Ambitions canon

Le Dalmate aurait cherché ailleurs si l’Excelsior ne visait pas haut.

A la fin du premier tour, pourtant, le CD de l’Excel était rayé. Hugo Broos n’avait pas trouvé le bon refrain tactique. A ce moment-là, quelques clubs tournèrent le regard vers le médian du Hainaut Occidental: Anderlecht, Roda, Casino Salzbourg, des clubs ayant bien plus de rayonnement international que celui du président Jean-Pierre Detremmerie.

Un transfert prestigieux aurait permis à Martic d’imiter les joueurs de sa génération du temps où il jouait à Hajduk Split: Mornar, Rapajic, etc. A cette époque, on en avait fait le nouvel Aliosa Asanovic du foot croate.

« Je ne crois pas qu’une carrière se résume à une liste de clubs », dit Martic « Le fait d’être bien dans un seul et même club, d’y progresser et d’atteindre de bons résultats est important aussi. Je n’ai pas nécessairement besoin de changer d’air pour me motiver. L’estime est importante. Je la perçois et je la vis à Mouscron. C’est décisif au moment d’un choix de vie et de carrière. Quand je jouais à Segesta, en Croatie, un seul club s’était intéressé à moi: Mouscron. Broos avait été tuyauté par Milan Ruzic, un ancien joueur de Gand et de Beringen qui a un restaurant à Split. Après cinq ans, j’ai constaté avec plaisir que mon crédit était encore entier ici ».

Anderlecht l’a suivi

Roda décrocha le premier et cela peut s’expliquer par les problèmes de Georges Leekens dans ce club. Aimé Anthuenis a suivi plusieurs fois le médian de Mouscron. Ses atouts: sa taille (1,88 m), son pied gauche, sa lecture du jeu, ses passes à distance qui sont tranchantes, sa mentalité toujours positive. Yves Vanderhaeghe et Nenad Jestrovic n’auront pas manqué de souligner ses mérites. Aimé Anthuenis avait cependant pas mal d’autres chats à fouetter.

Martic n’a pas attendu et opté pour la certitude. Il nota les conseils de son manager, Didier Frenay. Casino Salzbourg fit le forcing mais le choix du joueur était fait malgré les offres financières très intéressantes du coach des Autrichiens, Otto Baric.

« Avec Hugo Broos, cela a le mérite de ne pas traîner: il s’occupe aussi des contrats et sait ce qu’il peut offrir ou pas au joueur négociant avec lui », dit Martic.

Fin décembre, Mouscron était pourtant dans l’expectative. Les ambitions de chacun semblaient gelées.

« A partir de janvier, une vague d’optimisme a emporté tout le club vers le haut », affirme Tonci Martic. « Il y a eu un déclic qui a donné une autre dimension au groupe. Tout le monde avait besoin d’une période faste. Mouscron a parfois eu de la chance pour confirmer son renouveau mais la veine, ça se mérite, on la force. La différence est totale par rapport à un début de saison que je ne veux plus revivre: c’était catastrophique ».

L’Excel était raplapla mentalement et quand la tête ne suit pas, les plombs du moteur sautent. Martic fut blessé durant les cinq premiers matches du championnat. En réalité, Mouscron souffrait d’un mal chronique dans sa ligne médiane depuis le départ de deux joueurs importants dans ce secteur: Yves Vanderhaege et Stefaan Tanghe. Le premier avait son style aspirateur bien à lui, espèce d’ Attila de la ligne médiane qui ne laissait rien passer. Stefaan Tanghe mettait souvent une douzaine de buts et d’assists à son actif par saison. On ne remplace pas de tels apports du jour au lendemain. Mouscron a mis plus d’un an pour trouver de nouveaux équilibres. De nombreux joueurs furent testés dans cette zone: David Crv, Cleiton et Geoffrey Claeys. Ils y rendront encore des services mais le coulissement de Martic du flanc vers l’axe a été à la base d’un rééquilibrage global des Hurlus. A gauche, Christophe Grégoire trouva tout de suite ses marques.

« Je me sentais inutile »

« C’est une adaptation collective qui a fait toute la différence », précise-t-il. « Elle aurait pu se faire avec un autre que moi et j’en aurais tiré profit sur le flanc. Mais bon, cela me convient, c’est évident. A gauche, dans l’ancienne conception tactique, je ne touchais presque plus de balles, trois ou quatre sur tout un match. Je me sentais inutile. Je pense que d’autres joueurs de Mouscron vivaient la même chose que moi. L’équipe tournait un peu à vide et quand les résultats ne suivent pas, il y a vite des doutes et des moments de découragement. Nous avons tous gambergé. L’Excelsior ne maîtrisait pas bien du tout ce qui se passait sur le terrain. Nous étions souvent à la remorque des adversaires parce que la ligne médiane n’avait pas encore retrouvé tous ses automatismes. Elle ne définissait pas assez bien ses missions et pataugeait sérieusement entre l’offensif et le défensif ».

