Anderlecht à sa place?

Bruno Govers

Exposé à la vindicte publique, l’entraîneur mauve se défend.

En l’espace d’une dizaine de jours, Anderlecht a sans doute vu sa saison s’en aller complètement à vau-l’eau. Evincé d’un repêchage en Coupe de l’UEFA par le Lokomotiv Moscou d’abord, il a probablement perdu toutes ses chances aussi de réaliser la passe de trois, en championnat, suite à son partage (2 à 2) face au RWDM.

On ne voit vraiment pas comment ce Sporting-ci, incapable d’enchaîner le moindre mouvement offensif digne de ce nom face à son voisin molenbeekois, pourrait décrocher une deuxième place synonyme, de perspectives en Ligue des Champions. Au train où vont les choses, c’est peut-être la Coupe de Belgique qui devra assurer la pérennité des Mauves sur la scène européenne. L’entraîneur Aimé Anthuenis sait donc ce qui l’attend, le 17 novembre face à Lokeren. Pour autant qu’il soit toujours en place au Parc Astrid à ce moment…

Aimé Anthuenis: Je n’ai rien à reprocher à mes joueurs contre le RWDM. Ils se sont livrés corps et âme mais leur engagement et domination n’ont, une fois de plus, guère été concrétisés au tableau d’affichage. Nous manquons de percussion dans le secteur offensif depuis le début de saison. Face au RWDM, Ivica Mornar a inscrit son quatrième but. Un total qui fait de lui notre meilleur buteur pour le moment. Si j’additionne tous les goals marqués par les sept avants dont je dispose dans mon noyau, je n’arrive pas au chiffre atteint par Wesley Sonck, Moumouni Dagano, Rune Lange ou Anders Nielsen. Pas étonnant que les équipes auxquelles ces joueurs appartiennent nous devancent en championnat. Nous sommes à notre place, actuellement.

Après la clôture récente de la première phase de la Ligue des Champions, vous aviez déjà dit aussi qu’Anderlecht était à sa place en terminant en quatrième position de son groupe…

Compte tenu de la valeur de l’opposition et de notre réplique, nous ne méritions pas de franchir un tour supplémentaire. Le bilan chiffré est éloquent: en l’espace de six rencontres, nous avons inscrit quatre buts et concédé treize. Il y a un an tout juste, nous étions parvenus à en scorer quatre au cours d’une seule et même confrontation, contre le Dynamo Kiev. Et nous en avions marqué dix au total face à aux Ukrainiens, à Manchester United ainsi qu’au PSV Eindhoven. Le contraste est frappant.

Pas traumatisé par le 1-5!

Le Sporting a malgré tout obtenu un nul contre l’AS Rome. Pourtant, à la mi-temps de cette joute et alors que le score était de 0-1 en votre faveur, on ne vous avait jamais vu aussi fâché sur vos joueurs?

Si Filip De Wilde n’avait pas fait preuve d’un keeping éblouissant, mes hommes s’en seraient retournés au vestiaire avec un passif de trois ou quatre goals… C’est contre le cours du jeu que nous menions à la mi-temps, tant certains, chez nous, avaient témoigné d’un laxisme coupable. En deuxième mi-temps, en dépit du goal égalisateur mérité, mes hommes se sont rachetés une conduite.

Une équipe qui réalise deux fois le partage face au champion d’Italie ne pouvait-elle réellement pas prétendre à davantage en Ligue des Champions?

Non, car ces deux matches-là ont tronqué la réalité. A l’aller, nous étions parvenus à maintenir le 0-0 à la marque mais Gabriel Batistuta avait omis d’exploiter deux ou trois opportunités franches. Au retour, nous avions en définitive bénéficié d’une même baraka puisqu’un coup franc d’Assunçao percuta l’équerre, tandis qu’un tir d’Antonio Cassano fut repoussé par le poteau. C’est beaucoup face à ce qui n’était, somme toute, qu’une équipe B.

