht allait aborder les choses sérieuses, tant sur les plans national qu’international. Ma chance était passée.

Au profit d’Yves Vanderhaeghe qui, a priori, ne recueillait pourtant pas la pleine adhésion d’Aimé Anthuenis…

Sa présence au Parc Astrid aura indéniablement constitué une difficulté supplémentaire pour moi. Au début, tout le monde savait, évidemment, que je faisais figure de priorité, à la place de demi défensif, aux yeux du coach. Dans de telles conditions, ma tâche fut plus compliquée encore. Il fallait que je me batte à la fois contre un adversaire direct, l’entraîneur et les préjugés. C’est beaucoup pour un seul homme (il rit).

« Walter, Yves et moi sommes complémentaires »

Du statut de concurrents, Yves Vanderhaeghe et vous-même semblez être passés à celui d’alliés cette saison. Dans chaque interview, vous faites tous deux régulièrement l’apologie l’un de l’autre?

Le match au FC Porto avait quand même prouvé qu’Yves Vanderhaeghe, Walter Baseggio et moi étions parfaitement complémentaires. Depuis cette date, le même cas de figure s’est représenté à quelques reprises. Comme aux Glasgow Rangers, notamment. Et, chaque fois, l’option se révéla judicieuse. Aussi, pourquoi ne la répéterait-on pas plus régulièrement?

Davantage que le profil d’Yves Vanderhaeghe, un joueur aux caractéristiques semblables aux vôtres, l’éclosion d’Alin Stoica ne vous aura-t-elle finalement pas joué un tour pendable?

C’est vrai que nous n’avons jamais disputé une seule partie complète dans une configuration à quatre. Pourtant, si chacun d’entre nous était prêt à y mettre du sien, ce schéma-là pourrait parfaitement tenir la route. Au lieu de jouer dans l’axe, aux côtés d’Yves Vanderhaeghe, je serais parfaitement à même d’évoluer de façon excentrée sur le flanc droit. Dans ma carrière, il m’est d’ailleurs arrivé à divers moments d’officier sur cette portion du terrain.

Walter Baseggio a toutefois fait clairement comprendre, récemment, que l’aile gauche n’était pas sa tasse de thé…

Il n’est pas le seul. Alin Stoica, lui, s’est plaint de devoir neutraliser, par moments, les ébauches de l’opposant par un positionnement adéquat. Ces griefs sont propres aux jeunes. Au même âge, je n’aurais probablement pas réagi de manière différente. A trente ans on ne voit plus les événements de la même façon.

Par rapport à certains, vous avez fait très peu de vagues dans la presse. Mais au fond de vous-même, cette première année au Sporting n’aura-t-elle pas été très dure à vivre?

Si. Il m’est quelquefois arrivé de bouillonner intérieurement. Et, pour tout dire, je suis même allé demander des comptes, un jour, à l’entraîneur. C’était début décembre. Je venais, à cette époque, de disputer deux toutes bonnes rencontres d’affilée: la première, contre la Lazio Rome, à la faveur de laquelle j’avais même offert le goal de la victoire à Tomasz Radzinski. La deuxième, face au Club Brugeois, qui nous avait permis de recoller aux leaders de la compétition, forts de quatorze succès d’affilée à ce moment. Vu ces prestations, et ma tenue respectable au Real Madrid, je pensais qu’Aimé Anthuenis allait faire appel à moi aussi, dans la foulée, pour les besoins du match suivant au FC Malines. Mais en dépit de l’absence de Walter Baseggio, il fit appel à Didier Dheedene au poste de demi défensif. Il eut beau m’expliquer que ce choix était guidé par un souci d’équilibre dans l’équipe, je ne l’ai pas cru. J’ai fulminé jusqu’au moment où Didde a inscrit, sur coup franc, le but du 0-2 qui enleva définitivement tout suspense à la rencontre. Et je me suis alors fait la réflexion, comme tant d’autres auparavant, que le coach avait vraisemblablement vu juste. Dès lors, je n’avais rien de mieux à faire que de remettre l’ouvrage sur le métier. Et d’attendre qu’une nouvelle occasion se présente. J’étais toutefois loin de me douter que ce serait à la Lazio Rome, trois mois plus tard (il grimace).

