All you need is love

L’attaquant hollandais explique pourquoi il a dit oui aux Reds.

Pour savoir où habite Dirk Kuijt (26 ans), il suffit de suivre les autocars de touristes japonais. Ceux-ci s’arrêtent à Woolton, dans la banlieue de Liverpool, près de Strawberry Field, l’ex-orphelinat de l’Armée de Sa Majesté, dont John Lennon s’est inspiré pour faire un tube ( Strawberry fields forever) en 1967. Du jardin de sa villa, l’attaquant de Liverpool a une vue sur le domaine où l’ex-Beatle grimpait aux arbres. De cette époque, il ne reste que la porte d’entrée car, depuis 2005, plus aucun cri d’enfant ne se fait entendre à Strawberry Field. L’ancienne maison d’accueil a en effet fait place à un lieu de prière.

Kuijt ne sera jamais aussi populaire que John Lennon, dont l’aéroport local porte le nom, mais il est sur la bonne voie. Les fans de Liverpool le comparent déjà à Kenny Dalglish, l’ex-joueur et manager qui écrivit plusieurs pages de la légende des Reds. Le 18 novembre, il eut même l’honneur de pouvoir inaugurer l’éclairage des fêtes de Noël de la ville.  » Nous étions quatre, il y avait également deux participants à la version britannique de X-Factor ainsi que l’acteur Ricky Tomlinson, qui joue dans The Royle Family « , explique Kuijt.  » L’inauguration de l’éclairage de Noël est une tradition en Angleterre. C’est le coup d’envoi de la période des fêtes. Je ne savais pas que cela avait une telle importance mais, lorsque j’ai vu des dizaines de milliers de personnes envahir le centre-ville, j’ai compris que c’était un honneur qui en dit long sur mon intégration « .

Rien n’est laissé au hasard

Vous avez très vite trouvé vos marques.

Dirk Kuijt : C’est dû au fait que je suis très calme. L’entraîneur, Rafael Benitez, m’a d’abord permis de m’entraîner quelques jours avant de me faire monter au jeu contre West Ham United. A partir de ce moment-là, il a estimé que j’étais prêt et je n’ai plus quitté l’équipe. J’ai apprécié cette façon de faire. Qu’on le veuille ou non, un temps d’adaptation est toujours nécessaire. Le rythme est beaucoup plus élevé, le ballon circule plus rapidement, le placement… tout est différent. Benitez a compris et m’a laissé le temps de m’adapter au pays, au club, à l’équipe et à sa méthode de travail.

En quoi celle-ci consiste-t-elle ?

Cet entraîneur mise beaucoup sur l’aspect physique. Nous nous entraînons toujours avec des cardiofréquencemètres. L’entraîneur peut ainsi évaluer nos courbes de forme. Le rythme cardiaque permet de déterminer si un joueur est bien ou s’il a besoin de repos. Après chaque entraînement, on vous donne une montre et vous devez courir un ou deux kilomètres à notre propre rythme. Cela signifie qu’un joueur doit faire un kilomètre en cinq minutes tandis que l’autre mettra vingt secondes de plus.

Benitez mise-t-il donc sur le développement individuel pour faire progresser son équipe ?

Oui et c’est une grande différence avec ce que j’ai connu aux Pays-Bas. Là, nous faisions tout ensemble. Ici, on travaille surtout par rapport à soi-même et c’est l’équipe qui en profite. Les Anglais testent tout, de votre sang à l’alimentation qui vous convient le mieux. Chaque joueur a donc son propre régime. Au complexe d’entraînement, il y a un restaurant où nous pouvons avaler un repas sur mesure après chaque entraînement. Et après les matches, il arrive que le repas soit obligatoire, afin de favoriser la récupération.

A Feyenoord, vous ameniez du poisson tous les vendredis et les joueurs se cuisaient des £ufs avant les entraînements.

Ce serait inimaginable ici. Je n’ai jamais rien connu d’aussi professionnel qu’à Liverpool et ce n’est pas une question de discipline. Aux Pays-Bas, lorsque nous allions manger après l’entraînement, nous devions attendre que tout le monde soit à table et que l’entraîneur fasse un signe. Ici, nous n’y allons que si nous avons faim. Si le petit-déjeuner est programmé entre 8 h 30 et 9 h, nous avons une demi-heure pour nous y présenter pas plus.

Benitez a une réputation de grand tacticien.

Elle n’est pas usurpée. Il pense nuit et jour au football et à la meilleure façon de surprendre l’adversaire. Avant chaque match, nous avons droit à des entraînements très tactiques. Il nous montre les différentes possibilités, nous dit comment presser et construire. Benitez met toujours l’accent sur l’adversaire direct. Il me surprend souvent également. Il connaît chaque joueur sur le bout des doigts : sa taille, sa vitesse, son agilité,… Ici, on ne parle pratiquement que de football et c’est la première fois que je vois cela.

Son club idéal

N’auriez-vous pas dû partir plus tôt à l’étranger ?

J’avais toujours dit que je voulais jouer pour un club du top 4 anglais ou espagnol mais je voulais également laisser parler mon feeling. Supposons que le Real Madrid ou l’AC Milan se soient intéressés à moi : ce sont des clubs fantastiques mais je n’y serais pas allé car un club doit me correspondre. Beaucoup de grands cercles se sont manifestés mais je ne les sentais pas et je suis heureux d’avoir attendu.

N’était-ce pas risqué ?

Je me suis parfois demandé si le grand club que je voulais viendrait encore frapper à ma porte. Je jouais bien, je n’étais jamais blessé et j’étais toujours positif. Comme rien ne se passait, je me mettais à douter. Liverpool s’était toujours montré intéressé mais jamais concrètement car le club avait de nombreux attaquants. L’été dernier, tout a de nouveau failli capoter car, alors qu’il devait être vendu, Djibril Cissé s’est cassé la jambe. Liverpool m’a demandé de rester calme et m’a promis de tout faire pour m’engager.

Vous ne pouviez plus attendre.

Non. Lorsque je vois ce qui se passe à Feyenoord, je me dis que je n’avais plus rien à y apprendre. J’avais atteint mon maximum. Pour progresser, je devais jouer dans un club du niveau de Liverpool. Je m’en rends bien compte et, lorsque je reviens en équipe nationale, je n’ai aucun mal à atteindre le niveau. Ici, quand on joue contre des clubs moyens comme Tottenham, on affronte tout de même des gars comme Dimitar Berbatov ou Jermain Defoe. C’est comme cela toutes les semaines alors qu’aux Pays-Bas, nous ne jouions que quatre ou cinq gros matches par saison.

Le championnat de Hollande vous a aussi coûté votre place en Coupe du Monde…

C’est vrai, je suis parti pour quelques jours en vacances à Tenerife tandis que Robin van Persie continuait à s’entraîner avec Arsenal, qui devait disputer la finale de la Ligue des Champions. Lorsque j’ai rejoint le camp d’entraînement en Suisse avec la Hollande, il m’a fallu trois jours pour me remettre dans le bain tandis que les joueurs qui évoluaient dans des grands clubs étaient prêts. Van Persie a directement montré de quoi il était capable et j’ai perdu ma place. Cela ne m’arrivera plus…

De toute façon, vous avez déjà gravi quelques échelons dans la hiérarchie puisque Ruud van Nistelrooy et Roy Makaay ne sont plus repris.

Lorsque je suis arrivé, j’avais devant moi Ruud, Roy, Patrick Kluivert, Pierre van Hooijdonk et Jerrel Hasselbaink, cinq grands joueurs que j’ai rattrapés les uns après les autres. Mais c’est le passé : mon jeu a beaucoup changé.

Titulaire avec Benitez !

Vous jouez pratiquement tous les matches et c’est étonnant de la part d’un entraîneur qui a aligné 99 fois consécutives une équipe différente, non ?

Oui. Benitez est fou de statistiques et de records. Lorsque nous parvenons à ne pas encaisser pendant plusieurs matches d’affilée, il est très fier. Celui qui joue bien aura toujours sa place. Steven Gerrard, par exemple, joue tous les matches. Je sais donc que, si je joue bien, je disputerai neuf matches sur dix.

Comment peut-on travailler les automatismes quand l’équipe change aussi souvent ?

En procédant par petits groupes. A l’entraînement, je joue parfois avec Peter Crouch, Craig Bellamy ou Robbie Fowler… Nous changeons tellement souvent de combinaisons que les automatismes se créent d’eux-mêmes. Voyez ce but face au PSV en Ligue des Champions : Luis García me donne le ballon et je dévie de la tête vers Crouch car je sais où il se trouve. C’est le résultat de nombreuses heures d’entraînement.

Vous êtes, pour la première fois, confronté à la concurrence. Comment cela se passe-t-il ?

Je ne me tracasse pas. Avec Bellamy, Fowler, Crouch et moi, Liverpool dispose de quatre bons attaquants. C’est à moi de faire en sorte que l’entraîneur me sélectionne. Nous avons tous des qualités différentes. Les avis au sujet de Crouch sont partagés car il n’est pas très académique mais il est meilleur qu’on ne le pense, et très efficace. Bellamy est soulagé depuis son acquittement – NDLR : en octobre dernier, le Gallois était jugé pour avoir agressé deux femmes dans une boîte de nuit en février 2006- et cela se voit à son jeu. Quant à Fowler, tout le monde le connaît.

par martijn krabbendam (esm) – photo: belge/getty

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