Et Anderlecht a enduré la plus sévère défaite européenne de son histoire face à l’adversaire le plus faible de tous ceux rencontrés en Ligue des Champions pendant ces deux dernières années…

Je dirais plutôt le moins fort car il y avait quand même, dans les rangs moscovites, quelques éléments de très bon niveau comme Vladimir Maminov, Marat Izmailov et Ruslan Pimenov. Ce revers ne constitue toutefois pas ma plus grosse déception au cours de cette campagne européenne: à 1-3, les Sportingmen avaient jeté toutes leurs forces dans la bataille et il n’était pas vraiment surprenant qu’ils concèdent un quatrième et un cinquième buts. Ce que je trouve beaucoup plus regrettable, c’est que nous ne soyons pas parvenus, à domicile, à nous forger une seule occasion de but contre l’AS Rome. Pour moi, il s’agit là du match-étalon, puisqu’il en allait de notre sort dans cette poule qualificative, au moment où tout était encore possible et où chacun était animé de l’intention de faire le meilleur résultat possible. Ce soir-là, j’ai compris qu’il ne fallait plus attendre un exploit de mes joueurs, comme ce fut le cas en Ligue des Champions la saison passée.

Les arrières montent mais défendent moins bien

Le Sporting n’avait pas moins une belle carte à jouer dans l’optique d’un repêchage en Coupe de l’UEFA. Il suffisait, pour ce faire, qu’il réalise face à Moscou un meilleur résultat que le 1-1 au match aller.

Aruna Dindane et Oleg Iachtchouk n’avaient pas réussi à creuser l’écart et certains se sont plu à mettre de plus en plus résolument le nez à la fenêtre. Avec les conséquences fâcheuses que l’on sait. Le premier but était un accident. Il n’y a rien à redire, à son propos, dans la mesure où nous avions scoré d’une manière identique à Halmstad, par l’entremise de Besnik Hasi. En revanche, le deuxième était dur à avaler. Il est quand même impensable qu’un ballon passe deux fois devant le but sans que l’un des nôtres puisse intervenir. C’est la preuve que pas mal d’éléments n’étaient pas en position sur cette phase. Et ce fut plus flagrant encore en deuxième mi-temps. Mais là, tout le monde était évidemment obnubilé par le désir d’inverser la tendance.

Il n’empêche qu’après cette rencontre, vous avez quand même demandé aux joueurs s’ils avaient voulu vous saboter?

C’est ce que certains ont écrit, en effet. Mais je ne tiens pas à réagir à ce propos. Ce qui se dit dans l’intimité du vestiaire ne regarde que les joueurs et moi-même. Reste que je suis de plus en plus étonné par ce que je lis. A propos de ce prétendu épisode, notamment. Comme si les fautifs allaient lever leur doigt après une question pareille. Je ne suis quand même pas naïf à ce point…

Il savait qu’il allait souffrir

Vous avez dit qu’Anderlecht était à sa place en terminant dernier de son groupe en Ligue des Champions. Mais vous en doutiez-vous déjà au moment d’aborder cette épreuve?

Oui et non. Non, en ce sens qu’on ne peut pas prévoir comment certains s’adapteront, voire la gravité des bobos de tel ou tel joueur. Et là, j’ai été servi! Mais même sans ces données-là, je m’attendais à une saison très difficile, tant sur les plans européen que national. A l’intersaison, le club a perdu quatre éléments -Jan Koller, Tomasz Radzinski, Bart Goor et Didier Dheedene- qui avaient pris à leur compte, au cours de la défunte campagne, 60 des 88 buts inscrits en championnat et 14 sur les 22 marqués sur la scène continentale. Les deux tiers des buts réalisés par le RSCA étaient de leur ressort. Si on y ajoute le nombre de passes décisives, on arrive au constat effarant que le club s’est quasi privé de 70% de son potentiel offensif. Pas étonnant que le contraste soit énorme. Très tôt, j’ai dit qu’il était illusoire de prévoir la même issue qu’en 2000-2001. J’ai invariablement soutenu qu’Anderlecht devait tenter vaille que vaille de conserver ses meilleurs éléments. Je conçois que le club n’ait pas pu résister à une offre de plus d’un demi-milliard pour Koller. Mais pour les autres? Je regrette de ne pas avoir insisté davantage pour qu’on garde Radzinski, même si l’écart est énorme entre ce qu’il gagnait au Sporting et ce qu’il perçoit actuellement à Everton. Il est doté de qualités hors-normes. Sa vitesse nous avait permis de plier notre match à domicile contre la Lazio Rome. Pour Dheedene, sa grosse qualité était le coup de patte décisif, sur les phases arrêtées, comme lors du but de la délivrance contre le PSV Eindhoven au Parc Astrid. Et il y avait évidemment le jeu de tête et l’omniprésence de Koller, qui a laissé un vide énorme.

