Anderlecht, le plus beau mot

Au départ, j’ai combiné mes activités de footballeur avec un emploi dans l’entreprise du président du club, Labor, avant de passer professionnel au beau milieu des années 60, lorsque l’équipe était dirigée par l’entraîneur corse Pierre Sinibaldi. En ce temps-là, déjà, Anderlecht faisait figure de référence et avait plusieurs longueurs d’avance sur la concurrence. Nous étions les seuls, par exemple, à bénéficier du concours d’un physical trainer en la personne de Raoul Mollet, futur président du COIB.

Au cours de ces golden sixties, le club avait encore un caractère régional, et s’appuyait sur des joueurs du cru. Des gars comme Georges Heylens voire Pierre Hanon, pour ne citer qu’eux, étaient des Anderlechtois de pure souche. Les autres, tels que Joseph Jurion ou Jean Cornélis provenaient de la proche périphérie : Ruisbroek et Lot. Peu à peu, le club s’est ouvert à des éléments issus d’horizons plus lointains, à l’image de Laurent Verbiest et WilfriedPuis, originaires d’Ostende, ou même à des étrangers comme les Congolais Julien Kialunda et Zacharie Konkwé. Par après, d’autres vagues ont suivi, composées de Néerlandais avec Robbie Rensenbrink et Arie Haan ou Danois avec Morten Olsen et Kenneth Brylle. Leur adjonction a permis au club d’obtenir sur le plan européen les triomphes qui s’étaient obstinément refusés aux représentants de ma génération quelques années plus tôt. Pourtant, certains exploits furent retentissants. Comme l’élimination du grand Real Madrid d’ AlfredoDiStefano et Francisco Gento au premier tour de la Coupe des Champions en 1962-63. Heureusement, j’ai pu obtenir, 20 ans plus tard, et par procuration, via les joueurs, une Coupe de l’UEFA qui reste, à ce jour, le dernier trophée remporté par le RSCA. Elle vaut donc, à mes yeux, son pesant d’or « .

PIERRE WYNANTS  » La fibre  »

Pierre Wynants (67 ans) est le patron du Comme chez soi, considéré comme le meilleur restaurant de Belgique. C’est chez lui, ancien joueur en classes d’âge du RSCA, au demeurant, que la direction actuelle organise les traditionnels banquets d’avant match en Coupe d’Europe.

 » A la maison, on a toujours eu la fibre anderlechtoise. Personnellement, j’ai d’abord tâté de l’athlétisme au Sporting avant d’y bifurquer vers le football, il y a un peu plus d’un demi-siècle. C’est Félix Week, l’ancien gardien de but de la Première, qui combinait ses activités de joueur avec un emploi d’électricien au sein de la firme Fria qui me conduisit un beau jour chez l’ancien secrétaire général du club, Eugène Steppé. J’ai joué tant en Cadets qu’en Scolaires, sous la direction de l’entraîneur des jeunes et ex-joueur Dolf Ramburg jusqu’à l’âge de 16 ans. Trois fois par semaine, je prenais le tram A de l’entreprise familiale, Place Rouppe, jusqu’au Parc Astrid. Par après, malheureusement, je n’ai plus pu mener de front mes activités de footballeur et mes débuts dans le monde de la restauration. Je suis toutefois resté fidèle à mes couleurs et, durant des années, j’ai d’ailleurs été abonné au RSCA. Ma fidélité a duré jusqu’au jour où le Sporting décida de déplacer ses rencontres à domicile du dimanche après-midi au samedi soir. Compte tenu de mes occupations, il ne m’était plus possible de me libérer pour assister aux matches. Je me rappelle avoir écrit sur-le-champ une lettre de protestation à l’ancien président, Constant Vanden Stock, pour lui signifier que mon abonnement avait été plutôt chérot cette saison-là, si je divisais son prix par le nombre de buts que j’avais vus jusque-là (il rit). Grand seigneur, il s’était racheté par la suite en poussant un peu plus souvent la porte de mon restaurant. Depuis lors, les responsables sportifs du club font d’ailleurs figure d’habitués. C’est chez moi, notamment, qu’ils organisent les banquets d’avant match en Coupe d’Europe. L’un des souvenirs marquants aura été la réception de la délégation de l’Olympique Lyonnais en Ligue des Champions, voici trois ans. A la fin du repas, le président, Jean-Michel Aulas, avait tenu à me féliciter pour la qualité des mets qui lui avaient été proposés. Ce qui est quand même significatif quand on sait que les Rhodaniens reçoivent leurs hôtes chez Paul Bocuse, l’un des noms les plus prestigieux de la gastronomie française. A l’occasion du déplacement au stade de Gerland, je faisais d’ailleurs partie de la délégation officielle du RSCA. A présent que ma succession est assurée au restaurant, je tâche de me libérer le plus souvent possible pour assister aux matches des Mauves. Surtout pour les rendez-vous européens en milieu de semaine. En guise de revanche pour l’organisation de réceptions chez moi, j’ai coutume d’offrir au RSCA le repas de clôture de la saison, à condition qu’elle se soit soldée par un sacre de champion. Et ça les motive, hein !  »

