Ambition: jouer

Le médian droit de Sclessin a fameusement augmenté son crédit cette saison.

Avant de se rendre à Anderlecht, les Rouches ont réglé quelques dossiers intéressants: confirmation de la présence de Dominique D’Onofrio à la tête du staff technique la saison prochaine (avec une option pour une saison supplémentaire), présence dans le prochain effectif de Sambegou Bangoura et de Papy Kimoto même si Lokeren rechigne, prolongation du contrat d’ Ivica Dragutinovic et d’ Almami Moreira jusqu’en 2006, arrivée de José Riga comme adjoint de l’entraîneur.

Mais s’il y a une bonne nouvelle à épingler avant tout alors qu’approche doucement le terme de cette saison grise pour l’armada liégeoise, c’est la confirmation hebdomadaire du potentiel de Jonathan Walasiak. Sans tambours ni trompettes, le leader de la génération ’82 a pris du poids sur le flanc droit. Le rendement du Borain en a même fait une des pierres angulaires du Standard. Quand il ne peut être aligné, l’équipe de Dominique D’Onofrio perd ses équilibres.

En raison de malchance, il ne disputa qu’une grosse moitié des matches inscrits au programme jusqu’à présent mais a chaque fois surmonté les obstacles comme un champion olympique du 400 mètres haies. Rien n’a eu raison d’une volonté en fer forgé. En début de saison, il se blessa aux ligaments croisés du genou droit à Charleroi et Robert Waseige comprit tout de suite que cela aurait un gros impact sur la stabilité tactique de sa formation.

Un flanc droit différent du commun

« J’ai perdu trois mois dans cette aventure », dit Jonathan. « Le repos m’a permis d’éviter l’opération ».

Après, il reprend son pèlerinage vers les sommets du football belge. Sans faire de bruit, sans rien demander à personne, sans jamais hausser le ton de la voix. D’autres sont plus médiatiques mais le jeune médian du Standard place le sport au centre de son débat. Tout le monde se rend compte, petit à petit, que sa transformation tactique est intéressante, marquée de puissance et d’esprit de décision. L’ancien attaquant de pointe devient un flanc droit différent du commun mais de haut vol. Ses impulsions font de plus en plus mal. Il n’imite personne mais impose son style.

« Au départ, ce ne fut pas facile », avance-t-il. « Je devais contrôler mes élans offensifs et assumer aussi mon travail défensif. Si ce fut moins compliqué que prévu, je le dois à mes coaches mais aussi à mes équipiers. Je parle souvent de tactique avec JohanWalem, Fredrik Söderstöm ou Onder Turaci pour ne citer qu’eux. J’ai compris que mon avenir passait par là car il y a toujours beaucoup de concurrence en pointe au Standard de Liège. A droite, le ciel s’éclaire pour moi. J’y joue à ma façon. Je change mais personne ne m’empêche, au contraire, de mettre le nez à la fenêtre. En arrivant de la deuxième ligne, je peux m’appuyer sur Ole-Martin Aarst et Michaël Goossens. Les adversaires s’attendent alors, de ma part, à des réactions de médian. Cela peut être le cas mais j’ai gardé, aussi, mes réflexes et habitudes d’attaquant de pointe. Je les exploite quand c’est possible. Petit à petit, j’ai appris qu’il est aussi agréable de réussir un bel assist que de marquer un but. Je ne connaissais pas aussi bien ces joies quand je militais uniquement en pointe. Mon rôle est différent mais de plus en plus complet. Je ne me suis pas accroché dans ma tête rien qu’à mes habitudes d’attaquant. C’est une force si je complète par un bon jeu défensif. Cela peut passer par un placement adéquat mais aussi par des retours jusque dans mon propre rectangle. Je n’ai qu’une seule ambition: jouer. Peu importe le secteur dans lequel je peux rendre service à mon équipe. Jouer au Standard, c’est déjà le max’ pour un jeune footballeur. Je me suis adapté mais je sais aussi que mon avenir passe par une progression hebdomadaire ».

Puissant, il avait déjà attiré le regard de Chievo Vérone. A la demande de son papa, ses managers, Serge Trimpont et Daniel Striani, avaient repoussé cette éventualité. A la fin de la saison passée, il fut question d’un prêt à La Louvière mais l’affaire ne fut finalement pas conclue. Aurait-il vécu les mêmes aventures qu’Onder Turaci dans le Centre? Ou se serait-il perdu au Tivoli? Personne ne pourra jamais répondre à cette question mais une chose est évidente: ce jeune homme de 20 ans se sent bien dans sa peau à l’ombre des cheminées de Sclessin. Au début de la saison, Borussia Mönchengladbach le nota dans ses carnets de scouting. On dit que Lille en fit de même après La Louvière-Standard. Jonathan était entré dans ce match sur la pointe des pieds. Comme un voiture propulsée au diesel: il faut attendre que le moteur soit chaud avant de déclencher le turbo.

Après les 90 minutes de jeu, l’espion lillois avait probablement noté que Walasiak boucla son flanc, signa un assist (tête vers Aarst) et participa à la conception du deuxième but de ses couleurs. Un excellent bulletin qui devient une habitude hebdomadaire pour ce brave garçon au sourire permanent.

« Au départ, j’aime bien étudier, à ma façon, toutes les données d’une rencontre », dit-il. « Que fait l’adversaire? Comment place-t-il ses pions? Est-ce que je me positionne comme mon coach le désire? Où se situent les poins forts et les faiblesses dans la disposition tactique adverse? Je dois contrôler ma zone, prendre mes marques et quand c’est possible, je fonce ».

