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Condamnés aux PO3, les Dragons montois vivent avec le spectre de la relégation depuis le début de cette campagne. L’occasion, pour notre magazine, de revenir sur les dernières descentes de clubs wallons en D2. Premier volet : l’AFC Tubize en 2008-2009.

Le samedi 16 août 2008 restera à jamais dans les mémoires à l’AFC Tubize. Ce soir-là, 2500 fidèles se massent dans un stade Leburton en pleins travaux pour assister à la première rencontre de l’histoire du club en D1 face à l’Excelsior Mouscron. Dirigés par Albert Cartier, fraîchement nommé entraîneur, les Sang et Or encaissent dès le quart d’heure et finissent par s’incliner (1-2) au terme du temps réglementaire. Une défaite anecdotique tant les Tubiziens viennent de loin : six mois plus tôt, ils ne pointent qu’à la quatrième place de la D2 et ils ne doivent leur promotion qu’à une formidable fin de saison ponctuée par un tour final extraordinaire : 18 points sur 18 !

 » L’objectif était de monter « , explique Raymond Langendries, le président du club.  » Peut-être pas si tôt mais on ne refuse pas la D1. Le problème, c’est qu’on a accédé à l’élite lors de la pire année. On savait dès le début que ce serait très compliqué.  » En effet, les Brabançons ne sont pas vernis : 2008-2009 marque un tournant. Au terme de la saison, le championnat passe de 18 à 16 équipes : les deux derniers sont relégués tandis que les quinzièmes et seizièmes disputent le tour final de D2. Pas évident pour un club qui est passé en 18 ans de la P3 à la D1 !

Et le premier écueil est de taille : mettre le stade aux normes de la D1 pour le 15 octobre !  » Il fallait un stade de 8000 places dont 5000 assises « , se souvient Langendries.  » Et le tout devait être fait en quatre mois et demi alors qu’auparavant les clubs montants disposaient de bien plus de temps pour régulariser leur situation. Heureusement que j’étais bourgmestre de la ville, sinon nous n’y serions jamais parvenus. Une chose est certaine, on nous a bien fait sentir qu’un petit club comme Tubize n’était pas le bienvenu parmi les grands. Et je pense d’ailleurs que ce serait toujours le cas à l’heure actuelle.  »

Un vaste chantier

C’est donc dans un chantier que l’AFC accueille ses premiers adversaires de la saison tandis que les mauvaises surprises continuent :  » Nous avons d’emblée été en conflit avec la Ligue Pro « , se remémore Louis Derwa, ex-manager général tubizien.  » Lors de la première assemblée de la saison, nous avons découvert que lors de la précédente réunion, lorsque nous étions encore en D2, la décision de raboter les droits TV des nouveaux venus en D1 et de diminuer les indemnités perçues par les clubs en cas de descente avait été prise. Nous avons désapprouvé cela et nous sommes mis directement la Ligue Pro à dos « . Après de nombreuses palabres, les Tubiziens obtiennent finalement une transaction : ils conservent les droits TV mais doivent renoncer au  » parachute doré  » en cas de descente. Un accord qui ne sera pas sans conséquences au terme de la saison.

Car, sur le terrain, rien ne va pour les Sang et Or : les trois premières rencontres se soldent par autant de défaites. Les arrivées du Français Nicolas Ardouin, entre les perches, et de Grégory Dufer, à la manoeuvre, prêté par le Standard, font du bien à l’équipe mais Tubize doit tout de même patienter jusqu’à la septième journée pour goûter à la victoire, face à Dender.

 » Les soucis extra-sportifs n’influaient pas sur l’équipe « , juge Alan Haydock, arrivé du FC Brussels en début de saison.  » On n’était pas gêné par les travaux puisqu’on s’entraînait au centre national tout proche. Le cadre de travail était idéal et Albert Cartier, qui est un ami et que je vois encore, s’est donné à 200 % pour le club « .

 » Le comité de direction a décidé que le noyau passerait directement professionnel « , raconte Derwa.  » On n’aurait pu faire une transition en douceur en étant semi-pro mais on s’est dit que ce serait peut-être la seule fois où le club serait en D1 donc il fallait tenter le tout pour le tout. C’est aussi pour ça qu’on est allé chercher un coach de la trempe de Cartier.  »

La méthode Cartier

Habitué aux missions impossibles, le Français a de la poigne et mise avant tout sur le travail pour sauver Tubize.  » C’est clair qu’il avait parfois des méthodes brutales « , confirme Grégoire Neels, Tubizien depuis toujours.  » Je me souviens d’un match de Coupe de Belgique contre Mouscron. On était déjà mené 3-0 à la mi-temps, Cartier nous a interdit de rentrer aux vestiaires et il a fait son discours dans le rond central. On n’est pas parvenu à renverser la situation et quand on est revenu à Tubize, il nous a fait mettre des chasubles et on est parti faire un footing d’une heure et demie dans les rues de la ville en pleine nuit dans le froid ! Son crédo, c’était qu’on n’avait pas les qualités pour se sauver. Du coup, tout devait passer par le travail. Il était très militaire, parfois un peu trop même. Il était très sévère mais quand tu cries tout le temps, à la longue, ça ne fonctionne plus, ça n’a plus d’impact.  »

Avant-derniers à la trêve de Noël, les Tubiziens semblent bien mal embarqués et plutôt que de partir en stage sous le soleil turc ou espagnol comme c’est l’habitude parmi l’élite, Albert Cartier convainc les dirigeants d’emmener ses troupes dans sa région natale des Vosges pour un stage commando.  » Ça a été un des événements les plus marquants de la saison. N’importe quel joueur qui y a participé s’en souvient encore parfaitement, c’était de la folie « , assure Haydock.  » C’est clair que je m’en souviens. Certains joueurs qui n’étaient pas à Tubize à l’époque l’évoquent encore parfois, tellement on en a parlé ! Ça a marqué les esprits. C’était vraiment du team-building, on a tout fait sauf du foot. On a marché des kilomètres et des kilomètres : des randonnées, du ski de fond, des promenades en raquettes, des descentes en poulie, on a dormi dans des fermes, mangé des choucroutes, du fromage. C’était épuisant mais ça soude un vestiaire !  »

10 défaites consécutives

Le bol d’air des Vosges semble avoir requinqué l’équipe, qui entame la deuxième partie de saison par un nul sur le terrain de Mouscron (1-1) suivi d’une victoire à domicile face à Lokeren (2-1). Pourtant, la suite s’avère beaucoup moins rose. Battus aux Club Bruges (3-1) puis écrasés par Malines à domicile (1-5), les hommes de Cartier perdent complètement pied. En deux semaines, ils encaissent 14 buts sans en mettre un seul face au Standard (4-0), à Zulte Waregem (0-6) et Dender (4-0). Le ressort est cassé et Tubize subit finalement dix défaites consécutives.

 » Beaucoup de joueurs sont arrivés au mercato, ça a créé des clans et l’ambiance dans l’équipe en a souffert « , estime Haydock.  » C’est vrai que ça nous a plombés. De mauvais choix ont été faits : on a enrôlé beaucoup d’étrangers qui ont mis du temps à s’adapter « , reconnaît Neels.  » Le management sportif était très malsain et ça a eu des incidences sur le sportif et sur le noyau « , ajoute Haydock.  » A ce niveau-là, la saison a été un fiasco total. Certains joueurs n’étaient pas là pour aider le club mais uniquement pour jouer leur carte personnelle. On n’avait pas besoin de ces gens-là. Le club a trop souvent travaillé avec le même manager (NDLR : Nicolas Dervisaj) et on a assez vite compris que ça sentait l’oignon. On a eu de tout : des Brésiliens, des Croates,…

Au final, ils coûtaient peut-être moins cher en salaire que des joueurs belges qui avaient l’expérience de la D1 mais il fallait loger ces gens, payer des avions, etc. J’aurais préféré qu’on transfère des gars expérimentés plutôt que d’écumer le marché slave ou brésilien. Un gars comme Quinton Fortune, on se demandait comment il était arrivé chez nous. C’était vraiment la cata « . De fait, l’international sud-africain, passé par Manchester United, arrive avec une solide réputation au Stade Leburton mais voit rouge dès sa première apparition et ne répondra finalement jamais aux attentes. Arrivés à la même période, le Bosnien Jusuf Dajic, le Russe Valeri Sorokin et le Polonais Blazej Radler ne présentent guère un bilan plus positif.

Anderlecht privé du titre

Louis Derwa tempère ces propos :  » On dit que le mercato a bouleversé la saison mais je n’en suis pas certain. Toutes les équipes connaissent des passages à vide, peut-on réellement avoir prise là-dessus ? On a tendance à réécrire l’histoire. Notre noyau était trop court et l’objectif du mercato était de renforcer le vestiaire. Nous n’avions pas de budget et nous cherchions des joueurs qui avaient relativement de vécu. On savait qu’il faudrait attendre un ou deux mois pour qu’ils soient à niveau.

Je ne pense donc pas que c’était une erreur de les engager mais il est clair que je garde une certaine amertume de cette période-là. Il faut savoir que nous avions des joueurs comme Teddy Chevalier ou David Pollet sur nos tablettes mais quand vous allez voir un match de CFA française, il y a cinq autres recruteurs belges autour du terrain. Il n’était pas possible pour Tubize de concurrencer les autres clubs, d’attirer ces joueurs. Ça a été un gros problème.  »

Le président, lui, est plus catégorique :  » On s’est planté sur tout le ligne. Notre mercato d’hiver ne valait rien. Cela est probablement dû à notre manque d’expérience de la D1 mais des erreurs avaient déjà été commises avant. On aurait dû conserver des joueurs comme David Vandenbroeck, Joachim Mununga ou Christophe Lepoint dont je pense qu’on a dit un peu trop vite qu’il était impossible de les garder.  »

Au final, les Brabançons parviennent tout de même à enrayer la chute et reprennent espoir à quelques matches de la fin de saison.  » On a joué notre rôle à fond « , estime Neels.  » On a battu Charleroi et fait un nul à Courtrai avant de recevoir Anderlecht qui jouait le titre « . Le 3 mai 2009 reste en effet un grand souvenir pour la plupart des supporters tubiziens. Les hommes d’Albert Cartier font la vie dure au grand Anderlecht qui est alors leader de la compétition.

A la 83e minute, Dufer ouvre le score pour les locaux qui pensent là tenir une victoire de prestige et surtout peuvent, grâce à ces trois points, encore espérer accrocher la seizième place, synonyme de barrages. Pourtant, dans la 6e minute du temps additionnel, Marcin Wasilewski met fin aux espoirs tubiziens d’une tête rageuse qui trompe Ardouin. Les deux points concédés dans le Brabant coûteront cher aux Bruxellois qui seront contraints de disputer des match-tests pour l’octroi du titre qui filera finalement à Sclessin.

Un coup de dés

Tubize de son côté, retrouve la D2.  » Tout le monde a retenu qu’on avait empêché les Mauves d’être champions mais moi je retiens surtout qu’à la 96e, on n’était toujours pas relégué « , souligne Derwa.  » Je suis persuadé que si on avait pu garder notre avantage, on aurait disputé les barrages et on ne serait pas descendu directement. Ça s’est finalement joué sur un coup de dés.  »  » Avec un peu plus d’expérience, on aurait pu se sauver « , estime Neels.  » Mais c’est tout de même un excellent souvenir et je suis fier d’avoir participé à cette seule saison du club en D1. Ça reste une expérience formidable.  »

PAR JULES MONNIER – PHOTOS: IMAGEGLOBE

 » On nous a clairement fait sentir qu’un petit club comme Tubize n’était pas le bienvenu parmi les grands  » Raymond Langendries, président

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