JAN MULDER  » La chair de poule  »

Jan Mulder (61 ans) fut transféré du club hollandais de Winschoten VV en 1964 et porta la casaque du RSCA jusqu’à son passage à l’Ajax Amsterdam en 1972. Cinq fois champion avec les Mauves, il est un chroniqueur apprécié en Flandre et aux Pays-Bas.

 » Anderlecht, c’est le plus beau mot qui existe. Plus beau encore que vestibule (il rit). Il m’interpellait déjà à l’époque où j’étais joueur et me donne toujours la chair de poule de nos jours. Surtout lorsqu’il est repris en ch£ur par le public. An-der-lecht, zigue-zague, zigue-zague, An-der-lecht. Formidable. Sensationnel. Fantastique. Nulle part ailleurs il y a une telle communion entre une équipe et ses sympathisants. Je frémis d’ailleurs à l’idée qu’on ajoute Bruxelles à son appellation. Anderlecht, c’est Anderlecht et non Anderlecht-Bruxelles. Alors, de grâce, qu’on pare donc au plus vite le stade d’une tribune supplémentaire afin d’empêcher toute velléité de déménagement vers un autre emplacement dans la capitale. Le Sporting doit rester à Anderlecht. Si j’étais bourgmestre, je ferais n’importe quoi pour qu’il en soit ainsi. Anderlecht, c’est la Place De Linde ou encore la Place de la Vaillance. Mais pas la Place de Brouckère ou la Place de la Monnaie, s’il vous plaît (il rit) !

Dès mon arrivée, j’ai été conquis par votre capitale. Mon compatriote, Pummy Bergholtz m’a fait découvrir l’Avenue Louise, la Rue des Bouchers et le restaurant Les Armes de Bruxelles. J’ai beau avoir conservé la nationalité néerlandaise, je me sens avant tout anderlechtois et bruxellois, dans cet ordre-là. Anderlecht, c’est un style. Comme l’Ajax est un style. A Amsterdam, c’est Johan Cruijff qui en était le dépositaire. Au Sporting, c’était Paul Van Himst. Popol, c’était ni plus ni moins le JamesDean d’Anderlecht. La personnification du club, davantage que le bombardier, Jef Mermans. Anderlecht a toujours été synonyme de finesse. Avec Van Himst d’abord, puis avec Laurent Verbiest, Juan Lozano, Enzo Scifo, Frankie Vercauteren et j’en passe. Je suis heureux que la toute nouvelle vague, avec Mbark Boussoufa, Lucas Biglia et Ahmed Hassan soit du même tonneau. Le mauve leur va si bien. Même si la couleur actuelle est un peu trop foncée à mon goût. Rien à faire : je préfère le lilas de mon époque aux violettes d’aujourd’hui. Les supporters ne s’y trompent d’ailleurs pas, qui continuent d’entonner le même Allons les Mauves qu’à mon époque « .

