« Anderlecht avait un groupe trop docile »

L’ex-international se pose les questions qu’il faut sur son avenir : entraîneur des gardiens ou T1 ? Et où ?

Pour la deuxième fois, Filip De Wilde (47 ans) a pris congé du public anderlechtois. La première, en 2003, au terme de sa carrière active comme gardien, s’était plutôt mal déroulée. Déçu d’avoir été poussé vers le banc par Daniel Zitka, le Flandrien, fleuri avant le dernier match du championnat, était tout bonnement parti sans demander son reste.

Ce coup-ci, en qualité d’entraîneur des portiers, sans contrat renouvelé et laissé dans le flou par son club, il a bien participé à la fête consécutive au titre mais a annoncé qu’il quittait Anderlecht !

Filip De Wilde : Sans nouvelles du club, je n’acceptais pas que la prolongation de mon bail dépende d’un titre éventuel de champion. Mais la direction ne savait trop à quoi s’en tenir. Si Ariel Jacobs décidait de ne pas rempiler, son successeur aurait pu amener son propre staff, sans garantie pour mon avenir… Et je ne suis pas naïf : des noms ont été évoqués, tant pour le poste de coach principal, comme Michel Preud’homme par exemple, que pour ma fonction. Je songe à Philippe Vande Walle. Il faut croire que certaines personnes ont été subjuguées par son travail chez les Diables, alors qu’elles ne pointaient pas le bout du nez à l’entraînement chez nous. Je n’avais pas envie d’être tributaire de telles personnes. ( NDLR : De Wilde doit faire référence à Philippe Collin). Voilà pourquoi j’ai pris les devants.

Vous n’êtes pas le seul : Jacobs, José Riga et Georges Leekens sont aussi partis !

A cette nuance près qu’ils ont d’ores et déjà des perspectives puisque Riga poursuivra sa carrière dans l’Académie Aspire, au Qatar, tandis que le sélectionneur national est appelé à remplacer Christoph Daum au Club Bruges. Quant à Jacobs, je présume qu’il finira bien par trouver chaussure à son pied. Moi, en revanche, je n’ai pas de solution de rechange pour le moment. La seule chose qui est acquise c’est que je veux rester dans le monde du football et, si possible, comme entraîneur en chef. Je possède la Licence pro depuis 2009. Le diplôme est valable pendant trois ans. Passé ce délai, il faut se recycler s’il n’a pas été utilisé. Je vais dès lors devoir passer des clinics pour être en règle ( il rit). Je n’ai pas envie que ce phénomène se répète trop souvent.

Vous avez fait le tour du propriétaire en tant qu’entraîneur des gardiens ?

Je n’exclus rien. Si le nouvel entraîneur des Mauves désire faire appel à mes services, dans le même rôle que celui que j’ai occupé ces cinq dernières années, je ne vois pas pourquoi je ne lui prêterais pas une oreille attentive. Et si le futur coach fédéral songe à moi, pourquoi pas ? En revanche, je ne me vois pas poser ma candidature à Bruges, au Standard ou Genk. Il y a des collègues compétents là-bas et je n’entends pas les déloger. Je ne m’imagine pas, non plus, occuper ce rôle un cran plus bas. Quand on a connu le sommet, il me paraît difficile de s’accommoder d’un entourage plus modeste. Sauf si une bonne opportunité s’y présente comme T1. Mon bon pote Peter Maes a suivi cette trajectoire-là en débutant à Meerhout avant de passer au Verbroedering Geel, Malines et à présent Lokeren. Et tôt ou tard on le retrouvera dans une formation du top. Il a les qualités pour entraîner Anderlecht en tout cas. Il y a du de Mos en lui. Et le Hollandais est l’entraîneur qui m’a le plus marqué dans ma carrière….

 » Jacobs était un maître dans la gestion du groupe « 

A quel titre ?

Je me suis rendu compte pour la première fois de l’impact que pouvait avoir un entraîneur sur le football dispensé. L’ancien coach de Malines savait aussi bien tirer la quintessence de chaque joueur, individuellement, que du groupe. C’est sous sa gouverne que les éléments du champ ont appris ce que signifiait exactement le jeu de position et les lignes de course. Sur ce plan, il était en avance. Ce n’est peut-être pas un hasard si, avec lui, Anderlecht a disputé sa dernière finale européenne face à la Sampdoria, en 1990. Depuis, l’équipe n’a plus su atteindre pareil niveau. Même si, en 2000-2001, elle avait fait fort aussi en battant en Ligue des Champions Manchester United, le Dynamo Kiev, le PSV, la Lazio Rome ou encore le Real Madrid. Avec le recul, je me dis que ce n’était pas mal non plus.

Vous étiez titulaire : ce onze était-il plus fort que l’équipe actuelle ?

La force de frappe était répartie sur deux têtes, essentiellement : Tomasz Radzinski et Jan Koller, auteurs chacun de plus de 20 buts cette saison-là. Dans l’équipe actuelle, la production offensive était l’affaire de quatre éléments : Dieu, Matias Suarez, Guillaume Gillet et Milan Jovanovic. La différence se situe au niveau du caractère, d’après moi. Avec des gars comme Lorenzo Staelens, Besnik Hasi, Glen De Boeck, Yves Vanderhaeghe, Didier Dheedene et Bart Goor, on pouvait aller à la guerre. Aux entraînements, c’était toujours à couteaux tirés. A présent, je relève moins de personnalités. Le groupe est trop docile par moments. A mon époque, on entendait régulièrement pousser des gueulantes sur le terrain ou dans le vestiaire. C’est beaucoup plus calme maintenant.

Vous avez débuté comme entraîneur des gardiens au Sporting en 2007, au côté de Frankie Vercauteren d’abord, puis de Jacobs dès novembre. Qu’en retenez-vous ?

Indépendamment des résultats et d’une chouette ambiance de travail, je dirais son sens de l’organisation. Avec lui, tout était toujours au point. Non seulement d’un jour à l’autre mais aussi à court, moyen et long termes. Je savais toujours plusieurs jours à l’avance à quel moment je pouvais m’occuper de préparation individuelle et quand je devais libérer les gardiens pour des situations collectives. J’ai beaucoup appris également, sous ses directives, en matière de gestion d’un groupe. Contrairement à de Mos, par exemple, qui scindait les titulaires et les doublures à chaque entraînement, Jacobs travaillait toujours avec l’intégralité du noyau. Dès lors, tout le monde se sentait concerné. Voilà qui explique probablement pourquoi certains, qui n’étaient pas titulaires, n’ont jamais fait tache quand on avait besoin d’eux. Je songe à un Denis Odoi, par exemple, ou à un Kanu, peu utilisé lors de la phase classique mais qui s’est révélé décisif lors des play-offs.

 » Je suis favorable à une hiérarchie chez les gardiens « 

Vous doutiez-vous que Jacobs arrêterait en cette fin de saison ?

Il n’y a jamais eu de signe avant-coureur. Au même titre que les joueurs et les autres membres du staff, je me suis interrogé jusqu’au bout. Ce n’est qu’avant le dernier match, face au Standard, que j’ai été mis au parfum, comme tout le monde. Même en comité restreint, Jacobs est toujours resté secret. Il nous est arrivé de le charrier mais il avait invariablement une réponse de Normand. Il n’y avait pas moyen d’être fixé dans ces conditions.

Silvio Proto a réussi une fameuse saison. Et Davy Schollen et Michaël Cordier n’ont pas loupé leur sortie non plus.

C’est une grosse satisfaction pour moi. D’un côté, Silvio a été d’une régularité à toute épreuve, récompensée à la fois par le titre de Gardien de l’Année et par une prolongation de 5 ans. D’autre part, Davy a fait le match parfait devant les Rouches et Michaël n’avait rien à se reprocher non plus lors de la rencontre précédente à Courtrai. Ils n’auront aucune difficulté à trouver de l’embauche. Je remarque aussi que c’est grâce à moi que le RSCA a choisi de changer sa politique. La configuration idéale, c’est un titulaire qui a des planches, suivi par un élément talentueux et complété par un jeune. Le Sporting ne répondait pas à ce critère puisque Davy a 34 ans et Michaël 28. Mais le club disposera d’une telle hiérarchie la saison prochaine, avec comme n°1 Silvio, puis Thomas Kaminski, qui va sur ses 20 ans et, enfin, Davy Roef qui a 18 ans. Si des jeunes, tels Denis Praet ou Jordan Lukaku, ont été intégrés dans le noyau A, il n’y a pas de raison de ne pas étendre cette mesure à un gardien prometteur.