« Il faudra plus davantage composer avec moi cette année »

A l’analyse, vous avez souvent été utilisé en déplacement, la saison passée. Surtout en Coupe d’Europe, dans des matches où le Sporting n’était pas donné favori. En revanche, quand le contexte se voulait plus facile, vous faisiez souvent les frais du choix de l’entraîneur. Dans quelle mesure cette donnée-là a-t-elle changé à présent? Votre présence sera-t-elle toujours acquise, selon vous, le jour où Walter Baseggio et Alin Stoica seront à nouveau opérationnels?

Au risque de me tromper, j’ai l’impression que l’on devra quand même davantage tabler sur moi cette saison que l’an passé. Le RSCA est privé d’un élément précieux dans la récupération du ballon : Jan Koller, qui n’avait pas son pareil pour soulager l’arrière-garde quand le besoin s’en faisait sentir. Compte tenu de son départ, une compensation s’impose dans l’équipe. Et, avec d’autres arguments, je pense pouvoir faire parfaitement l’affaire. Je sais me rendre utile au collectif, à ma manière. Non seulement en faisant ma part de travail défensif mais aussi en bottant de temps à autre un coup franc victorieux, comme à Halmstad. Depuis que les spécialistes comme Pär Zetterberg et Didier Dheedene sont partis, j’ai incontestablement augmenté mes chances dans cet exercice.

Ceci dit, je préfère mériter ma place sur l’aire de jeu grâce à mon apport comme joueur… Je ne m’entraîne d’ailleurs pas de façon spécifique pour les phases arrêtées.

Et si, malgré tout, vous étiez sacrifié?

Dans ce cas, je mettrais tout en oeuvre pour me réhabiliter. Je pars du principe que les raisons d’une non-sélection, je ne dois pas les chercher chez les autres mais chez moi. Si l’entraîneur ne compte pas sur moi, je me dis que c’est parce qu’il a de bons motifs pour faire confiance aux autres. Qui suis-je, d’ailleurs, pour revendiquer une petite place au sein du onze de base? D’autres, beaucoup plus doués que moi, ont fait banquette eux aussi, alors qu’ils avaient peut-être mille fois plus raison de maugréer que moi. Je songe, notamment, à mes anciens coéquipiers au Dinamo Zagreb Zvonimir Boban et Davor Suker. Eux aussi ont fait cette expérience, à l’un ou l’autre moment de leur carrière, et en sont sortis plus forts. Quand je suis au creux de la vague, je songe à eux.

« Le jeu du Sporting sera plus riche cette saison »

Avec Jan Koller, le jeu d’Anderlecht était, par moments, stéréotypé, dans la mesure où lorsqu’une solution au sol faisait défaut, la tendance consistait à chercher sa tête. Son départ ne favorise-t-il pas une solution?

D’une manière générale, et indépendamment de moi, le jeu du Sporting devrait être plus riche et diversifié cette saison. La tendance à l’uniformité, qui était manifeste avec le ténor tchèque dans nos rangs, devrait logiquement céder le pas à un autre football. Durant la période de préparation, et même lors des premiers matches officiels, on en a eu un tout premier aperçu. La preuve par notre récent match contre l’Antwerp : avant le repos, le 4-4-2 avait été d’application, avec Aruna Dindane et Ki-Yeun Seol en pointe et l’équipe s’était cassé les dents sur la bonne organisation des Anversois. En deuxième mi-temps, le 3-4-3, avec Mark Hendrikx sur les flancs et le trio Gilles De Bilde-Ivica Mornar-Aruna Dindane en pointe a fait merveille et nous a permis de prendre nos distances. Dans d’autres circonstances, nous avons démontré qu’un 3-5-2 était parfaitement envisageable aussi. C’est pourquoi, Anderlecht est plus fort encore que l’année passée, malgré le départ du quatuor que l’on sait.