SALVATORE ADAMO  » Le style  »

Salvatore Adamo (63 ans), d’origine sicilienne, est l’une des grandes voix de la chanson belge et internationale. Parmi ses tubes, on retiendra  » Laisse mes mains sur tes hanches, Tombe la neige, Une mèche de cheveux, etc.  » Lié à la famille Scifo, il est le parrain d’une des filles d’Enzo, Elena.

 » Mon premier contact avec le RSCA remonte au milieu des années 60. Le président, Albert Roosens et le secrétaire général, Eugène Steppé m’avaient invité à rehausser de ma présence la traditionnelle Saint-Nicolas des Cadets du club. J’avais eu l’occasion de sympathiser avec un compagnon d’âge plutôt réputé : Paul Van Himst. Par la suite, j’ai encore été convié à plus d’une reprise au Parc Astrid. J’y ai même participé à un entraînement avec Michel Drucker à l’occasion de l’arrivée d’un joueur français au club : Yves Herbet. C’était à la fin de cette même décennie. Le Sporting, c’était avant tout un certain style de jeu, porté vers l’offensive au prix de jolies arabesques. C’est resté, hormis l’une ou l’autre crise d’identité, la marque de fabrique du club avec d’autres noms prestigieux, comme Ludo Coeck, Juan Lozano et, bien sûr, Enzo Scifo, auquel je suis lié de près. Je constate avec plaisir que le Sporting actuel a renoué avec un football bien léché et je lui souhaite de persévérer sur cette voie « .

JEANKE PHOTO  » 500.000 clichés des Mauves  »

Jean Van Hauwermeiren, alias Jeanke Photo, 79 ans, immortalise depuis la nuit des temps Anderlecht et ses vedettes. Au point d’être devenu, au fil des années, le complice des plus grandes stars du club.

 » Anderlecht, c’est toute ma vie. J’y ai été conçu au n° 6 de la rue du Bronze. Mes parents et moi avons toujours habité la commune, même si nous avons déménagé plusieurs fois : Place Bizet d’abord, puis Chaussée de Mons, à côté du cinéma Rio, qui n’existe plus. Et, de nos jours encore, je réside toujours dans le même quartier, au 43 de la Rue Jean Noté, non loin du stade qui, à l’époque, s’appelait Emile Versé, du nom d’un mécène qui avait contribué à l’essor du club au début du siècle passé. La famille, tant à l’échelon des dirigeants que des joueurs, était présente en nombre, au Sporting, en ce temps-là. Moi-même, j’ai joué en équipes d’âge avec Bob Versé, de même qu’avec un autre élément qui allait accéder à une certaine notoriété par la suite : Alain Fossoul. J’étais un honnête joueur, sans plus. Si je n’ai jamais joué avec Polyte van den Bossche, autre figure marquante, en Première, j’ai quand même eu l’occasion d’être son coéquipier avec les Jass, la formation représentative de l’armée.

Avant d’entrer sous les armes, mes parents m’avaient offert un appareil photo en 1945, à l’occasion à la fois de mon 18e anniversaire et de la fin de mes humanités. C’est avec lui que j’ai commencé à fixer, sur cliché, les Sportingmen. Le tout premier qui a posé pour moi n’était autre que le légendaire Rie Meert avant un match contre l’Olympic de Charleroi. Cette photo, qui remonte au 14 octobre 1945, je la possède toujours. De même que l’appareil, hors d’usage depuis longtemps (il rit). Depuis cette date, plus d’un demi-million de photos se sont ajoutées. Toutes se trouvent dans des albums et des caisses, dans mon appartement.

En 60 ans, j’ai vu défiler pas mal de générations. Mais des plus anciens aux modernes, la complicité a toujours été énorme. Certains, comme Georges Grün et Luis Oliveira ont même fait appel à moi comme photographe officiel le jour de leur mariage. Et je ne compte plus le nombre de bébés que je suis allé photographier à la maternité. J’ai vu les enfants d’ Enzo Scifo et de Bertrand Crasson avant la famille, c’est tout dire.

Parmi les nombreux souvenirs, trois me tiennent tout particulièrement à c£ur. Le premier remonte à l’année 2004, lorsqu’à l’occasion du gala de l’UEFA, à Monaco, j’ai été récompensé, au même titre que six autres personnes, pour services rendus au football par le président Lennart Johansson. Ce trophée, intitulé The Magnificent 7 occupe une place de choix dans mon living. Un autre fait marquant est l’exposition que le RSCA m’a consacrée, deux ans plus tôt, dans la tribune 4. J’avais dû faire une sélection de mes meilleures prises de vue et plusieurs centaines d’entre elles furent soumises aux yeux du public lors de la journée portes ouvertes ainsi qu’au cours des quatre semaines suivantes. Le titre de cette expo : Jeanke Photo, photographe des champions et champion des photographes m’était allé droit au c£ur.

Si j’ai encore un souhait à formuler, c’est de vivre le 30e titre du club en 2008. Ce sera le cas si l’équipe est à la fois championne cette saison et la saison prochaine. J’aurai 80 ans à ce moment-là, et le club 100 ans très exactement. Si j’y arrive, je pourrai dire que j’ai bien mérité du RSCA. Mais il faut que j’y parvienne. A cet égard, je n’oublie pas que, par deux fois, ma vie a déjà été sauvée par un Sportingmen. D’abord par Mike Verstraeten, qui n’avait pas hésité à pratiquer le bouche-à-bouche pour me ranimer. Puis par Frankie Vercauteren qui avait eu la présence d’esprit d’appeler immédiatement une ambulance en me voyant devenir tout blême à l’entraînement. Il était temps car je faisais un infarctus « .

CHARLY MUSONDA  » La délivrance  »

Charly Musonda (37 ans), international d’origine zambienne, a joué de 1987 à 97 pour le compte du RSCA. Aujourd’hui, il s’y occupe de l’entraînement individuel des jeunes et est responsable du matériel pour la Première.

 » Je n’avais jamais entendu parler d’Anderlecht dans mon pays natal. La véritable grandeur du club, je l’ai mesurée lorsque j’ai abouti au Cercle Bruges, en 1986. A ce moment-là, j’ai su ce que représentaient à la fois le voisin du Club ainsi que son ennemi héréditaire bruxellois où j’ai été transféré un an plus tard, à l’instigation de son nouveau coach, Georges Leekens, actif au préalable chez les Vert et Noir. Le Sporting, c’était un autre monde par rapport à ce que j’avais vécu dans la Venise du Nord. Là-bas, j’allais à l’entraînement avec Peter Carly, qui venait me chercher dans ma famille d’accueil à moto. Au RSCA, en revanche, c’était chacun pour soi. Au départ, du moins. Car à partir du moment où j’ai fait partie de la Première, je suis devenu le chouchou de tout le monde (il rit).

Je dois tout à ce club. Si j’ai pu aider ma famille, restée en Zambie, à Mufulira, c’est aux Mauves que je le dois. Pendant dix ans, malgré une longue indisponibilité due à des tracas au genou, j’ai toujours été payé à heure et à temps. Je sais gré aux dirigeants, et à Michel Verschueren d’avoir toujours respecté la parole donnée. Après un essai infructueux à Energie Cottbus, où j’ai été définitivement déclaré perdu pour le football, je suis revenu au Parc Astrid afin de savoir si l’on pouvait m’y procurer du travail, ainsi qu’à mon épouse. On m’a répondu que tant que je ne parlerais qu’anglais, ce serait difficile mais que le club était disposé à revoir sa position si mon épouse et moi faisions un effort. Après avoir débuté auprès de la jeune classe de La Gantoise, je dispense depuis deux ans des séances d’entraînement individuel aux jeunes du Sporting, job que je combine avec celui de responsable du matériel pour la Première.