Ce podium, c’est vous qui l’avez construit ?

Oui, c’est moi qui ai insisté pour que le Sporting s’attache Kaminski. Il m’avait tapé dans l’£il à l’époque où je m’occupais des Diablotins et j’avais cité son nom dès mon retour en 2007. Il avait toutefois préféré répondre favorablement à l’appel du Germinal Beerschot, où il était assuré d’une place dans le noyau A, plutôt que d’opter pour Anderlecht, où je ne pouvais même pas lui promettre de jouer en Espoirs. Dans l’intervalle, j’ai continué à suivre ses évolutions et le club l’a acquis l’été passé avant de le louer à Oud-Heverlee-Louvain où il s’est mis en valeur en contribuant au sauvetage. Roef, lui, est un grand talent qui aura la chance, dès la saison prochaine, de s’aguerrir au contact des meilleurs parmi le noyau A.

 » J’ai toujours été convaincu des qualités de Silvio « 

Que vous inspire l’évolution de Proto durant vos années communes ?

Au départ, Silvio a dû digérer la transition de La Louvière. Ensuite, il lui a fallu composer avec la concurrence de Zitka, pas une mince affaire non plus. Afin de demeurer compétitif, il a eu le bon goût de passer six mois au Kiel en 2009. A son retour, il était prêt. A ses débuts, il avait tort de trop se focaliser sur certains matches. Je me souviens qu’avant la double confrontation contre l’Olympique Lyon, au dernier tour préliminaire de la CL 2009-2010, il était obsédé par l’idée de réaliser une prestation sans faille. Cet état d’esprit s’était retourné contre lui à Gerland. Je lui ai fait comprendre qu’une grosse performance ne se commandait pas et qu’il fallait flasher autant sur des rencontres face à des sans-grade. Je pense que ce message est passé. D’ailleurs, si certains Sportingmen la prennent parfois à la légère dans des matches de moindre importance, Silvio a toujours été impérial dans ces circonstances-là.

Sur le plan du keeping stricto sensu, comment a-t-il progressé ?

J’ai toujours été convaincu qu’il y avait de la bonne graine de gardien en lui. S’il n’était pas top à un âge où d’autres excellent déjà, comme Thibaut Courtois ou Simon Mignolet, c’est parce qu’il avait été freiné par des blessures. Au départ, Silvio était un gardien défensif, qui tablait essentiellement sur ses réflexes. C’est sa grande force, mais, avec le temps, il a appris à contrôler le trafic aérien et à régner dans sa surface. D’attentiste, il est devenu anticipateur. Et premier relanceur grâce à la précision de ses dégagements, tant aux pieds qu’avec les mains. Pour être impérial, il lui reste à garder la maîtrise de soi à tout moment. Parfois, il réagit encore de manière impulsive aux provocations du public ou des ramasseurs de balle. Il ne sert à rien de vouloir raisonner les fans, c’est perdu d’avance. Autant garder son influx.

 » Silvio doit réfléchir à son avenir chez les Diables « 

Silvio est volubile, alors que vous n’êtes pas expansif. Les extrêmes s’attirent ?

Silvio s’est plaint que je ne communiquais pas assez avec lui. Je ne voyais pas la nécessité de tout passer au crible. Je ne m’exprimais que lorsque quelque chose m’avait interpellé. Silvio, lui, tenait absolument à ce que tout soit décortiqué. Du coup, je m’y suis employé. Vu la saison qu’il a réalisée, on s’est plutôt bien adapté l’un à l’autre.

Alors qu’il a atteint sa plénitude, Proto doit faire face à la concurrence de deux jeunes loups en équipe nationale : Courtois et Mignolet. Vous l’aviez suivi quand il avait signalé à Leekens qu’il ne voulait pas être 3e choix. Vous le comprenez ?

Je lui avais conseillé de bien réfléchir parce qu’il risque de passer à côté d’un grand tournoi. Mais être n°3, dans ces conditions, revient à s’asseoir dans la tribune au lieu de prendre place sur le banc. Reste que tout peut changer très vite. Si Laszlo Köteles ne s’était pas blessé, on n’aurait pas entendu parler si tôt de Courtois…

PAR BRUNO GOVERS- PHOTOS: IMAGEGLOBE/HAMERS

 » Je ne me vois pas proposer mes services à Bruges ou au Standard. « 

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