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Philippe Clement est-il prêt pour l’étranger?

Rester le roi en Belgique ou repartir de zéro à l’étranger? Proche d’un troisième titre de champion, Philippe Clement doit à présent faire un choix. Est-ce le moment de déployer ses ailes?

D’excellents résultats avec Waasland-Beveren, une finale de Coupe de Belgique puis un titre l’année suivante avec Genk, quinze points d’avance sur les autres avec Bruges la saison dernière au moment de l’arrêt du championnat et une nouvelle domination cette saison, en plus d’une finale de Coupe de Belgique. Mathématiquement, le titre peut encore échapper à Bruges, mais en principe, Philippe Clement (47 ans) devrait être sacré champion pour la troisième fois d’affilée. Le mérite n’en revient évidemment pas qu’à lui, car aujourd’hui, un coach dirige non seulement une équipe, mais aussi tout un staff. Alors qu’il lui reste un an de contrat, Clement a-t-il encore quelque chose à prouver en Belgique?

Pour un Belge, les Pays-Bas, c’est déjà un premier pas et c’est plus facile. »

Tom Saintfiet, sélectionneur de la Gambie

Actuellement, il ne faut pas lui poser la question. Il en a déjà parlé à son agent et lui a dit qu’il n’en reparlerait plus avant la fin de la saison. À ce moment seulement, il prendra place à table avec les dirigeants pour faire le bilan. Que veut-on de lui et quelles sont ses possibilités? Philippe Clement se plaît à Bruges. Son palmarès parle pour lui et on connaît ses ambitions. On sait aussi que c’est un bosseur. Joueur, déjà, il devait travailler plus que les autres pour s’imposer. Il poursuit sur la même voie en tant qu’entraîneur. Il est aussi polyvalent et sait travailler en équipe. Au cours des dernières années, à l’image de Michel Preud’homme, il a réuni autour de lui un staff de gens très compétents, auquel il sait déléguer. C’est ainsi qu’on travaille dans les grands clubs. Un agent actif à l’étranger nous fait remarquer que les grands clubs voient plus loin que les résultats des trois ou des six derniers mois: ils s’intéressent à la façon dont un entraîneur a obtenu le succès.

Quid de ses prédécesseurs

Pendant des années, la Belgique a compté très peu de joueurs à l’étranger. Et encore moins d’entraîneurs. Les joueurs de la génération dorée des années 80, finaliste à l’EURO 80 et demi-finaliste à la Coupe du monde 86, préféraient ne pas s’expatrier. Pour Erwin Vandenbergh et Philippe Desmet, Lille était déjà une destination exotique. Et ils n’avaient accepté d’y aller que parce que Georges Heylens y était entraîneur. Quelques joueurs ont aussi quitté le Standard et la Belgique après l’affaire de corruption. Les générations suivantes se sont montrées plus audacieuses.

Les entraîneurs belges à l’étranger n’ont jamais été très nombreux. Meeuws est parti en Turquie (où Urbain Braems avait fait office de pionnier, et où Georges Leekens, puis Hugo Broos ont travaillé plus tard), Preud’homme a rejoint Twente après être passé par le Standard et par Gand, mais c’est Eric Gerets qui a eu la plus belle carrière: Club Bruges, PSV, Kaiserslautern, Wolfsburg, Galatasaray et Olympique de Marseille. Il est d’ailleurs le seul Belge à avoir travaillé dans un grand championnat avec de vrais moyens à sa disposition. Mais c’était déjà il y a près de vingt ans et sa réputation de Diable rouge l’avait sans doute aidé. Ce sera peut-être un jour le cas pour Vincent Kompany, premier entraîneur d’une génération dorée qui a osé franchir le pas. Clement n’est pas comme ça.

Peut-il rêver de la France (où Ariël Jacobs a travaillé après son passage par Anderlecht) ou de l’Allemagne? Hugo Broos a toujours affirmé que le fait d’avoir été champion avec Bruges ou Anderlecht ne lui avait pas ouvert beaucoup de portes à l’étranger. « Philippe peut rêver d’un club de milieu de tableau dans un grand championnat, mais ne doit pas croire que le PSG ou Barcelone vont l’engager parce qu’il a été champion de Belgique. »

Pour un agent, c’est un dilemme. « Philippe a obtenu des résultats, il a fait progresser des joueurs et je crois que des clubs s’intéresseront à lui. Mais qui? Cologne, c’est fantastique. Metz ou Reims aussi, mais ces clubs ne jouent pas en Coupe d’Europe. Ils payent mieux, mais est-ce une raison pour quitter Bruges et une tribune comme la Ligue des Champions? »

Manque de chauvinisme

Sportivement, la Chine et le Moyen-Orient n’ont rien à offrir. Les clubs des grands championnats comptent-ils sur un entraîneur belge? Les agents en doutent: « En Belgique, on n’est pas assez chauvin. Nos clubs cherchent d’abord des entraîneurs à l’étranger. Et si ça ne va pas, ils prennent un Belge pour redresser la barre. Entre-temps, ils ont perdu du temps ou laissé filer des opportunités. »

Il a raison. En début de championnat, on comptait onze entraîneurs étrangers en Jupiler Pro League. Même si on pourrait considérer Karim Belhocine, Ivan Leko ou Hernán Losada comme des Belges d’adoption. Depuis, plusieurs d’entre eux ont été limogés ou ont démissionné. Dimanche dernier, ils étaient encore sept. Dont Mbaye Leye, qu’on ne doit plus non plus considérer comme un étranger. Philippe Montanier, Paul Clement et Kevin Muscat sont rentrés chez eux.

Les autres pays sont-ils aussi ouverts? Accueillent-ils aussi volontiers les entraîneurs étrangers? Après analyse des statistiques dans les grands championnats, on peut dire que ce n’est pas vraiment le cas. En Ligue 1, en on retrouve cinq entraîneurs étrangers sur vingt clubs. Dont l’Arménien Michel Der Zakarian (Montpellier), qui a grandi en France. Les autres sont des stars internationales comme Jorge Sampaoli (OM), Niko Kovac (Monaco) ou Mauricio Pochettino (PSG). Une exception toutefois: le Roumain Adrian Ursea, qui était adjoint et est devenu T1 à Nice.

En Italie , c’est encore pire: seuls trois entraîneurs étrangers y officient sur vingt clubs. Le Croate Ivan Juric (Hellas Vérone) a joué neuf ans en Serie A et le Serbe Sinisa Mihaljovic (Bologne), quatorze ans. On peut donc dire que ce sont quasi des Italiens. Seule exception: le Portugais Paulo Fonseca (AS Roma).

La Liga n’est pas très ouverte non plus: quinze entraîneurs sur vingt sont espagnols. Les autres ont tous déjà joué ( Diego Simeone sept ans, Ronald Koeman six ans, Zinédine Zidane cinq ans) ou entraîné en Espagne (le Betis est le troisième club espagnol de Manuel Pellegrini). Sauf l’Argentin Eduardo Coudet, qui a échoué comme joueur à Vigo, mais y est devenu entraîneur.

La Bundesliga emploie sept entraîneurs étrangers. Ou plutôt six, car le Grec Dimítrios Grammózis (Schalke) est né et a grandi en Allemagne. L’Américain Pellegrino Matarazzo (Stuttgart) vit en Allemagne depuis 2000, le Hongrois Pál Dárdai a joué au Hertha pendant quatorze ans et le Danois Bo Svensson a porté le maillot de Mayence pendant sept ans. Les petits nouveaux sont des germanophones (deux Autrichiens et un Suisse).

Le grand championnat le plus ouvert aux entraîneurs étrangers n’est autre que la Premier League, même si on y retrouve surtout des grands noms comme José Mourinho, Thomas Tuchel, Carlo Ancelotti, Jürgen Klopp ou Pep Guardiola. L’Écossais David Moyes ou le Nord-Irlandais Brendan Rodgers sont Britanniques. Les entraîneurs étrangers plus récents ont joué en Premier League ( Mikel Arteta, Ole Gunnar Solskjaer) ou ont été amenés par un agent puissant ( Nuno Espírito Santo à Wolverhampton). Le seul à s’être imposé sans être véritablement connu est Ralph Hasenhüttl (Southampton), qui a surfé sur la vague du succès de Leipzig.

Car ce club a la cote. Ça se voit aux Pays-Bas, où on dénombre quatre entraîneurs étrangers sur dix-huit (trois si on compte que le Monténégrin Zeljko Petrovic a joué douze ans chez nos voisins). Trois Allemands, dont deux ( Roger Schmidt du PSV et Thomas Letsch de Vitesse) sont passés par Leipzig. Le troisième, Frank Wormuth (Heracles) a travaillé pendant dix ans à la fédération allemande.

Plus bas dans la hiérarchie des championnats, on retrouve la Grèce, la Turquie et le Portugal. Au Portugal, seuls deux entraîneurs sur 18 sont étrangers (des Espagnols). En Turquie, c’est deux sur 21 (un Italien et le Portugais Ricardo Sá Pinto). En Grèce, par contre, six des quatorze entraîneurs sont étrangers. Parmi eux, László Bölöni. Philippe Clement, qui a joué à Coventry, pourrait aussi opter pour la D2 anglaise. Six des 24 entraîneurs y sont étrangers et n’avaient pas de background dans le pays. Mais a-t-il vraiment envie de quitter Bruges pour aller jouer un vendredi soir à Preston North End?

Philippe Clement est-il prêt pour l'étranger?
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Les Pays-Bas, l’évolution naturelle?

Tom Saintfiet, qui vient de réussir l’exploit de qualifier pour la première fois la Gambie pour la phase finale de la Coupe d’Afrique des Nations et a travaillé dans de nombreux pays, voit une opportunité. « Décrocher un nouveau titre, faire progresser des joueurs et réussir quelque chose en Ligue des Champions, c’est déjà très bien, tant pour Bruges que pour Philippe. S’il est prêt pour cela, pourquoi pas? »

Sainfiet pense aussi aux Pays-Bas. « Gerets est passé de Bruges au PSV. Pour beaucoup d’observateurs, c’est déjà une évolution. Le PSV a ouvert des portes à Phillip Cocu, l’Ajax a aidé Frank de Boer. Ce dernier a échoué partout, mais il continue à recevoir des propositions. Peut-être Clement doit-il aller au PSV, où Roger Schmidt ne convainc pas à 100%. Pour un Belge, les Pays-Bas, c’est déjà un premier pas et c’est plus facile. Le plus difficile, c’est de s’adapter à la culture. On se dit que le métier est le même partout, mais ce n’est pas vrai. Tenter de jouer le titre aux Pays-Bas, ce serait déjà un pas en avant. »

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