Anderlecht EN OTAGE

Les vacances tiraient à leur fin jeudi et vendredi passés, à Monaco, alors que les huiles du football assistaient au tirage au sort de la Ligue des Champions et de la Coupe de l’UEFA. Pour deux jours, les sujets du Prince Rainier ont accueilli les stars du ballon rond et les sympathiques supporters de Porto et de Valence qui avaient rendez-vous en Supercoupe européenne.

La Principauté s’était transformée en sympathique Soccer beach. Les amateurs de ballon rond slalomaient entre les Rolls-Royce et les Lamborghini de la terrasse du Café de Paris et du Stade Louis II. Si la plus prestigieuse des deux épreuves a déjà adopté le rythme des poules, sa petite s£ur devra départager 80 clubs avant d’en faire de même. Le football belge était représenté par quatre clubs sur les deux podiums européens : Anderlecht défilait en Ligue des Champions, Bruges, le Standard et Beveren en Coupe de l’UEFA.

Les Bruxellois se mesureront à Valence, à l’Inter Milan et au Werder Brême. Ce ne seront pas des rendez-vous faciles à aborder, même si le 3-0 forgé face à Benfica, au match retour du troisième tour préliminaire de la Ligue des Champions, a impressionné l’Europe du football.

 » A ce stade, plus rien n’est facile « , certifie Herman Van Holsbeek, le manager du club.  » J’aurais préféré éviter le Werder Brême, le géant du quatrième chapeau de ce tirage au sort. Nous entamons notre campagne à Valence, autoritaire vainqueur de la dernière Coupe de l’UEFA, qui présente un football technique, certes, mais aussi un jeu engagé et très bien organisé. L’avantage sera d’avoir le vernissage de notre Ligue des Champions  » à l’extérieur avant de recevoir, coup sur coup, nos deux autres adversaires. L’Inter cherche un peu un souffle nouveau à l’échelle de l’Europe mais c’est évidemment un club solide. Cette affiche devrait enfanter un grand match très ouvert. Brême viendra chez nous avec les qualités du football allemand dans ses bagages, comme c’est le cas du Bayern : engagement, taille, puissance, capacités physiques, mobilité et jusqu’au-boutisme. C’est une façon de pratiquer qui nous convient moins bien. Au terme de ces trois premiers chocs, Anderlecht aura cerné ses potentialités, l’évolution de Vincent Kompany et de ses jeunes et sa progression en déplacement où nous n’avions pas pris un point la saison passée malgré de bons matches à Lyon et au Bayern. Bref ses espoirs pour la suite des opérations « .

Cette affaire attire les requins

Mais sur le parvis de St-Guidon, un nom ourle toutes les lèvres : Aruna Dindane. Le tirailleur ivoirien a coupé la tête de l’aigle de Benfica avant, une fois de plus, de faire monter la pression : colère à l’entraînement jeudi, absence le vendredi, refus de jouer contre Gand, etc. Jouera encore ou ne jouera-t-il plus pour le Sporting ? Sans lui, les Mauves n’auront pas la même allure. C’est dire si l’affaire est importante.

Le président Roger Vanden Stock s’était déclaré choqué par l’attitude de ce morveux. Sa joie d’être présent au bal des grands à Monaco aura été solidement tempérée par cette affaire. Les Anderlechtois parlaient de chantage intolérable de la part de ce joueur à quelques jours de la fin de la période des transferts. Qui le manipule ? Les Bruxellois estimaient que tout le monde sera étonné en apprenant le nom de ceux qui le conseille. Visaient-ils Jean-Marc Guillou, le gourou de Beveren, et père spirituel d’Aruna ?  » Pas de commentaires ! « , dit-on à ce propos à Anderlecht où 25 agents, selon la direction bruxelloise, ont proposé des solutions dans le cadre de ce dossier. Cette affaire attire les requins qui ont flairé l’odeur de l’argent.

Les Bruxellois misent sur le sens du dialogue de l’agent d’Aruna, Serge Trimpont, mais ce dernier ne détient pas toutes les cartes. Aruna est parti vers la Côte d’Ivoire dimanche pour les besoins d’un match international. Retour prévu une semaine plus tard. Anderlecht laissera un peu de temps au temps, ne parle pas de sanction pour le joueur récalcitrant, mettra les choses à plat en ce milieu de semaine (après la fin de la période des transferts) avec les conseillers du joueur et le rencontrera en Afrique s’il le faut. Si Aruna ne veut pas reprendre le travail, Anderlecht ne cédera à aucun chantage et, affirme- t-on : » Tout le monde sera perdant « .

Les dirigeants prétendent ne jamais avoir donné leur parole (permission de partir si un grand club frappait à la porte) quand il prolongea son contrat qui court encore sur une période de deux ans. Trimpont affirmait le contraire. Pourquoi cette éventualité, et un montant de transfert, ne sont-ils pas repris sur papier ?

Roger Vanden Stock précisait déjà à Monaco :  » J’en fais une affaire de principe. Je ne céderai pas même si Aruna ne devait plus jouer deux ans. A lui de savoir. Les joueurs ont des droits mais aussi des devoirs. Si Aruna veut jouer avec sa carrière, il prend de gros risques. Chez nous, via la Ligue des Champions, il peut encore progresser, se tailler une belle réputation européenne. J’ai entendu parler d’une offre de West Bromwich Albion. Faut pas rire : Aruna n’a rien à gagner dans un club luttant pour sa survie en Premier League. Il ne verrait pas un ballon dans ce football de combat « .

Mais il fut aussi question de Tottenham et de Lyon, autrement plus solides que WBA. Les Lyonnais auraient compris la fermeté bruxelloise.

 » Anderlecht a conservé son noyau, accentué sa confiance aux jeunes et réalisé le transfert de la saison en recrutant Mbo Mpenza « , continue Roger Vanden Stock.  » Ce sont de gros efforts pour un club qui a le 146e budget européen et nos supporters y contribuent en ayant accepté une augmentation de 20 % de leurs abonnements. Ces fidèles n’accepteraient pas que nous cédions à ce chantage. Il est désormais trop tard pour détricoter un effectif conçu pour nos ambitions. Mais nous accepterions de revoir le problème en janvier « .

A ce moment-là, les Mauves auront avancé sur l’échiquier de la Ligue des Champions (les deux premiers de chaque poule sont qualifiés, le troisième est versé en Coupe de l’UEFA) et du championnat de Belgique. Il leur serait plus facile de se redéfinir, de trouver des solutions pour remplacer Dindane alors qu’ils se retrouvent tout nus dans la situation actuelle. De plus, fin août, les offres anglaises tournaient autour des sept millions d’euros et Anderlecht a fixé la valeur de sa vedette à 12,5 millions.

Châteauroux a des problèmes

Si la vie n’est pas un long fleuve tranquille à Anderlecht, il en va de même sur les canaux brugeois. La déception due à la mise à l’écart de la Ligue des Champions semblait cependant cicatrisée quand Michel D’Hooghe, Marc Degryse et Antoine Vanhove croisèrent les Mauves à Monaco. Bruges avait le statut de club protégé dans le septième chapeau du tirage au sort. Il était intéressant d’éviter les Tchèques de Banik Ostrava et les Néerlandais d’AZ Alkmaar.

La fortune a souri aux gars de la Venise du Nord en leur proposant La Berrichonne de Châteauroux. Finaliste de la dernière Coupe de France (battu 1-0 par le PSG), ce club doit sa présence européenne aux obligations parisiennes en Ligue des Champions. Pour en arriver là, Châteauroux avait notamment éliminé Monaco en quarts de finale mais, avant un match de Ligue des Champions, Didier Deschamps avait présenté une version light de son équipe : une erreur qu’il paya cash. Même si Châteauroux n’a jamais évolué en L1, Degryse se méfie de ce club présidé par Michel Denisot, directeur général adjoint du groupe Canal +. Les joueurs du stade Gaston Petit ont entamé leur saison de façon catastrophique. Après deux nuls et deux défaites, ils viennent enfin de s’imposer 2-0 à domicile contre Niort. L’ancien club d’ Eric Rabesandratana (Mons) enregistra beaucoup de départs et d’arrivées en été. Dès lors, le groupe de l’entraîneur Victor Zvunka s’est cherché en défense et en attaque. La mayonnaise tarde à prendre et Châteauroux est actuellement 15e en L2.

Zvunka y travaille depuis deux ans et n’est pas un inconnu car il joua à Metz, Marseille, Laval et au Racing de Paris avant d’entraîner le même Racing, Valenciennes, Niort, Toulouse, Nice, Amiens, Lausanne et Laval. L’homme a donc du métier.  » Il faut toujours se méfier du football français « , affirme Degryse.  » Ses qualités sont connues : technique, tactique et engagement. La L2 est aussi un réservoir où les clubs de l’élite puisent des joueurs intéressants. Nous nous méfierons car les clubs français ont souvent posé de solides problèmes à Bruges « .

Autrefois très proche du PSG, ce club fondé en 1883 vole de ses propres ailes. La Berrichonne entretient des liens avec la Belgique. Un de ses sponsors n’est autre que Luc Declercq, un industriel flamand ( Berry floor) qui soutient aussi l’équipe cycliste de Lance Armstrong. Grâce aux contacts de Declercq, l’Américain et ses boys acceptèrent de prendre part à une course à Châteauroux.

 » Après avoir été éliminé de la Ligue des Champions, Bruges doit passer ce cap et se qualifier pour les poules de la Coupe de l’UEFA « , ajoute Degryse.  » La déception est oubliée. Nous devons aller de l’avant. Non, il n’y a pas de problèmes avec Trond Sollied. Vous savez, tout ce qui a été écrit doit être inscrit dans la lutte entre deux journaux flamands. Ils se répondent, s’affrontent mais, chez nous, tout est clair et chacun a son rayon d’action « .

Samedi passé, les supporters de Bruges ont réclamé la tête du coach sur l’air des lampions :  » Trond Sollied buiten « , mais le refrain changera si Bruges garde sa place en tête de la D1 et élimine Châteauroux en Coupe de l’UEFA.

Bochum, digne représentant de la Bundesliga

Si Trond Sollied est contesté, il en va de même pour la direction du Standard. Plongé jusqu’au coup dans leur folle noria de transferts, les Rouches auront-ils le temps de se réorganiser et de trouver leurs automatismes avant de se mesurer à Bochum ? Beaucoup en doutent au vu de leur maigre récolte en championnat.

 » Nous n’étions pas protégés au même titre que Bruges « , affirmait Michel Preud’homme à Monaco.  » Nous ne souhaitions pas nous mesurer à Auxerre mais les autres adversaires en piste valaient aussi le coup d’£il : AEK Athènes, FC Séville, Etoile Rouge Belgrade ou Bochum. Les Allemands sont solides dans tous les secteurs. C’est un digne représentant du football allemand. Nous avons notre chance. Le premier match a lieu chez nous mais, à l’heure actuelle, l’ordre des matches n’est plus prépondérant. Ce sera une belle affiche. De plus, le fait d’affronter un club allemand, c’est excellent pour les droits de retransmissions télévisées « .

José Riga, l’adjoint de Dominique D’Onofrio, suivait déjà le week-end Thomas Zdebel, ThordurGudjonsson et leurs copains du Vfl Bochum (fondé en 1848, 5e de la Bundesliga la saison passée devant Dortmund) face à Bielefeld…

Loin de Bruges et du Standard, Beveren n’a pas fait de bruit à Monaco. Frans Van Hoof, son président, était satisfait du tirage au sort :  » Tout va vite pour nous et notre présence ici souligne la qualité de notre travail. Beveren a tranquillement éliminé Vaduz. Face à Udine, Bilbao ou Stuttgart, les stars du sixième bocal, nos chances de qualification auraient été réduites. Ce n’est pas le cas avec le Levski Sofia. Les Bulgares ne nous permettront pas de décrocher de gros droits de télévision. Mais, par contre, nos chances de qualification pour les poules sont réelles « .

Les 40 équipes qui franchiront le cap du premier tour seront ensuite regroupées en huit poules de cinq équipes. Les trois premiers de chaque groupe et les huit troisièmes des poules de Ligue des Champions se retrouveront en 16es de finale de la Coupe de l’UEFA à élimination directe. La finale de la Coupe de l’UEFA se déroulera à Lisbonne le 18 mai et la finale de la Ligue des Champions le 25 mai au stade Atatürk d’Istanbul. A Monaco, on voit parfois le Savarona, l’ancien yacht de Mustafa Kemal Atatürk, feu le père de la Turquie moderne. De jolies filles s’y prélassent : savent-elles qu’Aruna Dindane boude à Anderlecht ?

Pierre Bilic

 » Je ne céderai pas. Même si Aruna ne devait PLUS JOUER DEUX ANS  » (Roger Vanden Stock)

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