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Charleroi: est-ce l’année de l’explosion pour Ali Gholizadeh?

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

D’un début de saison brouillon à un automne spectaculaire, Ali Gholizadeh est enfin devenu un pion majeur du Charleroi d’Edward Still. Flash-back sur la route d’une transformation, symbole de la nouvelle version du Sporting zébré.

Dégainé peu avant le retour aux vestiaires par Lothar D’hondt, le carton rouge adressé à Ali Gholizadeh laisse les Zèbres dans de sales draps sur la pelouse hostile de la Ghelamco Arena. Si la mi-temps jouée à dix n’empêche finalement pas les Carolos de quitter Gand avec trois points supplémentaires au compteur, le crédit de l’Iranien semble alors s’estomper malgré sa frappe langoureusement déposée dans le petit filet en début de match.

Quand j’ai entendu parler de 3-5-2, je me suis demandé: et moi, je suis où là-dedans? »

Ali Gholizadeh

Remplacé à la mi-temps une semaine plus tôt, le gaucher peine alors à trouver ses marques dans la nouvelle ligne de conduite zébrée. Deux mois et six matches plus tard, le slalomeur de Téhéran a pourtant ajouté quatre buts et une passe décisive à une feuille de stats partie pour atteindre des records. La métamorphose est brutale.

« Il faut comprendre et respecter que certains joueurs comprendront plus tard ou différemment vers où on va. On ne sait pas anticiper quel sera l’instant où le joueur va avoir le déclic », expliquait EdwardStill après les premières sorties de la saison. Celui d’Ali Gholizadeh serait survenu plus tard que pour les autres? L’Iranien conteste: « Je ne pense pas que ça m’a pris beaucoup de temps. D’ailleurs, en football, la plupart des joueurs apprennent vraiment vite. » L’heure est donc aux explications. Celles qui doivent justifier un début de saison bouclé avec seulement cinq titularisations en dix sorties, et 45% de temps de jeu avant le coup d’envoi d’un automne d’exception.

L’ÉTÉ IRANIEN

Le 13 mai dernier, dans la foulée d’une saison démarrée en trombe mais bouclée à une anonyme treizième place, les Carolos partent en vacances avec la mine maussade. Un mois après leur dernière sortie officielle face à Eupen, ils bouclent une série de matches amicaux par un duel sans saveur face à Westerlo, dont le coup de sifflet final annonce quatre semaines de vacances. Celles d’Ali Gholizadeh seront bien plus courtes. « J’ai eu un gros été avec l’équipe nationale. On a passé environ vingt jours ensemble. » Successeur de MarcWilmots à la tête du Team Melli, le Croate DraganSkocic veut mettre toutes les chances de son côté pour rattraper le faux départ en qualifications pour le Mondial sous les ordres du Belge. Avec six points sur douze, et une troisième place du groupe derrière l’Irak (dix) et le Bahreïn (huit), les Iraniens n’ont pas droit à l’erreur s’ils veulent rectifier le tir lors des quatre derniers matches de la première phase de poules, programmés entre le 3 et le 15 juin. Quatre victoire et douze points plus tard, Ali Gholizadeh et les siens sont à nouveau sur de bons rails. Titularisé à quatre reprises, le Zèbre vit la reprise des entraînements loin de Marcinelle, où il revient avec les jambes lourdes et les yeux écarquillés: « Les autres avaient eu un mois pour recharger les batteries, moi seulement une semaine. Et quand je suis revenu ici, tout avait changé. »

Charleroi: est-ce l'année de l'explosion pour Ali Gholizadeh?

Jamais avare de grands discours face à ses hommes, MehdiBayat présente la nouvelle structure du Sporting à son compatriote. Une approche modernisée et un football qu’Edward Still oriente vers une défense à trois qui suscite une foule de questions dans l’esprit de Gholizadeh. « Quand j’ai entendu parler de 3-5-2, je me suis demandé: et moi, je suis où là-dedans? Où est-ce que je vais jouer? Moi, j’avais toujours joué sur le flanc. Quand le coach m’a changé de poste, je n’étais pas très heureux. »

Le nouveau rôle imaginé par le coach Still pour son dynamiteur, c’est une place au coeur du jeu, là où les différences individuelles comptent double parce qu’elles rapprochent plus franchement des zones qui font souffrir l’adversaire. Le Brabançon challenge le gaucher, en lui parlant du double-double, expression issue du monde du basket pour exprimer la volonté d’atteindre un score à deux chiffres dans la case des buts comme dans celle des passes décisives. « Dans les postes offensifs, on veut des joueurs à 10 + 10 », avait coutume de dire IvanLeko, mentor de Still, lors de ses années brugeoises. Au vu des bribes de conversation ramenées par Gholizadeh, la filiation d’idées semble claire: « Je suis un Ali différent, maintenant. L’objectif, c’est d’atteindre dix buts et dix passes décisives, au minimum. Le coach me l’a dit en début de saison, il ne veut pas du Ali qui finit à huit buts et six assists. Il veut plus. Avec ces mots, il m’a montré sa confiance en moi tout en me poussant à être meilleur. »

ÉLOGE DE LA SUEUR

Les premières semaines de la préparation donnent au progrès un désagréable arrière-goût de souffrance. La voix de FrédéricRenotte rythme des exercices physiques époumonants, destinés à augmenter le volume du noyau carolo. Un aspect qui est précisément le talon d’Achille d’un Gholizadeh qui atteignait péniblement la barre des dix kilomètres par match lors de son arrivée dans le Pays Noir, à une époque où Mehdi Bayat prenait place au bord du terrain lors des matches amicaux pour traduire à son compatriote les consignes défensives exigées par FeliceMazzù.

Avant, j’avais l’habitude de m’éteindre après soixante ou septante minutes de jeu. Là, je me sens presque encore plus fort dans les vingt dernières minutes. »

Ali Gholizadeh

« Maintenant, on court tous plus de douze kilomètres par match. Pourtant, ajouter deux kilomètres à ce que je faisais en arrivant, je trouvais que c’était vraiment beaucoup trop », se marre le gaucher, avant d’esquisser des traits de souffrance en se rappelant des semaines qui l’ont amené à développer ses poumons. « En début de saison, j’ai eu des sessions supplémentaires, le coach m’a demandé de courir plus. Sur le moment, ça m’a vraiment rendu fou. Mais aujourd’hui, je sens la différence sur le terrain. Avant, j’avais l’habitude de m’éteindre après soixante ou septante minutes de jeu. Là, je me sens presque encore plus fort dans les vingt dernières minutes. »

Les chiffres racontent en effet un joueur décisif à trois reprises au-delà de la 80e minute lors d’un mois d’octobre de tous les superlatifs. De plus en plus à l’aise sur le plan athlétique, l’Iranien augmente sa régularité sur la durée d’une rencontre, sans pour autant perdre ces changements de rythme qui font sa spécificité. Le tout saupoudré d’une maîtrise de plus en plus aiguë des consignes tactiques du nouveau staff carolo pour assaisonner la recette d’un joueur amené à décoller plus haut que jamais sur le plan statistique cette saison.

LES MÉCANIQUES DU COEUR

La bataille tactique n’était pourtant pas gagnée d’avance, entre un coach méthodique et un gaucher instinctif, habitué à attendre son heure le long de la ligne de touche, de préférence côté droit pour s’ouvrir la route vers le but à coups de crochets avant d’enrouler un tir au second poteau ou de décocher un centre inattendu de l’extérieur du gauche, son seul pied semblant autorisé à toucher le ballon.

« J’avais vraiment l’habitude de jouer comme ailier, donc c’était difficile au début de savoir où je devais être placé au milieu du terrain pour aider chacun de mes coéquipiers. Où est-ce que je dois me mettre pour aider mon défenseur? Et mon flanc? Et mon attaquant? Au fil du temps, c’est devenu facile et maintenant, je me sens vraiment bien », détaille Gholizadeh. Souvent homme du surnombre au milieu de terrain, l’Iranien découvre les mécaniques du coeur du jeu. Le numéro 8 des Zèbres se retrouve dans des zones où un dribble suffit généralement à s’ouvrir le chemin du but, dans le dos d’un ShamarNicholson avec qui il s’entend à merveille dans un vestiaire où les anglophones sont de plus en plus présents vocalement. Là où les leaders d’hier s’exprimaient systématiquement dans la langue de Molière, le polyglottisme est devenu la norme chez les Carolos au profit de Nicholson, Gholizadeh ou RyotaMorioka, de plus en plus enclins à prendre la parole devant le groupe au même titre que le nouveau venu StefanKnezevic. Si on ajoute ses progrès énormes en français, Ali est désormais loin du jeune joueur débarqué dans le Hainaut avec seulement des mots d’anglais élémentaires comme Hello et Goodbye dans les bagages.

Ali Golizadeh est peut-être la plus remarquable incarnation de la métamorphose des Carolos sur le terrain en l'espace de quelques mois.
Ali Golizadeh est peut-être la plus remarquable incarnation de la métamorphose des Carolos sur le terrain en l’espace de quelques mois.© BELGAIMAGES – VIRGINIE LEFOUR

Restait à comprendre la nouvelle langue du jeu carolo. « Au début, c’était difficile », concède le dribbleur zébré. « Avec le recul, j’adore ce système parce que j’ai plus de liberté et d’espace. Quand j’étais sur le côté, j’avais un mur d’adversaires en face de moi. Ici, si je gagne un duel, j’ai un boulevard. Après quelques semaines, j’ai compris que je pourrais faire encore plus de choses à ce poste-là que sur le flanc. Maintenant, je pense même que je suis meilleur à cet endroit du terrain que sur l’aile. »

LE NOUVEAU CHARLEROI

« Tout changer, ça ne marche pas toujours mais ici, ça a fonctionné », poursuit celui qui est peut-être la plus remarquable incarnation de la métamorphose des Carolos sur le terrain en l’espace de quelques mois. Au terme d’une saison conclue à bout de souffle et la tête pleine de questions, Mehdi Bayat s’est tourné vers Edward Still en quête de nouvelles certitudes, avec une perception plus dominante du jeu qui devait accompagner la croissance des ambitions zébrées. « L’année passée, on jouait seulement en contre-attaque », analyse Gholizadeh. « Et attention, on le faisait vraiment bien! Mais cette saison, on est encore capable de le faire, tout en sachant aussi garder le ballon. Sur le terrain, je prends beaucoup de plaisir, parce qu’on joue comme une grande équipe. »

Autrefois équipe de moments, capable d’enchaîner une demi-heure soporifique avec un quart d’heure de folie dans la foulée d’un changement, d’une occasion tombée du ciel ou d’un regain d’énergie entraîné par les chants de son public, Charleroi se découvre progressivement une régularité dans ses prestations, à défaut de toujours la voir retranscrite au classement. « Aujourd’hui, on est plus constants sur toute la durée d’un match. Je pense qu’on n’a jamais été aussi forts sur le terrain, même quand la saison a été arrêtée et qu’on était troisièmes. Est-ce que ça veut dire qu’on peut encore finir plus haut? Le coach ne veut jamais qu’on pense plus loin que le prochain match », boucle le gaucher en un clin d’oeil espiègle. Avec l’air de ceux qui ne veulent pas en dire trop, mais dont l’ambition dépasse toujours les barres qu’on leur demande de franchir.

Sans faire de bruit, Ali Gholizadeh et Charleroi ont retrouvé le goût du challenge. Celui qui les amène à espérer qu’en mai prochain, la saison ne se conclura pas par un match amical face à Westerlo et sans le moindre supporter dans les gradins.

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