Anderlecht a fait figure de délivrance pour moi, car je ne sais trop ce que ma petite famille serait devenue si je n’avais pas pu compter sur la largesse du club. En guise de remerciement, j’ai affilié mes trois fils Lamisha, Tika et Charly Jr au RSCA malgré l’intérêt qu’ils suscitaient ailleurs. J’espère qu’ils marcheront sur mes traces et qu’à leur tour ils ristourneront un jour au club ce que celui-ci a fait pour moi et pour eux « .

MARCEL DECORTE  » Mon fief  »

Marcel Decorte (76 ans), ancien joueur dans les années 50 est aussi le plus ancien employé au Parc Astrid, où il est actif depuis 1973 auprès de la jeune classe, à Neerpede.

 » Mon père était militaire de carrière et nous avons beaucoup voyagé. J’ai vu le jour à Saint-Trond mais c’est à Gand que je me suis pour la première fois solidarisé au sport. D’abord au basket, à l’Hellas local, puis au football. Après avoir marqué deux buts, à l’âge de 16 ans, avec le Racing, lors d’un derby face à La Gantoise, j’ai été muté en Première, en D3. Une année plus tard, j’étais appelé en sélection Junior aux côtés de Rik Coppens et de Bob Maertens notamment.

Pendant l’été 1949, j’ai été transféré à Anderlecht. Le président Théo Verbeeck voyait en moi le successeur tout désigné de Michel Van Vaerenbergh au poste d’intérieur gauche. Mais c’est sur l’aile droite, en remplacement de Jan Van Steen, que j’ai disputé l’essentiel de ma carrière au Sporting. Au même titre que Susse Sermon sur le flanc gauche, j’étais le pourvoyeur attitré de Jef Mermans, le meilleur centre-avant que le RSCA ait jamais connu. Au départ, le buteur anversois et moi étions loin de nous entendre. Il me reprochait mon amour immodéré du ballon et du dribble. A côté de moi, Christian Wilhelmsson, plutôt réputé pour son individualisme, était un footballeur collectif, croyez-moi (il rit). Jef n’avait de cesse de m’enguirlander : Un dribble, ça va, deux je te frictionne et trois je te botte les fesses, me répétait il inlassablement. Mais j’avais tout juste 20 ans et je n’en faisais qu’à ma tête. Mon passé de basketteur m’avait doté d’une faculté de déhanchement ainsi que d’une souplesse à nulle autre pareille. Il fallait bien que je l’exploite (il rit).

Au fil des années, la maturité aidant, je suis devenu un coéquipier modèle. Et un acolyte de choix pour l’ami Jef. La preuve : le 6 mars 1954, à l’occasion de l’inauguration de l’éclairage électrique au stade Emile Versé, avec le Racing Club de Buenos-Aires comme sparring-partner, nous avions tous deux réalisé l’exploit, au cours d’une même phase de jeu, d’aligner trois une/deux de suite avant que je ne dépose le ballon dans le but. Une phase que je n’ai plus vue qu’une seule fois au beau milieu des années 90 lorsque Marc Degryse et Luis Oliveira réussirent cette même prouesse contre Charleroi. C’est dire s’il s’agissait là d’une denrée rare. L’espace d’une dizaine de saisons, j’ai défendu les couleurs mauve et blanc du RSCA. Puis, j’ai poursuivi ma carrière, comme joueur tout d’abord, puis en tant que joueur/entraîneur dans des clubs comme La Gantoise, l’Olympic Charleroi, Waregem, le Stade Louvaniste, Saint-Nicolas et Courtrai. Pendant des années, j’ai effectué tous ces déplacements en train ou en voiture, au départ d’Anderlecht. De nos jours encore, j’habite à la Rue du Sillon et c’est à pied que je me rends à Neerpede ou au stade. Au fil du temps, Anderlecht est devenu mon fief et je ne voudrais le quitter pour rien au monde.

