Ambitieux à faire peur

Les Campinois ont tiré les leçons du passé et veulent redevenir la terreur des Grands.

A perte de vue, des pinèdes offrent une ombre bienvenue aux nombreux marcheurs et cyclistes. Lommel ne compte que 38.000 habitants mais elle est une des communes les plus vastes de Belgique. Elle peut se flatter de posséder un cadre naturel exceptionnel. Non loin du stade se dresse un complexe polyvalent, qui peut accueillir huit mille personnes, pour des événements culturels ou sportifs. La Ville a également remboursé au club les rénovations que celui-ci a réalisées au fil des saisons, pour un montant de vingt-cinq millions, puisqu’elle est propriétaire du stade.

Le stade ne dépare pas dans l’écrin de verdure. Lommel est un club familial et chaleureux, un club sans problèmes. Entre les deux entraînements, les joueurs se promènent dans les couloirs, se mêlent aux supporters en quête d’un abonnement, interpellent le manager.

Sis à une vingtaine de kilomètres du PSV Eindhoven, le club est loin de tout. Son rayon de recrutement des supporters est diminué. Gaston Peeters, le secrétaire général et manager de Lommel, le confirme : « Les Lommelois sont travailleurs, parfois fanatiques, comme les Trudonnaires. Parfois plus agressifs, plus tranchants. En fait, à Lommel, on est calme ou virulent, sans guère de milieu. Je compte sur l’enthousiasme des supporters. Ils vont devoir réapprendre à perdre! Toutefois, même si les habitués attendront, comme d’habitude, la dernière minute, je remarque des nouvelles têtes parmi ceux qui demandent un abonnement. Nous n’en vendrons pas beaucoup car les Lommelois préfèrent acheter leurs billets au fur-et-à-mesure ».

Le retour de Lommel en D1 est synonyme de quelques matches palpitants. A domicile, face aux Grands, il se sublime traditionnellement. Par contre, ils boudent un peu les autres rencontres… comme leur équipe, fâcheusement démotivée face aux adversaires moins cotés.

« Nous avons changé », précise Harm Van Veldhoven (38 ans), l’entraîneur. « Déjà la saison dernière, nous n’avons perdu que deux rencontres, et c’était face à des ténors de D2, Turnhout et Roulers. Si nous nous sublimerons toujours dans les affiches, nous serons vigilants chaque semaine. Nous devons faire peur à tout le monde, pas seulement aux trois grands clubs. C’est une question de motivation. Je suis ambitieux. Je veux transmettre au groupe ma rage de vaincre. J’insiste beaucoup là-dessus. Je suis ouvert, j’attache beaucoup d’importance à la communication car l’aspect psychologique joue un grand rôle mais j’attends aussi quelque chose des joueurs. Ils savent ce que je veux. Je ne suis pas partisan des entraînements punitifs mais disons que ce sont les joueurs qui décident s’ils méritent leur place. Lorsqu’on est écarté, on peut le rester très longtemps ».

Le club est redevenu l’ambassadeur de sa bourgade. Lommel n’a pas vécu sa saison en D2 comme une catastrophe mais plutôt comme l’occasion de tirer un trait sur quelques années d’errance et de repartir du bon pied. Si l’année 2000 lui a été fatale, son déclin remonte à 1997. Cette saison allait être ponctuée d’une Coupe Intertoto mais elle constituait aussi le début de la fin.

Le club, modeste, était frappé de plein fouet par les suites de l’arrêt Bosman. Sept joueurs le quittèrent, libres: Vandervee, Schops, Scavone, Van Mol, De Condé, Hendrikx et Janssen. Ensuite, le solide Cannaerts partit aussi. Lommel rata ses transferts et s’enlisa sans parvenir à trouver de buteur prolifique, à moins que les attaquants ne soient simplement mal servis.

Harm Van Veldhoven: « J’ai senti Lommel s’enfoncer dans un cercle vicieux, dont nous n’avons émergé qu’il y a deux ans. Alors que nous luttions contre la relégation, j’ai été animé d’un sentiment positif. J’ai progressivement expurgé le noyau des éléments qui ne convenaient pas pour rebâtir une équipe équilibrée ».

Le cas de Louis Gomis est significatif : malheureux et improductif à Lommel, il s’est épanoui au FC Nuremberg, en deuxième Bundesliga. Van Veldhoven l’a revu à la finale de la Coupe de Belgique: « Ce garçon ne manquait pas de qualités mais il avait besoin d’être servi sur les ailes. Or, nous n’en avions pas. Il est arrivé à Lommel au mauvais moment. Ensuite, il a été la cible des critiques. Mieux valait qu’il parte. Toutefois, toutes les parties ont tiré les leçons de cet échec ».

Grand et puissant, Cannaerts montait sur son flanc, il marquait et pesait sur la défense adverse. Culek et Baranyos marquent toutefois régulièrement, à partir de la deuxième ligne. Désormais, le danger surgit de partout, même si Tankary est le meilleur buteur de Lommel.

Van Veldhoven: « Nous avons un groupe solide, complété par des transferts soigneusement choisis. Le temps des à-peu près est révolu. Je dis à Gaston Peeters ce que je veux et à quelle position. Nous sommes sur la même longueur d’ondes. Nous avons voulu conserver le noyau. Seul Zouaoui est parti mais de toute façon, il n’était pas titulaire. Chaque saison, nous allons retoucher le groupe, pour l’améliorer. Les joueurs se sont bien ressaisis, dès le début de la saison dernière. Culek peut constituer mon relais sur le terrain. Il est susceptible de devenir déterminant pour l’équilibre de l’équipe. Les joueurs que nous avons acquis sont aussi costauds physiquement, ce qui était nécessaire. Nous avons encaissé trop de buts sur les phases arrêtées dans le passé ».

Baranyos, qui s’est érigé en meneur, pourrait quitter Lommel. Son contrat y prend fin dans un an. Il quittera alors le club librement. « Depuis l’arrêt Bosman, les clubs sont souvent obligés de monnayer un joueur mais nous devons discuter avec lui cette semaine. Son départ n’est pas entériné. Nous ne le lâcherons que si nous recevons une très bonne offre », précise Gaston Peeters. « S’il partait, Lommel est déjà en contact avec Dimitri De Condé ».

Harm Van Veldhoven veut être fixé cette semaine : « Je connais Dimitri pour avoir joué avec lui. Il est de la région et n’a que 26 ans. Mais je ne veux pas que les choses traînent, même si en fait, il ne s’agirait que de remplacer une pièce précise du puzzle par une autre, sans bouleverser l’ensemble ».

Lommel est décidé à poursuivre sur l’élan de sa saison victorieuse. Son entraîneur ne modifiera pas son style et ne craint pas de suivre les traces de Malines. « Nous devons exercer notre pression vers l’avant. Nous sommes plus équilibrés que Malines. Nous perdrons évidemment plus souvent que l’année dernière mais la rage de vaincre doit devenir notre label ».

La finale de la Coupe a toutefois révélé des lacunes qui rappellent furieusement les manquements du passé: dans une piètre finale, Lommel a manqué de créativité et de sang-froid dans le rectangle adverse. « Nous étions privés de Tankary. Enlevez leur meilleur buteur à n’importe quelle équipe et son rendement en pâtira. La présence de Tankary facilite le travail de toute l’équipe, indépendamment de son sens du but. En seconde mi-temps, nous avons pressé Westerlo mais sans procéder par les ailes. Nous étions trop prévisibles ».

La vitesse d’exécution ne devrait pas causer problème à Lommel. « D’autant que la plupart de nos joueurs connaissent la D1. Nos matches de Coupe ont d’ailleurs montré qu’ils n’avaient pas perdu leur rythme. Il faudra simplement rééditer ces performances chaque semaine ». Gaston Peeters prousuit: « Nous avons livré six matches face à des formations de D1. Nous n’avons perdu que la finale, sans démériter. C’est une preuve de maturité. L’UEFA n’aurait pas grevé notre saison. Nous n’aurions pas adapté notre gestion à la Coupe d’Europe. Elle aurait constitué un plus intéressant, financièrement et sportivement. Notre campagne Intertoto nous avait rapporté quelques millions, il y a trois ans. La campagne de Coupe ne nous a pas non plus soumis à un stress supplémentaire. Nous devons continuer à aborder chaque obstacle en temps utile, pour terminer aux alentours de la dixième place. Avec un brin de chance, nous serons huitièmes. Dans le cas contraire, douzièmes ».

Depuis l’arrivée de Gaston Peeters, qui entame sa quatrième saison, un vent nouveau souffle sur Lommel. Il a parfois eu des allures de tempête, puisqu’une nouvelle direction a été mise en place. Le manager a lui-même joué, en P1 et en Promotion. Il a travaillé dans le secteur bancaire mais s’est toujours passionné pour le football: supoporter de Bruges pendant vingt ans, il a été président de Kermt et de Diest, en D3. C’est ainsi qu’il a amené Lei Clijsters à Lommel. « A un mauvais moment, malheureusement, puisque son épouse était gravement malade ».

Gaston Peeters est professionnel depuis trois ans. « Mon boulot n’a pas changé, seuls les montants sont différents. J’ai gardé de mes activités aux échelons inférieurs une bonne connaissance de ces séries et des talents qu’elles recèlent ».

Avec un budget de 150 millions, Lommel ne peut prétendre à des transferts ronflants. « En football, on n’est jamais maître de tous les paramètres. Nous avons dû consentir des efforts pour enrôler Filipovic, qui était suivi par d’autres clubs, Brnjic et Hoefkens, mais ils élèvent le niveau de l’équipe et plus tard, nous pourrons réaliser une plus-value en les retransférant. C’est moi qui ai amené Simons. J’avais prédit qu’il deviendrait international. J’ai gagné beaucoup de bouteilles de champagne… Nous devons être plus créatifs. Je visionne moi-même les joueurs avant de les transférer. Je cherche à l’étranger et en Belgique de la D1 à la D3. Il s’agit de les repérer avant les autres. Je ne vais pas visionner le Sparta Prague: il est trop cher. Non, je m’intéresserai à Maconia, qui lutte contre la relégation. Nous n’avons pas besoin de vedettes, nous devons les fabriquer! »

Gaston Peeters s’occupe également de l’aspect commercial. Le merchandising a connu un franc succès la saison passée. A l’occasion de la finale de la Coupe, 5.000 mille supporters ont reçu une vareuse verte. Gaston Peeters espère voir les tribunes verdir dès la reprise du championnat. « Nous devons profiter des bons résultats pour recréer un esprit de club, une dynamique. Nous avons aussi lancé un Kids Club. Les enfants reçoivent quelques cadeaux et peuvent assister aux matches d’un endroit tranquille, sûr et sous la surveillance d’adultes. Nous espérons que Lommel devienne leur club pour la vie ».

Le succès a également attiré des hommes d’affaires, dont certains gravitaient déjà autour du Racing Genk. « J’ai pris le risque de consentir un gros effort l’an dernier pour remonter directement afin de ne pas grever la professionnalisation du club. Beaucoup de gens de Genk reviennent voir Lommel. Certains sont présents dans les deux clubs. La renaissance de Genk ne nous causerait pas de problèmes. Elle ferait vibrer la région, même si, évidemment, Genk en profiterait davantage que nous. Mais s’il renaît, nous vivrons des derbies fantastiques » .

Pascale Piérard

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