Alexandre le Grand

Bruno Govers

L’attaquant russe du RWDM ne manque ni d’allure ni d’ambition.

Suite à son draw face au GBA (2-2), dimanche passé, le RWDM a engrangé son tout premier point de la saison. Cette unité, les Molenbeekois ne l’ont pas volée, dans la mesure où, tout au long de la partie, ils auront fait davantage que jeu égal avec les Anversois. Pourtant, à deux reprises, ceux-ci prirent l’avantage au stade Edmond Machtens. Mais, par l’entremise de Laurent Fassotte d’abord, sur coup de réparation, puis grâce à une puissante tête d’ AlexandreKolotilko (22 ans), le meilleur de ses couleurs sur le terrain, les Bruxellois furent justement récompensés de leurs efforts.

Le plus jeune en D2 russe

Alexandre Kolotilko entame sa deuxième saison au RWDM, où il a abouti après un bref retour au sein de son club formateur, le Neftekhimik Nizhnekamsk. Un come back après une expérience de près de deux ans aux Girondins de Bordeaux.

« En Russie, j’avais fait toutes mes classes au sein de ce club de D2 », dit-il. « J’y ai débuté à l’âge de six ans, en 1985, alternant comme la plupart des enfants de mon âge le football, en période estivale, et le hockey sur glace en hiver. C’est probablement à la combinaison de ces deux disciplines que je dois mon physique de déménageur et mon tempérament de baroudeur. Car, aussi loin que je me souvienne, je me suis toujours jeté corps et âme dans la bataille, fût-ce sur l’aire de jeu ou sur la glace. Longtemps je me suis demandé laquelle de ces activités je privilégierais: j’avais des dispositions évidentes pour chacune d’entre elles. Ce choix, ce sont les responsables du Neftekhimik Nizhnekamsk qui l’ont en définitive effectué pour moi en me titularisant, dès mes seize printemps, en Première. J’étais par là même le plus jeune footballeur militant en deuxième division de mon pays. Aligné comme flanc droit, je n’en menais pas large au début face à des éléments beaucoup plus chevronnés que moi. Mais malgré la différence d’expérience et de gabarit, j’allais résolument au duel. Mon engagement m’avait valu d’inscrire une huitaine de goals en 1995-96. Assez pour attirer les regards des clubs moscovites, à mille kilomètres de chez moi. Inutile de dire que j’étais aux anges ».

Face-à-face avec Michael Owen

Pourtant, ce n’est pas en direction de la capitale que l’intéressé allait se mouvoir. Un match fit, effectivement, basculer le cours de sa jeune carrière: celui qui opposa la Russie à l’Angleterre dans le cadre du championnat d’Europe des -18 ans, il y a tout juste un lustre.

« Nous avions battu cet adversaire, pourtant emmené par Michael Owen, par deux buts à un », se rappelle-t-il. « Moi-même, je m’étais distingué ce jour-là en déflorant la marque, puis en offrant à un équipier une passe décisive sur notre second goal. Sacré homme du match, je fus abordé, le soir-même, par un émissaire de Bordeaux qui me proposa de passer un test chez les Girondins. L’essai fut concluant, mais compte tenu de mon manque de planche, je ralliai tout d’abord le Centre de Formation. L’espace d’une bonne année, je me suis aguerri au contact des autres jeunes du club. Il me fallait faire, également, l’apprentissage d’un jeu beaucoup plus technique que celui auquel j’avais été habitué de tous temps dans mon pays. Dans ce contexte, j’ai indéniablement affiné mon bagage, même si mes aptitudes, comme manieur de ballon, n’étaient nullement comparables à celles d’autres joueurs, tels que Kaba Diawara par exemple. Il n’empêche qu’au bout de ces quelques mois, je progressai d’un cran en étant muté chez les doublures, entraînées par Patrick Battiston. