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Anderlecht en Ligue des Champions

Retour sur la dernière participation d’Anderlecht au grand bal de l’Europe. C’était en 2017-2018 et le verdict avait été terrible : six matches, cinq défaites/humiliations, deux buts marqués, 17 encaissés.

Dortmund, Atlético de Madrid, AS Monaco, PSG, Real Madrid, Liverpool, Naples,… Ces gros rendez-vous en Ligue des Champions sont réservés, depuis plus de deux ans, à Bruges et à Genk. Les Anderlechtois sont condamnés à rester au balcon. Et à regarder les rivaux compter les sous venus de l’UEFA. L’état de la trésorerie mauve s’explique aussi par ça. Elle était comment, cette dernière campagne ? Rappel en six épisodes douloureux.

Bayern – Anderlecht 3-0

L’anti-héros : Sven Kums.

La déclaration :  » Pour comprendre les décisions de Weiler, il faut avoir fait vingt ans d’unif.  » (Gille Van Binst).

Le gros titre dans la presse :  » Le chaos est encore plus grand .  » (Het Laatste Nieuws).

Dès que les compos tombent, certains se demandent si René Weiler, fort contesté, n’organise pas son suicide. Son choix le plus étonnant : Sven Kums en défense centrale, un poste qu’il n’a jamais occupé. Il ne faut pas longtemps pour comprendre que le Soulier d’Or est très mal à l’aise, ses premières interventions sont approximatives et il commet un penalty sur Robert Lewandowski après dix minutes. Kums est exclu et le Polonais transforme l’essai : 1-0.

À la mi-temps d’Anderlecht – Celtic, les Écossais ont 74% de possession.

Après ça, les dix Mauves ne sont pas ridicules. Aussi parce que le Bayern ne cherche pas à mettre une pression infernale. Les Allemands gèrent simplement. Et Matz Sels se met en évidence sur quelques tentatives. C’est un match peu emballant. Il faut un coup de sang de Franck Ribéry pour lui donner du piment. Le Français est furieux quand Carlo Ancelotti le remplace par Thomas Müller. De rage, il jette son maillot. Il se fera démolir par des grands noms. Hasan Salihamidzic, directeur sportif du Bayern :  » C’est intolérable et indigne du Bayern.  » Lothar Matthäus, consultant télé :  » Jeter le maillot du Bayern comme ça, c’est un mauvais signal vis-à-vis du club.  »

Adrien Trebel face au Celtic. Le Français est l'un des rares Mauves de l'époque à toujours figurer dans le noyau aujourd'hui.
Adrien Trebel face au Celtic. Le Français est l’un des rares Mauves de l’époque à toujours figurer dans le noyau aujourd’hui.© belgaimage

Dès la fin du match, Weiler, qui se sait en sursis, est assailli de questions tranchantes sur certains choix. Quand on l’interroge sur le repositionnement de Kums, il se fâche :  » Question suivante, ça m’énerve.  » Des journalistes insistent. Alors il s’explique :  » Je vous rappelle que j’ai joué au football, à la même position que Kums. Et à la fin de ma carrière, je suis devenu défenseur central. Je savais que Kums pouvait le faire aussi, mais ça s’est mal terminé.  »

Quelques heures plus tard, des supporters modifient la page Wikipédia du coach suisse et on lit :  » Viré le 12/09/2017 après la défaite d’Anderlecht au Bayern Munich en phase de poules de la Ligue des Champions « . Un juste présage. Il va voler dehors. Sur Instagram, Jelle Van Damme défend son copain Kums.  » Courage, mon pote. Le talent battra le système… ou le coach « . Une publication likée par des gars du foot : Thomas Foket, Steven Defour, Radja Nainggolan, Paul-José Mpoku, Thorgan Hazard, Obbi Oulare,…

Anderlecht – Celtic 0-3

L’anti-héros : Leander Dendoncker.

La déclaration :  » Le premier coupable de cette défaite, c’est Nicolás Frutos.  » (Marc Degryse)

Le gros titre dans la presse :  » Il y a longtemps que l’on n’avait pas vu un champion de Belgique aussi faible.  » (L’Équipe)

Nicolá s Frutos dirigé son troisième match comme dépanneur, après le C4 remis à Weiler. Il sait au coup d’envoi que son sort est scellé parce que, quelques heures plus tôt, Hein Vanhaezebrouck a quitté La Gantoise et est donc libre. Le grand Argentin fait comme le petit Suisse, il s’emmêle les pinceaux, chipote, change continuellement de vision. Il a aligné trois défenseurs lors de sa première pige, quatre lors de la suivante, et maintenant cinq face au Celtic. Comme si son équipe se préparait à affronter un rouleau compresseur. Mais non, les Écossais sortent d’une série de seize matches de Ligue des Champions sans victoire. Depuis 2000, ils ne se sont imposés qu’une seule fois en déplacement.

Dennis Appiah face à Neymar. Anderlecht n'a pas fait le poids contre le PSG.
Dennis Appiah face à Neymar. Anderlecht n’a pas fait le poids contre le PSG.© belgaimage

Bref, ce match, qu’il faut absolument gagner pour espérer la troisième place finale dans le groupe, Frutos l’aborde comme un rendez-vous à ne pas perdre. Après l’expérience Sven Kums à Munich, c’est cette fois Leander Dendoncker qui est reculé en défense. Un flop. Le lendemain, un quotidien flamand rappelle ironiquement que, quelques mois plus tôt, Herman Van Holsbeeck avait estimé la valeur de ce joueur à 38 millions.

Anderlecht aligne sa neuvième ligne médiane différente en l’espace d’une douzaine de matches. Aussi un flop. Les gars du Celtic se baladent. À la mi-temps, ils facturent 74% de possession ! À un moment du match, les Écossais totalisent 280 passes, pour seulement 80 aux Bruxellois. Et le premier fait d’arme mauve survient à la 74e minute, avec une tentative timide de Pieter Gerkens. Tout est dit.

Des journalistes français ont fait le déplacement pour voir Anderlecht en live avant le rendez-vous avec le PSG. Ils descendent le champion de Belgique.  » Anderlecht pourrait être dévoré par son prochain adversaire « , écrivent-ils. Et aussi :  » Le PSG n’a tout de même pas trop d’inquiétudes à nourrir, avec ou sans Vanhaezebrouck « . Chez nous, Le Soir titre :  » Encore plus faible que sous René Weiler « .

Frutos sent le vent du boulet :  » Est-ce que ce match était mon dernier à la tête d’Anderlecht ? Je vis chaque match comme s’il était le dernier. Je suis plus serein que jamais.  » Bad feeling.

Anderlecht – PSG 0-4

L’anti-héros : Matz Sels.

La déclaration :  » D’habitude, avec un score pareil, on se fait jeter de la bière au visage.  » (Olivier Deschacht)

Le gros titre dans la presse :  » Ses stars ont été sans pitié, mais le coach du PSG félicite Anderlecht.  » (Het Belang van Limburg)

Tout le monde est bien d’accord en fin de soirée : cet Anderlecht ne méritait pas une punition pareille. On a vu un Sporting audacieux, séduisant. Weiler et Frutos, c’est bien de l’histoire ancienne. Vanhaezebrouck, arrivé entre-temps, a décidé de pratiquer un jeu offensif, un pressing haut, une défense homme contre homme. Sans plan anti- Neymar. Mais après moins de trois minutes, c’était déjà 0-1 par Kylian Mbappé. Après ça, d’autres stars parisiennes ont soigné leurs stats : Edinson Cavani, Neymar et Ángel Di María. Toute l’armada était sur la pelouse, preuve qu’ Unai Emery ne prenait pas les Mauves de haut.

Je vous rappelle que j’ai joué au football.  » René Weiler après Bayern – Anderlecht

Après le match, le coach espagnol est élogieux :  » Anderlecht a prouvé qu’il méritait sa place en Ligue des Champions.  » Aucun Bruxellois n’a été mauvais. Le plus à plaindre, c’est Matz Sels, qui s’est retourné quatre fois. Olivier Deschacht, qui jouait son centième match européen avec Anderlecht, sait déjà que l’histoire ne retiendra que le 0-4 et pas la manière. Mais l’homme le plus loué, c’est Vanhaezebrouck. Il a promis, à sa signature, qu’il allait ramener un football susceptible de remplir le stade. Il est sur la bonne voie. Les Mauves ont même réussi à dégoûter Neymar. Plus d’une fois, il est allé gémir devant le banc parisien, se plaignant que le PSG jouait trop bas. Un soir où le géant avait peur du nain. On entend même que le Sporting ne part pas battu d’avance dans ses deux prochains rendez-vous, à nouveau contre le PSG, puis le Bayern. Les chiffres sont toujours lamentables, mais pour le reste, tout a changé. En une heure et demie.

PSG – Anderlecht 5-0

L’anti-héros : Nicolae Stanciu.

La déclaration :  » Un match contre un club qui a un budget de 750 millions n’est pas un bon baromètre pour juger un entraîneur.  » (Herman Van Holsbeeck)

Le gros titre dans la presse :  » Battre Anderlecht, c’est battre personne.  » (Le Parisien)

On ne revoit plus rien de la bonne prestation bruxelloise quelques jours plus tôt. Anderlecht est surclassé dans tous les compartiments et Layvin Kurzawa se fait plaisir en plantant trois buts. Vanhaezebrouck tente un coup de poker, il fait jouer son équipe sans vrai attaquant de pointe. C’est Sofiane Hanni qui fait office de faux 9. Ça ne marche pas du tout.

Plus inquiétant encore, il y a l’apathie des Mauves. Alors qu’ils sont dominés pendant une heure et demie, ils ne prennent pas un seul carton jaune, preuve de leur manque de mordant. Sur l’ensemble des quatre premiers matches, il n’y a d’ailleurs eu que quatre avertissements. Au moment de prendre le Thalys vers Bruxelles, le lendemain, Herman Van Holsbeeck refuse de faire le premier procès de son entraîneur. Un Vanhaezebrouck qui sort des arguments bien à lui pour se défendre.  » J’ai déjà vu beaucoup de matches dans ma vie, comme entraîneur ou en tant que consultant pour la télé. Celui-ci était le meilleur de tous.  » Il est directement recadré par Aimé Anthuenis, seul entraîneur d’un club belge (avec Vanhaezebrouck qui l’a fait à Gand) à être sorti des poules de la Ligue des Champions.  » Collectivement, ce PSG ne ressemblait pas à grand-chose. Il y avait beaucoup de déchet dans leur jeu, et derrière, ce n’était pas au point. On a à peine vu Mbappé. Cavani a peut-être joué son plus mauvais match de la saison. Kurzawa a marqué trois fois, mais je l’ai trouvé faible pendant toute la première mi-temps. Mais bon, je peux comprendre le discours de Vanhaezebrouck. Que peut-il dire d’autre après un 5-0 ?  »

Uros Spajic tacle Arjen Robben. Anderlecht n'a pas démérité lors du retour face au Bayern, mais l'élimination était tout de même à la clé.
Uros Spajic tacle Arjen Robben. Anderlecht n’a pas démérité lors du retour face au Bayern, mais l’élimination était tout de même à la clé.© belgaimage

Dans les heures qui suivent la nouvelle débâcle, c’est un Roumain qui fait les gros titres. Nicolae Stanciu, monté pour les dix dernières minutes, en a ras-le-bol de jouer les utilités. Il avait environ 50% de temps de jeu avec Weiler, c’est tombé à 16% avec HVH. Il demande du respect et brandit la menace d’un départ anticipé. Le transfert de l’homme qui valait dix millions va être un flop, c’est écrit.

Anderlecht – Bayern 1-2

L’anti-héros : Lukasz Teodorczyk

La déclaration :  » Il n’y avait pas trois divisions d’écart.  » (Hein Vanhaezebrouck)

Le gros titre dans la presse :  » Game over.  » (De Morgen)

Pendant toute la première mi-temps, le géant allemand est dans les cordes. Anderlecht séduit. Jusqu’au moment de poser le dernier geste. Là, c’est chaque fois la cata. Et chaque fois via le même joueur : Lukasz Teodorczyk. Il rate trois occasions qui devaient finir au fond à tous les coups. Il est à la recherche de ses sensations depuis le début de la saison et ce match est le symbole parfait de sa crise de confiance. Vanhaezebrouck peste après le coup de sifflet final :  » Dommage, c’est le genre de rendez-vous qui aurait pu le remettre sur le bon chemin. Et augmenter ses chances d’être repris en équipe nationale. Parce que pour les Polonais, marquer contre le Bayern, ça représente quelque chose de particulier.  »

Le Bayern a aligné une espèce d’équipe B et elle n’a clairement pas donné satisfaction à son coach, Jupp Heynckes. Au moment du debriefing, il y va fort :  » La première mi-temps, c’était carrément en dessous de tout. Et il y avait un super Anderlecht.  » René Weiler a suivi le match en tant que consultant sur une chaîne de télé suisse. Il ne veut pas trop en dire sur le zéro pointé de son ex-équipe et avoue un certain détachement :  » Je ne regarde plus les matches d’Anderlecht. La seule chose que je veux savoir, c’est qui a joué et marqué. Tout le reste ne m’importe pas.  » Il conclut en disant qu’il a la conscience tranquille :  » J’ai atteint mes objectifs à Anderlecht.  » Il reste une option pour être reversé en Europa League via la troisième place : gagner le dernier match à Glasgow par au moins trois buts d’écart.

Anderlecht a prouvé qu’il méritait sa place en Ligue des Champions.  » Unai Emery après Anderlecht – PSG

Celtic – Anderlecht 0-1

L’anti-héros : Roger Vanden Stock.

La déclaration :  » On a rendu le Celtic Park silencieux pendant de nombreuses minutes, ce n’est pas donné à tout le monde.  » (Hein Vanhaezebrouck)

Le gros titre dans la presse :  » Le Sporting se rachète, mais ne se repêche pas .  » (L’Avenir).

Pas de miracle à Glasgow. Marquer au moins trois buts et ne pas en encaisser, ce n’est pas faisable. Mais Anderlecht a quand même le bon goût de soigner sa sortie en s’imposant. Soit sa première victoire à l’extérieur en Ligue des Champions depuis douze ans et un succès au Real Betis sur un but de Vincent Kompany.

Après le match, on parle autant d’Anderlecht – Celtic que de Celtic – Anderlecht. Parce que ce déplacement vient de prouver que les Écossais étaient tout à fait prenables, qu’ils n’avaient rien de plus que les Mauves pour finir à la troisième place. On continue à se demander quelle mouche a piqué Frutos d’envoyer au front une équipe aussi défensive à Bruxelles. Des journaux titrent que si Vanhaezebrouck avait été nommé quelques semaines plus tôt, s’il avait dirigé l’équipe à Munich et à domicile contre le Celtic, le verdict final serait sans doute bien différent. Un peu partout, on découvre des titres qui mettent l’accent sur les regrets que les Bruxellois doivent nourrir.

Anderlecht en Ligue des Champions

Sur le plan purement comptable, cette campagne est une catastrophe. Anderlecht n’a marqué qu’un but en six matches, celui de Hanni contre le Bayern. Parce que le goal de la victoire à Glasgow est transformé en auto-but par les experts de l’UEFA. Une fédé européenne qui révèle aussi le nombre d’occasions  » franches  » créées par le Sporting dans ces six matches : six…

En présence de 60.000 furieux, dont Rod Stewart, Anderlecht a été meilleur sous tous les aspects. Une sortie rêvée pour Roger Vanden Stock. C’est officiel, son club est à vendre. Tout est encore très flou, mais il est probable que le président ne sera plus en poste au départ de la saison suivante. Et qu’il vient donc de faire son ultime sortie européenne. Les supporters belges qui ont fait le déplacement lui réservent une haie d’honneur parce que c’est son 200e match européen. RVDS est ému aux larmes.

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