La saison passée, Anthuenis n’a souvent juré que par les mêmes têtes. Il est vrai qu’à l’attaque, surtout, son choix était limité puisque Souleymane Youla n’y a jamais constitué une menace pour le tandem formé par Jan Koller et Tomasz Radzinski. A présent, l’entraîneur a l’embarras du choix dans ce secteur. Réfractaire à la rotation de l’effectif, cette richesse ne risque-t-elle pas de lui poser problème?

Anthuenis n’a pas fini de surprendre. Ces dernières années, il s’est fait un malin plaisir de prouver, à plusieurs reprises, que tout le monde s’était trompé. Tout d’abord en démontrant qu’il n’était pas l’homme d’un seul système, puisqu’il est passé du 5-3-2 de Genk aux trois autres, cités ci-avant, sans problèmes. On a dit aussi qu’il n’appréciait pas outre mesure les artistes. Pourtant, Pär Zetterberg n’a jamais mieux joué que sous sa coupe. On va souvent trop vite en besogne avec lui. Moi, je prétends qu’il n’aura aucune peine à gérer la nouvelle situation. Et qu’il n’hésitera pas à faire tourner son groupe. La preuve est déjà faite qu’il ne se formalise pas d’un nom. Et c’est heureux.

Stoica me fait songer à Boban

Alin Stoica peut en parler. Que vous inspire son cas?

Il me fait irrémédiablement songer à Zvonimir Boban, qui se sentait aussi au-dessus de la mêlée au Dinamo Zagreb, mais qui a appris l’humilité à l’AC Milan, au contact d’autres vedettes. Je pense que le Roumain pourrait marcher sur les mêmes traces. Mais je ne comprends pas qu’un tel déclic ne se passe pas plus tôt. A Anderlecht, lorsqu’on dispute un match attaque contre défense, les arrières l’emportent quasi toujours. Ils sont disciplinés et en cas de perte du ballon, ils mettent du coeur à l’ouvrage. Certains, comme Alin, n’ont pas ce réflexe. Mais ce n’est peut-être qu’une question de temps. Gilles De Bilde, par exemple, se bat à présent dans un même contexte. Or, d’après ce que disent les anciens, cet aspect-là ne constituait nullement son fort, jadis…

Avant d’avoir touché un ballon, De Bilde avait déjà conquis les coeurs du public anderlechtois. Est-ce facile à accepter pour un garçon méritant, comme vous, mais qui est l’un des rares, pourtant, à ne pas encore avoir de club de supporters?

Il me paraît tout à fait normal que les gens prennent fait et cause pour lui. Au même titre qu’Alin, Gilles est fait pour jouer au Sporting. Je n’ai aucune difficulté à l’admettre et, à la place des supporters anderlechtois, je n’agirais pas autrement. Je suis toutefois sûr et certain que ceux-là réalisent parfaitement que onze joueurs de cette trempe ne formeront jamais une équipe compétitive. Et c’est ce qui fait, justement, le bonheur d’un joueur comme moi.

Si vous deviez choisir un complément à Gilles De Bilde, sur qui se porterait votre choix?

De Nenad Jestrovic à Ivica Mornar, en passant par tous les autres, chacun dispose de qualités spécifiques qui suffisent à faire l’affaire. Personnellement, j’ai toutefois un faible pour Ki-Yeun Seol. Non pas qu’il surclasse les autres. Mais, compte tenu de ses difficultés d’expression dans notre langue, il m’appelle sans cesse Hagi. Un fameux compliment, chacun en conviendra (il rit).

Bruno Govers

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