Allez, shootez jeunesse!

Le nombre de jeunes footballeurs ne cesse de diminuer en Belgique…

Dans quelques jours, l’Union Belge disposera des statistiques exactes concernant le nombre de sportifs actifs qu’elle regroupe actuellement en son sein. Des chiffres qui sont attendus avec impatience voire un brin d’angoisse. Car ces derniers temps, le nombre de pratiquants du ballon rond fond lentement mais sûrement. En 1992, il y avait 430.000 footballeurs en nos contrées, toutes catégories confondues. En mars 2000, ils n’étaient plus que 417.462, soit une perte inquiétante de 13.000 unités.

C’est d’autant plus inquiétant que d’autres fédérations du pays ont vu leur nombre d’affiliés augmenter régulièrement. C’est le cas principalement des sports en salle et c’est assez compréhensible lorsque l’on voit sur quels terrains de foot les jeunes doivent s’entraîner ou disputer des matches de compétition, le sud du pays étant moins gâté que le nord en ce sens. Les autorités communales interviennent le plus souvent pour tenter de garder les pelouses en l’état mais leur contribution est dérisoire en comparaison, par exemple, avec les subsidiations des municipalités françaises.

Sur le même laps de temps 1992-2000, le nombre de joueurs affiliés à la fédération de basket a grimpé de 76.312 à 93.797. Comment expliquer cela? « Chaque année depuis environ trente ans, nous enregistrons une augmentation de nos effectifs », dit Koen Umans, secrétaire général de la fédération. « En 1972, nous avions 43.420 adhérents. Nous en avons plus du double aujourd’hui ». Il y a une augmentation naturelle de jeunes attirés par un sport qui se joue en salle et qui ne demande pas d’installations sophistiquées. Et puis, c’est une activité sportive qui attire de plus en plus les filles : en trente ans le nombre de basketteuses a été multiplié par cinq.

En Belgique, on ne fait pas grand-chose pour les filles qui aiment shooter dans un ballon, ni à l’UB ni dans les médias. Le foot féminin est pourtant devenu un spectacle lorsqu’il est pratiqué au plus haut niveau. Et puis, en basket, les grands événements déclenchent plus de vocations chez les jeunes qu’en foot.

En 1992, les affiliations de jeunes ont augmenté de 9,6 % à la fédération belge de basket, dont la plupart avaient été séduits par le Dream Team américain aux JO de Barcelone. Manifestement, les Zidane ou autres Figo n’ont pas le même effet dans l’imagination des jeunes belges, sans parler de nos Diables Rouges ou le Sporting d’Anderlecht.

Ce qui est particulièrement inquiétant dans la baisse régulière du nombre d’affiliés actifs à l’Union Belge de foot, c’est que le nombre de sportifs adultes y reste pratiquement constant depuis de nombreuses années. C’est donc forcément le nombre de jeunes joueurs qui est en diminution.

Avenue Houba, on ne reste pas les bras croisés. Les 367 millions de bénéfices générés par l’EURO 2000 seront, on le sait, intégralement investis dans la politique de jeunes et dans le centre de formation qui devrait être érigé à Tubize, le Centre EURO 2000. Inquiet de ces statistiques navrantes, Alain Courtois a diligenté des enquêtes pour connaître les raisons du désintérêt relatif des jeunes pour le ballon rond.

Il est évident que le prix des inscriptions annuelles, qui a flambé depuis l’arrêt Bosman, y est pour quelque chose. Les clubs de D1 demandent entre 3.000 et 10.000 francs belges par saison. Un seul club, Lokeren, offre une réduction pour le deuxième enfant d’une même famille. Une somme qui n’est pas si dérisoire que cela pour les familles modestes car pas mal de frais viennent s’y ajouter (déplacements, assurances complémentaires, etc).

L’arrêt Bosman a eu des répercussions néfastes sur le budget des clubs qui ne pouvaient plus être alimentés par des transferts juteux de joueurs en fin de contrat. La tendance devrait se poursuivre suite à la réforme du système des transferts de joueurs encore sous contrat que la Commission européenne a imposée à la FIFA. Parmi l’élite, un tiers des clubs a abandonné les sections jeunes en Provinciales et la moitié n’a plus de section régionale. Seules les sections nationales, les plus fortes, sont encore considérées comme rentables. Le rôle social que les clubs sont censés jouer n’est en ce sens plus assumé par les clubs de D1. S’il y a un petit club dans les environs, le jeune moins doué peut assouvir sa passion du ballon rond même s’il sait que sa carrière n’atteindra normalement pas les sommets. Ceux qui n’ont pas cette chance se tourneront éventuellement vers un autre sport s’ils trouvent un club dans leur environnement immédiat.

En Belgique, la proximité est primordiale pour les jeunes footballeurs, au contraire de la France où ils peuvent être regroupés dans des centres de formation remarquablement équipés à tous points de vue. Là, nos jeunes voisins du sud trouvent les conditions idéales pour s’épanouir. « Quinze ans d’avance dans les centres français de formation de jeunes, aux niveaux technique, médical, diététique, psychologique ou des études »: une affirmation qui ne peut être taxée de chauvinisme puisqu’elle émane d’un columnist du quotidien anglais The Guardian.

En Belgique, il faudra des années pour combler une partie du retard. L’expérience auxerroise est souvent citée en exemple. Guy Roux y arriva en 1961 comme joueur-entraîneur. En 1980, après cinq promotions, le club bourguignon arrivait en D1. Et deux ans plus tard, Roux fondait le centre de formation dans la petite cité de l’Yonne (40.000 habitants, moins de la moitié de Genk). En sortirent de nombreux grands talents comme Cantona ou Boli. Nos autres voisins peuvent également nous donner des idées. Même si à l’Ajax, comme en France, l’exode des jeunes crampons est une réalité.

En Allemagne, le budget (700 millions) de la fédération pour la formation des 8.200 jeunes sélectionnés pour « alimenter » les équipes des Länder ou nationales est plus élevé que celui, global, de l’Union Belge.

Mais ce n’est pas une raison pour laisser tomber les boots

Guy Lassoie

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