Il regrette les départs

Si le Sporting est aujourd’hui rentré dans le rang, c’est donc parce qu’il ne compte donc plus ces éléments susceptibles de lui apporter un plus…

Ces absences expliquent nos lacunes. Avec des joueurs de cette trempe, Anderlecht se trouverait aux toutes premières loges en championnat et serait toujours opérationnel sur le front européen. Combien de fois, dans le passé, l’équipe ne s’est-elle pas tirée d’affaire grâce à une trouvaille de l’un d’entre eux? Ce phénomène n’est d’ailleurs pas propre à nous uniquement. Ce n’est pas un hasard si notre récent match au Standard a été décidé par un footballeur aux capacités supérieures aux autres, Moreira.

Avec lui dans nos rangs, le résultat eût été tout bonnement inversé. Alin Stoica ou Walter Baseggio sont susceptibles, eux aussi, de faire pencher la balance en notre faveur. C’est exact, mais ces deux garçons n’ont pour ainsi dire jamais été opérationnels. Cette privation-là, jointe aux départs des meilleurs, n’est pas sans expliquer nos déboires. Si nous avions rencontré une formation du calibre de Porto au lieu d’Halmstad au dernier tour préliminaire, nous n’aurions jamais franchi cet écueil…

Investir dans Baseggio ou Stoica

Et pour la saison prochaine, le Roumain est loin d’avoir rempilé et que son compère clabecquois rêve de plus en plus du Calcio…

Le club doit absolument conserver au moins l’un d’entre eux. Il doit s’inspirer du Club Brugeois, qui a maintenu dans son effectif deux éléments des plus courtisés l’été passé: Gert Verheyen et Nzelo Lembi. Et comme par hasard, le Club est en tête. Ses dirigeants ont dû casser leur tirelire mais ils ne s’en plaindront sûrement pas à l’heure actuelle. Anderlecht doit offrir des contrats supérieurs et, pourquoi pas, leur garantir un avenir dans le cadre du club. Il faudra être créatif, en tout cas, sans quoi le Sporting perdra de plus en plus de terrain avec le top européen.

Ne faudrait-il pas, non plus, privilégier le qualitatif au quantitatif? Avec l’argent déboursé pour acheter et entretenir Ode Thompson, Ki-Hyen Seol et Gilles De Bilde, Anderlecht aurait quand même pu se payer un buteur digne de ce nom?

Au départ, les intentions étaient sûrement bonnes puisque j’ai suggéré, entre autres, les noms d’Ahmed Hossam, Moumoni Dagano et Nenad Jestrovic. La direction, de son côté, avait d’autres joueurs en tête, comme le Grec Michalis Konstantinou ou le Hollandais Jan Vennegoor of Hesselink. Mais dès l’instant où leur prix passa à trois cents millions, elle recula. En définitive, seul le passage du Mouscronnois s’est concrétisé. Mais comme il est apparu très vite qu’il était blessé, il a fallu parer au plus pressé en réalisant encore deux autres transferts: Ivica Mornar et Gilles De Bilde. Le premier s’est bien adapté mais n’est pas un buteur. Quant au deuxième, il cherche toujours la bonne carburation.

N’est-il pas incroyable qu’un tel club dépende tellement d’un attaquant qui a encore tout à prouver à ce niveau et de la bonne santé de ses deux joueurs créatifs dans l’entrejeu?

Il y a peut-être un déséquilibre à ce niveau, c’est vrai…

Bruno Govers

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire