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Année de merde en 10 leçons

Le Standard a récupéré un joueur au fond du trou, dans son foot et dans sa tête. Anthony Limbombe était pourtant un des gars les plus hot de notre championnat il y a un an. Comment est-ce possible ?

« La France a été une bonne expérience, je ne la regrette pas. J’ai grandi mentalement grâce aux moments difficiles que j’ai connus là-bas. Sur le plan sportif aussi, j’ai beaucoup appris parce que la Ligue 1 est d’un haut niveau. Ça n’a pas tourné comme je l’espérais mais je ne dirais pas non plus que ça s’est très mal passé. Nantes n’a pas fait une bonne saison. Mais il y avait des circonstances défavorables : la mort d’ EmilianoSala, le changement d’entraîneur. De mon côté, il y a eu l’obligation de vivre avec l’étiquette de transfert le plus cher de l’histoire du club. Et puis j’ai eu mes problèmes avec la police.  »

Negouai a toujours tout fait pour lui, il lui torchait à la limite le cul quand il était tout jeune, puis Limbombe l’a viré du jour au lendemain.  » Un agent

Extraits d’un point presse récent d’ AnthonyLimbombe, quand le Standard se préparait en Allemagne. Le joueur est à la relance. Il y a un an, il était une attraction de notre foot. Champion avec Bruges après une grosse saison perso – près de 40 matches au total et un pied dans une petite quinzaine de buts -. Soulier d’Ebène. Et même international belge – en tout cas un match, au printemps 2018 -. Mais tout ça, donc, c’était avant. Il revient chez nous en prêt pour une saison. Rappel et décryptage en 10 points de son coup d’arrêt du côté de la Loire-Atlantique.

 » Pas responsable du prix de mon transfert  »

C’est un gamin très peu à l’aise que les journalistes nantais découvrent le jour de sa présentation, durant l’été de l’année dernière. Anthony Limbombe s’installe derrière une grande table, face à quelques hommes qui veulent tout savoir sur lui. Ses réponses sont brèves et il fixe à peine son auditoire. Il sait que  » Nantes est un grand club en France, un club qui a une belle histoire, qui a déjà été beaucoup de fois champion, ça m’a attiré, c’est pour ça que je suis venu en France. C’était plus logique de venir ici que d’aller en Angleterre.  »

1 Physiquement et mentalement, il n’est pas prêt. Pour un transfert en Angleterre, le coup est passé tout près. Bruges avait un accord avec Huddersfield, ça tournait autour de 13 millions. Mais le joueur n’a pas su s’entendre avec les Anglais sur le salaire. Il voulait pourtant partir, c’était clair pour tout le monde au Club, alors Ivan Leko a fini par l’exclure du groupe et Limbombe a entretenu tout seul sa condition. Il a pris le temps, aussi, de virer Christian Negouai, son agent de longue date.

 » Negouai a toujours tout fait pour lui, il lui torchait à la limite le cul quand il était tout jeune, puis Limbombe l’a viré du jour au lendemain « , nous raconte un autre agent de joueurs. Direction l’écurie de Mogi Bayat. Et donc Nantes, où il a ses entrées et un lien fort avec le président. Mais dès le premier jour, ça ne saute pas aux yeux que ce club soit la destination dont Limbombe rêvait. Son spleen va durer toute la saison.

2 Il tient un record qui est un boulet. La dépêche de l’ AgenceFrancePresse tombe le 23 août 2018. Le FC Nantes a officialisé l’arrivée du jeune espoir belge Anthony Limbombe. Le montant du transfert, estimé à 10 millions d’euros, constitue un record dans l’histoire des Canaris. C’est quasiment le double du montant déboursé pour le transfert d’Ariza Makukula en 2002 : 5,5 millions. C’était le record du club jusqu’ici.

Pression ! La transaction avec Bruges se fait sur une base de 8 millions, et on peut effectivement arriver à 10 avec des bonus. Les médias français qui découvrent Limbombe lors de sa présentation le confrontent évidemment à ce record. Toujours pas vraiment décoincé, il répond :  » Je ne suis pas responsable. Et puis il y a beaucoup de transferts beaucoup plus chers que moi.  »

Un an plus tard, il déclare :  » Parfois, c’est mieux de ne pas communiquer publiquement le prix d’un transfert. Ça m’aurait permis de vivre plus calmement. Quand tu es le joueur le plus cher, tous les yeux sont braqués sur toi. Les journalistes ne citent pas ton nom, ils t’appellent le joueur à 8 millions. C’est embêtant. On n’était pas dans une bonne période et j’étais censé me faire une place dans l’équipe. Les gens disaient facilement que je n’avais pas le niveau, alors que je sais que j’avais assez de qualités.  »

 » Toujours difficile quand il y a quelques millions sur la touche  »

3 Son président rappelle qu’il a coûté un pont. A Nantes, il y a un seul boss : Waldemar Kita. Un businessman d’origine polonaise qui a fait fortune dans le matériel médical. Il est propriétaire et président du club. Avec ses casseroles. Il a par exemple été pris dans une enquête pour fraude fiscale. Il n’a pas que des soutiens dans son stade. Lors de chaque match à domicile, dans le kop, on trouve au moins une banderole qui lui est hostile.

Riche, sulfureux, et fort en gueule parfois. Au moment du transfert d’Anthony Limbombe, confronté à sa grosse dépense, il donne cette réponse dans un journal français :  » C’est la rencontre d’une opportunité, entre un jeune de 24 ans qui possède des qualités hors du commun et un coach qui accepte de le prendre. Certains n’en auraient pas voulu.  » Dès le mois de septembre, il perd un peu patience. Il n’en veut pas à son transfert record, c’est son entraîneur, Miguel Cardoso, qui est dans le viseur. Après une défaite à Lille, le patron lâche :  » C’est toujours difficile quand il y a quelques millions qui sont sur la touche.  » Il parle de Limbombe, très peu aligné, et de Gabriel Boschilia, qu’on a connu au Standard et qui joue à peine plus. N’empêche : pour ceux qui l’auraient oublié, c’est un rappel que Limbombe est un gros investissement.

Anthony Limbombe espère retrouver ses sensations brugeoises sous la casaque des Rouches.
Anthony Limbombe espère retrouver ses sensations brugeoises sous la casaque des Rouches.© BELGAIMAGE

4 Il change d’entraîneur mais pas de vie. Cardoso ne croit pas trop en son Belge. Ce coach se fait dégager au début du mois d’octobre. Il n’a donné qu’un match complet de Ligue 1 à Limbombe. Il est remplacé par Vahid Halilhodzic, Coach Vahid avec ses coups de gueule et ses coups de sang. Le temps de jeu du Soulier d’Ebène augmente mais ça reste quand même compliqué. L’affront des matches où on passe entre une et cinq minutes sur le terrain, juste avant la douche, il vit ça plus d’une fois. S’il se retrouve aujourd’hui au Standard, c’est parce que le Bosnien est toujours en place. Limbombe a compris qu’il n’était pas un de ses premiers choix.

A la Une de L’Équipe, bien malgré lui

5 Il est emmené chez les flics. Quand ça veut pas, ça veut pas. Fin 2018, Anthony Limbombe est emmené par la police judiciaire française pour interrogatoire. Il paie pour ses fréquentations. Dans la foulée du Footbelgate, la justice de nos voisins soupçonne la direction nantaise d’avoir versé une prime de 3 millions au joueur lors de sa signature, et Limbombe d’avoir donné la moitié de cette somme à Mogi Bayat. Ainsi, Bayat obtenait sur le transfert une commission supérieure aux 10 % maximum autorisés par la loi française. Un simple montage, donc, pour contourner la loi.

Limbombe se retrouve en Une de L’Équipe. Pas pour ses prestations sportives ! Dans cette histoire, l’apprenti agent Fabien Camus aurait servi de petite main, d’intermédiaire pour Bayat. Il est arrêté. Et confronté à Limbombe par vidéoconférence. Le père du joueur est lui aussi interrogé.

6 Il est poussé vers la sortie. Le président nantais espère pouvoir profiter du mercato de janvier pour se débarrasser de son Belge qui, en plus d’être l’achat le plus cher du club, en serait aussi le plus gros salaire de l’histoire. Mais comment bien vendre ou louer pour un gros prix un joueur offensif qui n’a toujours pas marqué un seul but en France ? Avec son contrat de cinq ans, Limbombe n’a pas non plus toutes les raisons de se bouger pour être recasé ailleurs.

Entre obligations foot et achat de parfums

7 Il est condamné deux fois en quelques semaines. En voiture, il a le pied lourd. En novembre de l’année passée, le tribunal de police d’Alost le condamne par défaut pour un excès de vitesse modéré, du temps où il était à Bruges. Son avocat demande la clémence du juge en argumentant par exemple que son client  » a des obligations nationales et internationales « … L’amende est légère, aussi parce qu’Anthony Limbombe n’a pas d’antécédents de roulage. En mars, nouvelle condamnation, pour un nouvel excès de vitesse, beaucoup plus important que le premier – et datant toujours de sa période au Club. Ça se passe au tribunal de police de Courtrai. Il prend une petite suspension de permis et une amende de 400 euros. Sa défense :  » J’étais pressé, j’allais acheter du parfum « …

8 Il vit le deuil Sala. L’ambiance dans le groupe est pesante pendant toute la saison à cause des résultats. Mais à partir de janvier, ça monte encore de quelques crans. La disparition en mer d’Emiliano Sala, juste transféré de Nantes à Cardiff, achève de plomber l’atmosphère. Avant de mourir, l’Argentin a mis une mine à la Beaujoire :  » Le président veut me vendre à Cardiff parce qu’il a fait une super négociation, il va rentrer l’argent qu’il veut, il ne s’intéresse qu’à l’argent, il ne m’a même pas demandé mon avis. Kita est une personne qui me dégoûte quand je l’ai en face de moi !  »

Anthony Limbombe n’a pas vraiment eu le temps de découvrir Sala, ils ne se sont côtoyés que quelques mois. Mais il a assisté au processus de deuil.  » Il y a beaucoup de personnes dans le club qui étaient fort attachées à lui, et c’était pareil dans les tribunes.  »

223 jours sans marquer en championnat

9 Il doit attendre avril pour mettre son premier but en Ligue 1. Début janvier, Anthony Limbombe est enfin décisif pour les Canaris. Il met un des quatre buts de son équipe contre Châteauroux en Coupe de France. Dans la même compétition, il scorera encore une fois, un mois plus tard, face à Toulouse.

Mais en championnat, l’attente est encore plus interminable. Il doit patienter jusqu’au 12 avril pour trouver enfin l’ouverture. Il a fait ses débuts le premier jour de septembre. 223 jours d’improductivité. Ce premier but en Ligue 1 a une histoire. D’abord, il permet à Nantes de se donner de l’air au classement après trois défaites consécutives, à un moment où le spectre de la descente s’installe. Ensuite, ce n’est pas un but de raccroc. La presse française évoque  » un coup franc magistral « . Aussi ceci : l’adversaire, Lyon, est un gros morceau du foot français. Enfin, il permet à tous les joueurs nantais de recevoir une triple prime de victoire de leur président.  » Je suis content pour Anthony Limbombe « , résume Halilhodzic dans son analyse du match. Ce sera toutefois le seul goal de la saison, en Ligue 1, pour l’ancien Brugeois.

10 Et au Standard, ça commence très mal. Un prêt ou une vente pour la saison à venir est donc inévitable. Aujourd’hui, Michel Preud’homme va essayer de relancer Limbombe, d’en refaire le joueur imprévisible, virevoltant et décisif qu’il était lors de leur période commune au Club.

Comme s’il était écrit que l’aventure du joueur en Loire-Atlantique ne pouvait être que foireuse, il a terminé sa première année là-bas sur des émotions négatives fortes. Au moment où il négociait à Liège, trois bandits se sont introduits en pleine nuit dans sa maison de Carquefou, tout près de Nantes. Après avoir défoncé la porte, ils sont tombés sur sa compagne, qui a eu un pistolet braqué sur la tempe. Ils ont emporté des fringues de marque, du matériel high-tech, des bijoux et de l’argent. En moins d’un an, Anthony Limbombe était le troisième joueur du FC Nantes à recevoir ce genre de visite.

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