Confirmation permanente

Ce discours en dit long sur une maturité tactique de plus en plus évidente. Pourtant, en janvier, un pépin le contrarie sur son chemin vers les sommets. Dominique D’Onofrio organise un match entre la Première et la Réserve sur la pelouse enneigée de Sclessin. Le voyage prévu en soirée à Anderlecht a été remis pour cause de mauvais temps mais les jambes ne peuvent se rouiller. Au terme d’une collision avec un jeune, Jonathan reste au sol. Souffrant le martyre, il est emmené à l’hôpital et rapidement opéré à l’enveloppe d’un testicule. « Je n’ai jamais eu aussi mal de ma vie », se souvient-il. « J’ai perdu deux semaines ». Rien de plus, heureusement…

N’empêche la Faculté sauva le bijou de la famille rouche et trois bonnes semaines plus tard, Jonathan carburait à nouveau à plein régime. Lors de ces deux pépins, Jonathan Walasiak dut faire l’impasse avec regret sur ses rendez-vous avec l’équipe nationale Espoirs. Plus récemment, la grande promesse du Standard fut victime d’un accident de la circulation. Il avait rendu visite à ses parents à Tertre, dans le Borinage. Un automobiliste percuta l’arrière de sa voiture. Jonathan n’y était pour rien et se retrouva dans le décor.

« Nous étions deux dans le véhicule », raconte-t-il. « Heureusement, comme mon copain, je n’avais pas oublié d’attacher ma ceinture de sécurité. Sans cela, j’aurais pu être grièvement blessé. Malgrétout, j’ai été touché à la tête. J’avais desétourdissements et je suis resté une nuit en observation dans un hôpital de la région montoise ».

Le Hennuyer ne laissa pas abattre par cette troisième tuile de la saison. « Cette fois, j’espère que la malchance me lâchera les baskets », dit-il en riant. Après avoir gambergé, le Standard a trouvé ses marques. Pas assez pour coller au top mais suffisamment afin de couler la dalle de béton de la prochaine saison. Les jeunes assumeront un rôle important. Ils ont prouvé leur valeur sous la tunique rouge ou même du côté de Malines. L’attente sera alors plus importante à l’égard de Jonathan. Il le sait mais ne craint rien. Simple fantassin, sniper des rectangles adverses, Walasiak sera un « sous-off' » du Standard la saison prochaine. Puis, si tout va bien, le rôle de leader lui sera destiné.

« L’attention à mon égard sera plus intense que ce soit de la part du club, des supporters et des médias », pense-t-il. « Je suis prêt. Mais je connais le plus exigeant à mon propos: moi. Je sais que je ne peux pas faire du sur-place. La progression passe par une confirmation permanente. C’est mon job, je dois l’exercer du mieux que je peux. Mais je ne changerai pas: la seule vérité, c’est le terrain. On me trouve parfois timide. C’est faux, je suis réservé, c’est différent. Je sais ce que je veux mais on n’obtient rien sans rien et la patience est aussi une garantie de succès. Au Standard, on donne du temps au temps et je bénéficie d’une grande confiance de tous. Tout le monde me connaît. C’est du solide pour un début de carrière. Je suis chez moi à Sclessin. C’est important quand le plus dur reste à faire: accentuer la percée, bosser, garder les pieds sur terre. Il se passe quelque chose qui pourrait être fort. Les choses se mettent en place. J’ai envie de participer à ce renouveau car, au-delà du club, c’est aussi la chance de ma vie ».

Anthuenis le connaît

Tactiquement, techniquement, physiquement et mentalement, le jeune Standardman (20 ans) a franchi des paliers importants. Les temps ont changé. Les clubs ne jettent plus l’argent par les fenêtres, réduisent les masses salariales, redécouvrent les produits du terroir, accentuent leurs efforts en faveur de la formation. Cette régénération a des impacts jusqu’en équipe nationale. Thomas Buffel y a fait son trou avec d’autres mieux soutenus que Jonathan par les résultats de leur club respectif. Les médias du nord de notre pays se sont un peu éloignés du Standard. Pour leur lectorat, Jonathan Walasiak est encore un inconnu ou presque. Les choses changeront tôt ou tard. Mais cela n’a pas empêché Aimé Anthuenis d’avancer, entre autres, le nom de Jonathan Walasiak pour résoudre les problèmes de son flanc droit.

« Je ne veux pas précipiter les choses », avance-t-il. « En sport, le travail est toujours récompensé. Si je suis retenuun jour parmi les Diables Rouges, c’est que je le mérite. Je suis international Espoirs, on me connaît à l’Union Belge. Mais, même si cela n’a pas rigolé en Croatie, cela peut arriver, Gaëtan Englebert se débrouille bien dans ce secteur. Il y aencore Davy De Beule, Mbo Mpenza et bien d’autres pour s’installer à cette place ».

Jonathan Walasiak reste serein. Il laisse le brouhaha aux autres et relit ses notes comme le bon élève avant chaque examen. Pas de copion, rien que du sérieux. Fin avril, les Diables Rouges se mesureront en match amical à la Pologne au Stade Roi Baudouin. Ce serait très émouvant pour Jonathan d’être repris pour la première fois parmi les Diables Rouges afin de se mesurer aux internationaux du pays natal de ses grands-parents paternels.

Pierre Bilic

« Je connais le plus exigeant à mon propos: moi »

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