ANTHUENIS « Brel me touche profondément »
L’ode à Bruges donne la chair de poule à l’entraîneur anderlechtois.
En bruit de fond, la voix de Marieke, le coeur brisé flamand. « J’ai toujours été fou de Jacques Brel. depuis mon enfance », confie Aimé Anthuenis. Nous dégustons un vin rouge au Prince de Liège, un hôtel-restaurant d’Anderlecht. Jacques Brel y venait souvent. La dernière fois, c’était peu de temps avant son décès, des suites d’un cancer du poumon, en 1978. Nos regards se tournent vers la première table à droite du hall, la table qu’il a occupée lors de sa dernière visite. Sans amour, c’est fini…
« La langue française ne m’attirait pas beaucoup mais j’aimais écouter les chansons de Jacques Brel », raconte Aimé Anthuenis. « En fait, la langue n’a pas beaucoup d’importance dans ses chansons. Les traductions en néerlandais et en anglais sont très belles. Ce qui compte, c’est la flamme avec laquelle il interprète ses textes fantastiques. Ce sont des poèmes. Brel est un grand poète, il évoque comme nul autre une ambiance. Le rythme et la construction musicale y sont pour beaucoup. Chaque chanson commence de façon différente. Les mélodies, accompagnées à l’accordéon et au piano, sont superbes. Je n’ai vu Brel que dans quelques émissions télévisées tournées à l’Olympia de Paris. Brel sur un podium, c’est la passion à l’état pur. Son enthousiasme vient du plus profond de son coeur. J’ai un CD-live, avec des applaudissements au début et à la fin de chaque chanson. J’en attrape la chair de poule… J’ai usé la première cassette de Brel en voiture. En général, je me lasse d’une musique après deux ou trois morceaux mais Brel, je l’écoute jusqu’au bout. Ses chansons ne m’ennuient jamais. Quand il chante Le Plat Pays.
Avec un ciel si bas qu’un canal s’est perdu
Avec un ciel si bas qu’il fait l’humilité
Avec un ciel si gris qu’un canard s’est pendu
Avec un ciel si gris qu’il faut lui pardonner
Avec le vent du Nord qui vient s’écarteler
Avec le vent du Nord écoutez-le craquer
Le Plat Pays qui est le mien
Ce ciel gris qui nous rend humbles. Quand vous allez à la côte, par un temps si typiquement flamand, et que vous passez ce morceau ou, mieux encore Marieke.
Ay Marieke, Marieke
Je t’aimais tant
Entre les tours
De Bruges et Gand
Le ciel flamand
Pleure avec moi
De Bruges à Gand
Merveilleux. Et Ne me quitte pas…
Ne me quitte pas
Il faut oublier
Tout peut s’oublier
Qui s’enfuit déjà
Oublier le temps
Des malentendus
Et le temps perdu
A savoir comment
Oublier ces heures
Qui tuaient parfois
A coups de pourquoi
Le coeur du bonheur
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Moi je t’offrirai
Des perles de pluie
Venues de pays
Où il ne pleut pas
Je creuserai la terre
Jusqu’après ma mort
Pour couvrir ton corps
D’or et de lumière
Je ferai un domaine
Où l’amour sera roi
Où l’amour sera loi
Où tu seras reine
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Inoubliable! Jacques Brel est spécial. Au fil des années, je le trouve encore meilleur. Chanter Ne me quitte pas à 55 ou 60 ans est très différent de le fredonner quand vous avez 20 ans car entre-temps, vous avez acquis de l’expérience.
Brel a créé tant de chansons de haut niveau. Même les airs moins connus vous prennent aux tripes. Je pense qu’on peut encore découvrir beaucoup d’éléments dans son oeuvre.
J’aime beaucoup La chanson des vieux amants, un hymne à l’amour.
Bien sûr, nous eûmes des orages
Vingt ans d’amour, c’est l’amour fou
Mille fois tu pris ton bagage
Mille fois je pris mon envol.
Ou Les Vieux, quand il chante la dégradation physique et mentale de ses parents. Vous avez l’impression de voir ces gens devant vous. J’ai d’ailleurs vu vieillir mes beaux-parents. Et Mon père disait, une ode à Bruges, si belle. Mais une des plus réussies, c’est Amsterdam, qui parle des femmes qui débarquent et qui se prostituent. Quelle ambiance! Dans le port d’Amsterdam, y a des marins qui chantent… Une chanson fabuleuse. Les Flamands aussi. Là, il parle des Flamands qui sont prisonniers de la bourgeoisie, qui sont sous la botte de l’Eglise… Les Bourgeois, ça me plaît beaucoup. Brel me touche au plus profond de moi-même. Je ne comprends pas qu’on puisse l’écouter sans se laisser emporter. Les bonnes notes, les mots justes, le bon rythme, tout est parfait. La passion, cet engagement total, son rayonnement. Brel avait quelque chose de plus que les autres. Brel, c’est du grand art, Brel est immortel » .
Christian Vandenabeele
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