Au début, en 1973, je me suis occupé de l’une ou l’autre formations d’âge, puis j’ai donné des entraînements individuels, en Minimes, Cadets et Scolaires, à Georges Grün et Pär Zetterberg entre autres, avant de devenir responsable du département des jeunes, une fonction que j’exerce aux côtés de Johnny Peeters, avec la collaboration d’ Ernest Staub et Werner Ruyssinck. Sous ma houlette, je suis légitimement fier que quelques joueurs de très grand talent aient abouti au Sporting. Le meilleur n’était autre qu’ Enzo Scifo. Je me rappelle qu’il avait été visionné à quatre reprises et qu’il avait eu droit à deux bons rapports et autant de commentaires mitigés. Mon scouting allait être déterminant. Il eut pour cadre un derby hennuyer entre La Louvière et Charleroi. Après dix minutes, j’avais compris : un garçon d’une telle classe devait aboutir chez nous et non au Standard. Dans la foulée, j’ai pris langue avec son père et l’affaire fut conclue.

Comme on est jeune de 7 à 77 ans, je compte bel et bien passer la main la saison prochaine (il rit). Anderlecht m’a comblé sur tous les plans. Je ne nourris qu’un regret : jamais je n’ai défendu les couleurs du club en Coupe d’Europe. Pour causes de blessure, j’ai loupé tous les matches contre Voros Lobogo, Manchester United et les Glasgow Rangers au cours des années 50. Mais je faisais partie de l’équipe qui, le 21 octobre 1953, battit Arsenal à Highbury en amical. C’était la toute première fois qu’une équipe étrangère réussissait cet exploit dans l’antre des Gunners !  »

ROGER MOENS  » C’est le football belge  »

Roger Moens (76 ans), ancien coureur de demi-fond, 13 fois recordman de Belgique sur 400, 800, 1.000 et 1.500 mètres. Médaille d’argent, sur 800 mètres, aux Jeux Olympiques de Rome, en 1960, derrière le Néo-Zélandais Peter Snell. Lauréat du Trophée National du Mérite Sportif en 1955.

 » Chaque fois que je me trouvais à l’étranger et que la conversation déviait sur le football, le Sporting était toujours sur toutes les lèvres. Le Standard et le Club Bruges relevaient pour ainsi dire de l’anecdote. Supporter des Mauves depuis toujours, je suis devenu abonné au début des années ’80, par l’intermédiaire du manager, Michel Verschueren, originaire d’Erembodegem comme moi. Aujourd’hui, un quart de siècle plus tard, je fais toujours partie des fidèles « .

DANIEL RENDERS  » Le nirvana  »

Fils d’un Daringman célèbre, Daniel Renders a fait ses classes chez les Rouge et Noir, puis chez les Coalisés, avant de travailler dans d’autres clubs de la capitale : SCUP Jette, Racing Jet Bruxelles, Union Saint-Gilloise. Avant de rallier le RSCA en 2000 comme membre du staff technique.

 » Je suis né dans une famille de Daringmen. Mon père, Joseph, y a même joué en équipe Première au côté d’un certain Raymond Goethals après la Deuxième Guerre mondiale. Bon fils, j’ai débuté au stade Oscar Bossaert à 8 ans et j’y suis resté jusqu’à mes 21 printemps, en 1976, trois saisons après la fusion avec le Racing White. J’étais milieu gauche et, en classes d’âge, lors des traditionnels derbies contre Anderlecht, mon alter ego n’était autre qu’un certain Frankie Vercauteren…

Contrairement à ceux qui sont sujets à de l’urticaire au seul prononcé du mot Anderlecht, je n’ai jamais eu la moindre ranc£ur vis-à-vis de ce club. Habitant non loin de la Place de la Vaillance, à Anderlecht, mes pas me conduisaient plus volontiers au Parc Astrid, où j’avais d’ailleurs un abonnement, plutôt qu’à Molenbeek, même si j’y ai vécu l’âge d’or du club au milieu des années 70. Je n’étais pas du tout, ou je ne me suis jamais senti un déserteur pour autant. Aussi longtemps que j’ai porté les couleurs du Daring et du RWDM, je ne me suis jamais affiché en mauve et blanc, même si mes copains avaient tous la fibre anderlechtoise et portaient ces tons de la tête aux pieds. J’avoue d’ailleurs que la toute première fois que j’ai porté un training mauve, en 2000, cela m’a fait tout drôle car je ne m’imaginais pas enfiler un jour ces couleurs.