A la fin décembre, les Hurlus battent Bruges en championnat. Un pas important vers le renouveau est fait. En Espagne, début janvier, Mouscron prépare attentivement le deuxième tour du championnat. Mbo Mpenza est là et sa seule présence a un effet apaisant sur le groupe. Son calme et sa maturité décuplent la confiance de tout le monde. Au début de la saison, l’Excel était peut-être trop bien préparé sur le plan de la condition physique: l’équipe est au point dans toutes ses acquis athlétiques mais ne se libère pas.

A partir de décembre et surtout à la relance en janvier, c’est l’explosion. Le travail physique de Gil Vandenbrouck paye enfin, les Hurlus émergent régulièrement à la fin de leurs matches: la machine est en marche.

« Tout a changé et les Hurlus ont retrouvé le plaisir », avance Tonci Martic. « J’ai désormais le sentiment que notre groupe n’est plus très loin de Bruges, Genk et Anderlecht. Je sais que rien n’est plus fragile que la forme. Tout peut se déglinguer à cause de détails. Après la qualification pour la finale de la Coupe, j’ai craint une chute de régime. Trois jours à peine après le match retour de demi-finale à St-Trond, nous avons joué en championnat à Westerlo où ce n’est jamais facile. Mouscron a bien digéré les joies compréhensibles de la qualification avant de vite se concentrer sur Westerlo. Cette capacité de gérer le bonheur d’un grand moment est encourageante ».

Mouscron a la confirmation de sa qualification pour l’UEFA, même en cas de défaite en finale de la Coupe de Belgique à Bruxelles,… si Bruges termine premier ou deuxième du championnat.

« Nous ne pensons pas à tout ça », dit Martic. « C’est déjà cela de pris: cela s’explique par nos progrès. Mouscron ne doit rien à personne ».

Les armes pour surprendre Bruges

Le championnat se terminera le 5 mai. L’Excel se rendra alors à… Bruges, quatre jours avant la finale de la Coupe de Belgique. Bruges et Mouscron ne se quitteront plus. Une différence de taille: Mouscron pourra lever le pied en fin de saison, préserver ses accus alors que Bruges devra peut-être puiser dans ses derniers retranchements dans la lutte pour le titre. Enfin, les internationaux auront la Coupe du Monde en tête: n’est-ce pas un avantage pour les Hurlus qui comptent moins de Diables Rouges que Bruges?

« Non, c’est de la littérature », prétend Tonci Martic. « Quand on entame une finale, c’est pour la gagner. Un joueur ne pense à rien d’autre tant le désir de décrocher un trophée est grand. La proximité de la Coupe du Monde constitue même un petit avantage pour les Brugeois. Pour eux, ce sera l’occasion de convaicre Robert Waseige si c’était nécessaire. Chez nous, les frères Zewlakow et Mbo Mpenza iront plus que probablement en Asie aussi ».

L’Excelsior de Mouscron mise sur le vécu de son coach.

« Je ne savais pas qu’Hugo Broos avait déjà pris part à dix finales de Coupe de Belgique, que ce soit en tant que joueur ou que coach », avoue Tonci Martic. « C’est un atout et, d’autre part, Mouscron a les armes idéales pour surprendre Bruges. Nous avons de la taille, de l’engagement, de la hargne. Derrière, on a des tours et c’est important quand on sait que Bruges est toujours présent dans le trafic aérien. Trond Sollied joue en 4-3-3 et demande aux ailiers de ravitailler sans cesse Rune Lange en balles hautes. Mouscron sait boucler ses ailes. Bruges impose souvent sa puissance physique mais a des problèmes quand l’adversaire dispose de répondant. Et pour prendre la mesure de cette équipe, il faut neutraliser Gert Verheyen. Ce sera le job de Michal Zewlakow. Quand il s’occupe attentivement de quelqu’un, ce n’est pas rien ».

La finale de la Coupe de Belgique est évidemment au centre de toutes les conversations à Mouscron. Toute une région de mobilisera pour la circonstance. « Ce sera une récompense et un premier jalon », conclut Martic. « Après la finale, Mouscron se rapprochera encore des ténors de la D1: nous sommes capables de la faire et c’est aussi pour cela que je suis resté ».

Pierre Bilic, ,

Dia 1

« Nous avons tous gambergé »

« Après la finale, Mouscron se rapprochera encore des ténors de la D1 »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire