Allumer le jeu

Le dribbleur liégeois devra flamber chez les Mauves pour réaliser ses ambitions : le titre, le Soulier d’Or et un grand transfert.

Depuis qu’il porte le maillot du Standard, Milan Jovanovic a acquis une autre dimension. Le gaucher serbe est suivi par de grands clubs européens à l’occasion de chacune de ses sorties. La semaine passée, il a revêtu deux fois le maillot de son équipe nationale à Belgrade, face à la Pologne et au Kazakhstan. Sa performance face aux enfants de Varsovie (2-2) fut particulièrement intéressante car il domina parfaitement son sujet sur la gauche de l’attaquant de pointe, Nikola Zigic. La presse serbe l’a désigné meilleur joueur de la rencontre. Après cela, il resta au jeu durant une heure, samedi, contre les cavaliers des steppes kazakhs (1-0). L’express Jova a retrouvé le rythme et la forme au bon moment, juste avant le périlleux voyage à Anderlecht. L’homme adore ce genre de rendez-vous mais son discours ambitieux est désormais plus fouillé qu’il y a quelques mois. Il n’en sera que plus dangereux pour toute l’arrière-garde bruxelloise.

A Anderlecht, ce sera l’occasion pour vous et les Diables Rouges liégeois et bruxellois, d’oublier les déceptions de cette campagne de qualification pour l’Euro 2008…

Milan Jovanovic : Il aurait été plus agréable, évidemment, d’avoir le billet pour la Suisse et l’Autriche en poche. Mais si je suis déçu, je ne suis pas du tout envahi par un quelconque sentiment de découragement ou de dépression. La défaite fait partie intégrante du sport. Sans intégrer positivement la possibilité de perdre, le succès n’a pas même le même goût. Je joue toujours pour gagner mais quand l’imprévu se produit, il faut aussi en tirer des conclusions et des sources de motivation. La Serbie a raté une qualification mais elle a probablement mis sur rail une future grande équipe nationale. La relève de la garde est assurée et les jeunes ont du talent. Moi, c’est d’abord cela que je retiens. Cette élimination ne constitue pas du tout une catastrophe. A la place des Diables Rouges, je tiendrais le même raisonnement. Maintenant, ce qui compte, c’est déjà la prochaine Coupe du Monde.

 » Ma blessure m’a cloué sur place « 

Votre équipe nationale vous a retenu plus longtemps que prévu : était-ce gênant en vue de la préparation pour Anderlecht-Standard ?

Non, pas du tout. Le match contre le Kazakhstan a été déplacé suite à des chutes de neige. A un moment, il a été envisagé de ne pas le disputer mais cette éventualité a été abandonnée car le ranking international d’un pays est trop important. C’est pour cela que cette rencontre a eu lieu samedi même si la Serbie était éliminée depuis quelques jours. Je me suis très bien entraîné tous les jours avec mon équipe nationale. Je suis un professionnel et je sais ce que je dois faire. Je n’aurais pas de problèmes de rythme ou de sensation. Je n’aurai finalement raté qu’un entraînement ou deux à Sclessin par rapport aux autres internationaux du Standard. Il y a aussi le match de Coupe de Belgique auquel j’aurais participé avec joie. Au lieu de cela, j’avais un match international à mon programme. Je suis bien dans le coup et très motivé à l’idée de jouer à Anderlecht.

Dommage cette blessure qui vous a écarté des terrains durant plusieurs semaines…

C’était râlant car elle m’a cloué sur place alors que je détenais la grande forme. J’étais fortement gêné au niveau de l’aine et des adducteurs. J’éprouvais même de la peine à marcher, à parcourir quelques mètres. J’étais inquiet car je n’avais jamais eu ce genre de pépins. Les médecins ont cherché, procédé par élimination des causes possibles de ce problème. Ils en sont finalement venus à la conclusion que tout cela était dû à un nerf récalcitrant et enflammé. Je dois remercier notamment le staff médical du Standard car ce fut le bon diagnostic. Mentalement, cet arrêt ne fut pas facile à vivre. Tout est tellement fragile en football : rose un jour, moins drôle un peu plus tard sans qu’on sache nécessairement pourquoi. Sans cette blessure, je serais plus loin. J’aurais inscrit plus de buts et…

Et le prochain Soulier d’Or serait déjà dans la poche ?

Je crois qu’on a une perception incomplète de mon caractère et de mon apport dans un collectif. Un Soulier d’Or ne se refuse pas mais c’est sur le terrain qu’il se gagne. On ne le mérite pas avec des paroles. Ma blessure peut me coûter des points décisifs mais si je suis parmi les favoris, ce sera bien. On verra s’il y a plus. Pour moi, une telle récompense est de toute façon un succès de groupe. On ne gagne rien tout seul : pas un match, pas un championnat, pas un Soulier d’Or. J’aimerais aussi qu’on apprécie mon travail collectif. Il m’arrive souvent de me consacrer totalement au job collectif. Cela doit se faire et je ne rechigne pas car je sais qu’un succès peut aussi passer par là. Or, quand je ne signe pas un exploit tout seul, on sous-estime ma performance. C’est comme si j’étais condamné, pour plaire, à passer où personne ne peut le faire. Je suis plus complet que cela.

Oui, mais vos solos font votre force…

C’est trop réducteur, il n’y a pas que cela.

Pourtant, c’est ce qu’on attendra dans votre chef à Anderlecht, non ?

C’est normal, mais si l’adversaire ne se méfie que de cela, je peux le surprendre autrement. Comment ? Pas de commentaires…

J’en reviens au Soulier d’Or : c’est à Anderlecht que vous allez le gagner ou le perdre. Y penserez-vous quand même ?

Pas du tout.

Est-ce le vrai Jova qui me parle ?

Vrai de vrai. Il y a une chose qui m’intéressera à Anderlecht.

 » J’ai refusé de grosses pointures pour gagner le titre « 

Le Soulier d’Or ?

Non, une victoire du Standard. C’est de loin le plus important. Mes objectifs sont simples. Dans l’ordre, je vise le titre, un succès à Anderlecht et éventuellement le Soulier d’Or. Le titre, ça… c’est important car tout le club en rêve. J’ai refusé de grosses pointures (PSG, PSV, etc.) car je veux aider le Standard à retrouver les grands succès de son passé. Le titre, c’est ce qui m’intéresse le plus. Et on ne le gagnera pas ou on ne le perdra pas à Anderlecht. Un championnat, c’est un marathon. On ne l’emporte pas sur un sprint, même s’il a lieu à Anderlecht. Les grandes affiches m’inspirent. Je suis toujours motivé et au point contre Anderlecht, Bruges, en équipe nationale. Mais, pour moi comme pour tous les footballeurs, il faut aussi l’être face aux équipes plus modestes. Tout se joue contre les petits car il est plus difficile de se dépasser, de se faire mal.

Donc, si les grands matches vous conviennent, Jova mettra le feu à Anderlecht ?

Vous ne m’avez pas bien compris : c’est le Standard qui doit bien négocier ce match, pas seulement Jova. Si le Standard gagne, je gagne. On a des atouts importants.

Anderlecht aussi…

Je ne prétendrai jamais le contraire.

Les Mauves doivent gagner pour sortir de la crise. A votre avis, quel jeu proposeront-ils ?

Je ne m’avancerai pas sur ce terrain. Je laisse cela à Anderlecht, à l’analyse de notre entraîneur et de son staff technique. A la presse aussi. Qu’en pensez-vous ?

Ils se méfieront de votre potentiel offensif, donc de vous.

Possible.

Mais cette force a eu des visages différents. Préférez-vous jouer avec deux attaquants de pointe ou via une formule à trois avec De Camargo en décrochage ?

Tout me va.

Vous avez besoin d’espace…

Oui, mais je ne suis pas le seul dans ce cas. Le Standard peut varier son répertoire, exploiter la vitesse, la technique, la taille, le jeu court ou long. Ce sont des atouts complémentaires que peu d’équipes possèdent. Nous avons bien joué dans toutes les formules choisies. Je prends un exemple : à Mouscron, le Standard a écrasé cet adversaire devant son but. Ce fut un grand match mais la réalisation a fait défaut. Ce n’était pas dû au système mais à l’alchimie d’un match, à la malchance. La presse a critiqué une variante tactique alors que ce fut un très bon match.

On vous a parfois vu très énervé sur le banc après un remplacement. Une bouteille vola…

Holà, j’ai quand même le droit d’être déçu de moi ou pour moi. Mais je vous mets au défi de trouver une critique à l’égard d’un équipier ou de mon coach. Quand je joue mal, je suis fâché et cela sort : je m’en veux. Quand je râle, c’est parce que je sais qu’on peut marquer jusqu’à la dernière seconde. Alors quand on vous descend à 20 minutes de la fin… Il ne faut pas chercher plus loin. Certains ont peut-être interprété mais ils ont tout faux.

Le nom de votre entraîneur a circulé en équipe nationale et à Anderlecht…

Je ne sais pas. Moi, je peux vous dire qu’il signe un travail de grande classe au Standard. Je ne prédis pas l’avenir.

Est-il important de se rendre à Anderlecht en étant invaincu ?

Oui, c’est un plus.

 » Une saison n’est pas une promenade de santé « 

Pourquoi ?

Cela constitue indiscutablement une preuve de sérieux et de stabilités dans tous les secteurs. Une saison n’est pas une promenade de santé. On peut être secoué et subir des orages. Quand c’est arrivé, l’équipe n’a jamais coulé à pic et a toujours gardé quelque chose, une partie de l’enjeu. Quand on n’a pas encore été battu à un stade aussi avancé du championnat, cela veut dire quelque chose à propos du travail et des valeurs de cet effectif. Il ne faut pas oublier que le rajeunissement est très important.

Ces jeunes, justement, passeront aussi un examen de maturité à Anderlecht…

Je ne me fais pas trop de soucis pour eux.

Vraiment ?

Je les vois au quotidien à l’Académie Robert Louis-Dreyfus. Leur outil de travail est unique. Le Standard est en avance sur son temps. Personne n’a cela en Belgique et c’est le top européen en matière de centre d’entraînement. C’est idéal pour que nos jeunes travaillent, se concentrent. Ce club a fait des choix et quand on voit le potentiel des jeunes, c’est prometteur. Ils ont déjà du métier, jouent en équipe nationale. Ils constituent une richesse, l’avenir du club et de l’équipe nationale. Ce sont des atouts supplémentaires en fonction d’un match comme celui qui nous attend à Anderlecht. Les Bruxellois possèdent peut-être plus de vécu. Pour le reste, nos forces et acquis sont très importants. Je ne redoute pas ce match, je l’attends avec confiance.

Mais, pour vous personnellement, c’est maintenant ou jamais et, cette fois, je ne pense pas au titre ou au Soulier d’Or ?

A quoi alors ?

A un transfert durant le mercato d’hiver…

Evidemment…

 » Je dois penser à mon avenir « 

Evidemment, vous serez suivi à Anderlecht par pas mal de clubs ?

Oui, mais je ne serai pas le seul. Je sais qu’il y a de l’intérêt. Mais cela ne date pas d’aujourd’hui. On verra. Je ne peux pas me définir avant que ces rumeurs ne deviennent du concret. Je l’ai toujours dit : j’espère évoluer un jour dans un grand club. Mais il faut que cela arrange tout le monde, que ce soit en hiver ou en été. Je sais ce que je dois au Standard. Ce club m’a tout donné et je m’efforce de lui rendre la pareille. Je dois penser à mon avenir. J’ai une famille. Si des offres très intéressantes me parviennent en décembre, je les étudierai forcément. Cela ne signifie pas que je partirai mais gérer une carrière n’est pas facile. Avant ma blessure, on me téléphonait tous les jours. Il a suffi d’un petit arrêt pour que cet intérêt baisse. Je ne crois que je laisserai passer une deuxième fois la chance de signer au top européen. Je suis resté parce que j’adore ce club et cette ville. Mais je dois aussi penser à moi.

Comment sentez-vous Anderlecht-Standard ? Peut-on s’attendre à un grand match au sommet ?

J’en suis totalement convaincu. Ce ne sera pas un match fermé. Je n’ai jamais compris la perception assez négative que les Belges ont de leur D1. Je vois et je vis beaucoup de bons matches. Sur un plan tactique, c’est très serré. Ici, j’ai appris à me replier quand c’était nécessaire. Quand on trouve sa place en D1, on peut faire son trou dans d’autres pays.

Un pronostic ?

Non, personne ne peut prévoir la conclusion d’un tel match. Mais les ingrédients sont là pour que ce soit une fête du football. J’ajouterai simplement que le Standard est paré pour vivre cela.

par pierre bilic – photos : reporters

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