Pour moi, le RSCA aura été longtemps un rêve. Quand j’étais jeune et que je prenais une casquette contre la bande à Frankie, je me faisais souvent la réflexion que le Sporting constituait l’aboutissement absolu pour un Bruxellois de pure souche, comme moi. Plus tard, quand j’ai officié dans d’autres cercles de la capitale, ce sentiment n’avait toujours pas changé. Anderlecht, c’était le nirvana. Depuis que j’y ai abouti, en 2000, je vis ni plus ni moins un rêve éveillé. Je me fais journellement la réflexion que des milliers de gars aimeraient être à ma place. Pourtant, c’est moi qui ai eu la chance d’être choisi un beau jour. Pourquoi ? Peut-être parce que, sous ma férule, le RWDM avait battu le RSCA dans son fief en 1997-98 : 0-2. Un match qui aura fait couler pas mal d’encre car, dans l’euphorie, j’avais aligné un réserviste de plus qu’autorisé (il rit). Bons princes, les dirigeants anderlechtois ne déposèrent pas réclamation (- NDLR : on était, il est vrai, en pleine révélation de l’affaire Nottingham et les Mauves veillaient à redorer leur blason… ).

Au Sporting, j’ai d’abord commencé comme scout, sous les ordres d’ Aimé Anthuenis, avant d’être incorporé dans le staff de la Première au moment où Daniel De Temmerman a choisi une nouvelle voie. Philippe Collin, le secrétaire général, aurait aimé me conserver à Neerpede. Mais dès mon arrivée, je rêvais de pouvoir un jour servir les intérêts du club au plus haut niveau. Cinq ans plus tard, je me félicite toujours de cette option. Anderlecht est une grande famille où tout le monde £uvre pour le bien commun. Ceux qui traitent les Sportingmen de dikke nekken se blousent. J’ai l’honneur d’être l’adjoint de Frankie, d’être investi de responsabilités et d’être apprécié. Que demander de plus pour être heureux dans ce métier ? »

ANDRé DROUART  » Un ambassadeur  »

André Drouart (49 ans) est échevin des Sports à Anderlecht depuis 2001. Par là même, il suit de près les dossiers concernant le stade Constant Vanden Stock et l’école des jeunes de Neerpede.

 » Pour la commune, le club fait figure de véritable ambassadeur en Belgique ou à l’étranger. C’est pourquoi le collège des bourgmestre et échevins veut mettre tout en £uvre pour perpétuer sur le sol anderlechtois une merveilleuse histoire, quasi séculaire, puisque le Sporting a été créé en 1908. En l’espace d’un siècle, au gré de son développement, le club a plusieurs fois changé d’implantation avant de se fixer au Parc Astrid où il se sent un peu à l’étroit aujourd’hui. La volonté de ses dirigeants de pouvoir accueillir 40.000 personnes au lieu de 25.000 ne constitue pas vraiment un problème. A l’époque où le stade s’appelait encore Emile Versé, avec ses nombreuses places debout, il abritait un nombre similaire de spectateurs, à peu de choses près, lors des grandes nocturnes européennes ou à l’occasion des affiches du championnat de Belgique. Le hic, c’est que des sièges occupent un plus grand volume que les populaires et qu’un anneau supplémentaire, posé sur l’enceinte actuelle, entraînerait une modification profonde de l’espace vert où est situé le stade mais aussi pour les rues avoisinantes. Et si une maquette du nouveau complexe souhaité par les responsables du club existe déjà, une étude du sol, elle, reste encore à entreprendre. Et aux dires de Johan Vermeersch, président du FC Brussels mais aussi concepteur du stade Constant Vanden Stock jadis, cette faisabilité est pour ainsi dire nulle. Aussi, en lieu et place d’un agrandissement de la structure actuelle, il vaudrait sans doute mieux envisager une délocalisation. Le zoning industriel, près du canal, est, à nos yeux, l’emplacement le plus approprié, entendu que le site de Neerpede restera réservé aux jeunes. De fait, si une convention a été établie entre la Région bruxelloise, la commune d’Anderlecht et les dirigeants du club concernant une aide financière de 1,25 million d’euros sur 4 ans, ses modalités prévoient que cet argent-là sera investi uniquement dans le centre de formation. La commune a d’ailleurs un droit de regard en la matière. Si nous nous sommes prononcés en faveur de cette mesure, c’est évidemment avec le ferme espoir que le RSCA poursuivra ses activités à Anderlecht.

