ANDERLECHT TROP JEUNE POUR VISER HAUT ?

Chaque semaine, Sport/Foot Magazine pose la question qui fait débat.

Les gosses l’ont fait, Anderlecht passe en Europa League. Oui, des gosses. C’était à nouveau un peu cour de récré la semaine passée contre Galatasaray : 17 ans pour YouriTielemans, 20 pour DennisPraet, ChancelMbemba et AleksandarMitrovic, 21 pour AndyNajar et FrankAcheampong. Sur le banc, c’étaient surtout des gars de 18, 19, 20, 23… Et en plus, Mbemba a été élu dans l’équipe idéale de cette cinquième journée (avec MarioMandzukic, SergioAgüero, LionelMessi et CescFabregas comme voisins). Il y a un an, l’Europe s’extasiait (façon de parler) en mentionnant que les Mauves avaient l’équipe la plus jeune de la Ligue des Champions, 23 ans et 2 mois.

A la même période, John van den Brom alignait à Mons l’équipe anderlechtoise la plus jeune de l’histoire du club en championnat (à peine 21 ans). Puis, c’est Besnik Hasi qui a arraché le titre avec un onze d’une moyenne d’âge de 23 ans lors du match décisif. Et à ceux qui ont au moins la trentaine, on rappellera que c’était déjà Anderlecht qui avait établi un record individuel de précocité en Ligue des Champions : Celestine Babayaro y avait fait ses débuts à 16 ans, 2 mois et 25 jours. C’était en 1994.

C’est beau. C’est même magnifique. Mais c’est peut-être dangereux aussi. Et si trop de jeunesse tuait la jeunesse ? Anderlecht qui passe l’hiver européen au chaud, c’est chouette, mais pour y faire quoi avec tous ses ados ? Et le titre belge ? Atteignable avec des gars qui ont à peine commencé à se raser ? Débat !

 » Gagner Viareggio, une référence  »

 » Evidemment que c’est une bonne chose ! Ce n’est pas moi qui vais dire qu’une équipe est trop jeune…  » Signé JohanWalem. Coach de notre sélection Espoirs, ben oui. Mais aussi ex-entraîneur de jeunes à Anderlecht. En U21 nationaux, les promesses de la maison, il connaît. Il en a encore appelé cinq pour les deux derniers matches : DavyRoef, LeanderDendoncker, MichaëlHeylen, Youri Tielemans, NathanKabasele. Et MarcWilmots lui a piqué Praet récemment.  » Je pourrais encore en prendre un ou deux en plus « , continue Walem.  » Qu’on n’oublie pas que cette génération a gagné le tournoi de Viareggio, ça veut dire beaucoup sur son talent.  »

Le sélectionneur se réjouit de l’afflux de bonnes jeunes pousses dans notre championnat, et tant pis si c’est souvent dicté par la réalité financière de nos clubs.  » Je vois quelques gamins d’un très bon niveau à Bruges, et maintenant aussi à Genk, qui avait un peu perdu son identité et est occupé à la retrouver. Evidemment, tous ces jeunes commettent des erreurs et manquent parfois de constance, mais c’est inévitable. On doit être tolérant et patient avec eux. Anderlecht peut former une excellente équipe s’ils restent.  »

 » Ils ont intérêt à rester  »

S’ils restent…  » Je préfère voir un bon jeune qui est titulaire en championnat de Belgique que réserviste à l’étranger. Je constate que pour Junior Malanda, ThorganHazard ou MichyBatshuayi, ce n’est quand même pas simple dans leur nouvelle équipe.  »

Cet Anderlecht peut-il survoler le championnat et éventuellement aller loin en Europa League ? Walem remarque que l’équipe  » a fait un petit complexe en Ligue des Champions et a encore connu un passage à vide en deuxième mi-temps contre Galatasaray mais n’a pas volé sa victoire et mérite ses points dans la poule.

Franchement, est-ce que le Praet d’aujourd’hui a quelque chose à envier au Wesley Sneijder qu’on a vu au Parc Astrid ? S’ils restent encore une ou deux saisons, tous ces jeunes seront encore plus forts. « .

 » Pas assez mûrs pour gérer un match tous les trois jours  »

Jean-François Remy, journaliste BeTV et adjoint de Johan Walem, est certain que  » ces jeunes peuvent devenir champions de Belgique dès cette saison.  » Et pour lui, si des fins de match bâclées en Ligue des Champions (à Galatasaray et ici contre Arsenal) ont coûté la qualification, ce ne sont pas les ados qui doivent être pointés du doigt.  » A Istanbul, sur l’égalisation turque, Steven Defour perd le ballon puis Sacha Kljestan se fait déborder. Deux des gars expérimentés de l’équipe.  » Il pense par contre que le manque de vécu explique des sorties ratées en championnat, comme à Charleroi récemment.

 » Ils ne sont pas encore assez mûrs pour bien gérer un match tous les trois jours, il peut y avoir un relâchement avant un rendez-vous européen. Quand tu as plus de vécu, tu lèves moins facilement le pied pour un match de championnat. Au Real, à Barcelone et ailleurs, je vois des joueurs qui sont aussi bons trois jours avant un match européen que lors de ces duels de Ligue des Champions. Oui, à ce niveau-là, il peut donc y avoir un danger pour la jeune équipe d’Anderlecht dans la course au titre.  »

Avantage Bruges… ou pas ?

 » Le principal problème d’Anderlecht n’est pas lié en priorité à l’âge moyen « , pense l’ancien Mauve ThomasChatelle, consultant Proximus TV.  » Le talent est là pour être champion, c’est clair. Mais je parle de talent individuel. Au niveau collectif, je reste sur ma faim. Et c’est un souci récurrent depuis des années. On continue à se reposer sur les qualités individuelles, et le fonds de jeu ne suit pas. Je ne vois pas de pressing organisé, pas de phases de jeu reconnaissables.

Besnik Hasi a eu le mérite de rassembler son noyau, c’est un bon meneur d’hommes, il a aussi eu le mérite de lancer des jeunes, mais j’attends autre chose de lui, j’attends qu’il construise quelque chose. MichelPreud’homme a réussi à le faire à Bruges. La vraie surprise de la première partie de la saison, pour moi, elle est là : je ne pensais pas que le Club deviendrait une telle machine, et aussi vite.  »

Contre le Gala, Chatelle a vu  » un Anderlecht intéressant par moments contre une équipe très faible  » mais aussi  » une panne de leader dès que Defour est sorti, un Sporting qui est subitement devenu fragile à cause de son jeune âge, un Praet qui arrive maintenant à un stade où il devrait être capable de reprendre le rôle de patron mais n’y arrive pas encore.  » Avantage Bruges, donc, dans la course aux lauriers ? Chatelle émet quand même une réserve.  » Un des points positifs là-bas, c’est l’adaptation rapide des joueurs qui sont arrivés en août et ont vite apporté quelque chose. Mais comment les Sud-Américains vont-ils réagir aux premiers froids, voire aux play-offs ? A Anderlecht, malgré leur jeune âge, ils ont très bien compris la saison dernière que le moment clé, ce sont les deux derniers mois et les play-offs.  »

PAR PIERRE DANVOYE

 » Hasi a eu le mérite de rassembler ses hommes et de lancer des jeunes mais j’attends autre chose de lui : un foot construit.  » Thomas Chatelle

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