Le Sporting, c’est non seulement une référence mais aussi un rêve pour bon nombre de ses jeunes. Vu les efforts entrepris pour le blé en herbe à l’échelon de Neerpede, nous avons obtenu que le bloc M4 soit réservé aux jeunes de la commune. Ils se reconnaissent non seulement dans un Jelle Van Damme mais aussi dans un Mbark Boussoufa ou un Ahmed Hassan. Cette situation-là, il convient de l’inscrire dans la durée. Et j’ai le net sentiment que nous y parviendrons car le club a la volonté aussi de conserver son ancrage local « .

ARTUR  » Ma deuxième famille  »

Artur, de son vrai nom Stephan Brisart (34 ans) est, depuis un quart de siècle, un inconditionnel du RSCA. Ancien coéquipier de Frédéric Peiremans chez les jeunes, il s’est lié d’amitié non seulement avec lui mais aussi avec d’autres figures emblématiques du club comme Enzo Scifo, Bertrand Crasson, Filip De Wilde et feu Jean Dockx.

 » C’est ma grand-mère maternelle, Fina, sympathisante du Sporting depuis toujours, qui m’a emmené pour la première fois au stade, à l’occasion d’un Anderlecht-Lierse. J’avais 9 ans et j’ai souvenance que le match s’était soldé par une victoire 2 à 0 des Mauves, grâce à deux buts d’ ErwinVandenbergh. Depuis ce jour-là, je suis un assidu du club moi aussi. Je ne me contente pas d’assister aux rencontres : dès que l’occasion se présente, je ceinture le terrain d’entraînement pour voir mes favoris à l’£uvre. Au fil des ans, des liens indéfectibles se sont tissés. J’ai d’abord sympathisé avec Ludo Coeck, qui m’avait juché un beau jour sur ses épaules, en quittant l’aire de jeu. Une multitude d’autres ont suivi. Avec quelques-uns, je me suis même lié d’amitié. Il s’agit essentiellement de gens de ma génération comme Stéphane Stassin, Berre et Fred. Mais les plus anciens aussi m’avaient quelquefois à la bonne. Comme Jean Dockx, qui taillait régulièrement une bavette avec moi. Un grand Monsieur. A mes yeux le plus grand, ni plus ni moins, qu’ait jamais connu le RSCA. Le maillot que je porte en me rendant au stade les soirs de matches, est d’ailleurs floqué à son nom. C’est le seul que j’aie acheté au fanshop. Les 63 autres de ma collection, je les ai obtenus des joueurs eux-mêmes. La plupart sont associés à des souvenirs marquants. Comme celui que m’a remis Filip De Wilde après un Porto-Anderlecht en 2000, qui avait valu au Sporting d’accéder à la fameuse Ligue des Champions et de réaliser un parcours sublime, ensuite, contre Manchester United, la Lazio Rome et le Real Madrid, pour ne citer que ces trois noms.

Anderlecht est ma deuxième famille. Elle est à ce point chevillée à mon corps que je suis tatoué en mauve et blanc sur bras et jambes. Ma plus grande fierté, c’est d’avoir réussi à convaincre Enzo Scifo, un jour, de reporter le brassard de l’équipe nationale. En guise de remerciement, le Louviérois m’a remis, après coup, ce morceau d’étoffe aux couleurs noir/jaune/rouge. Je ne m’en séparerais pas, même pour tout l’or du monde « .

Un dossier de Bruno Govers et Geert Foutré

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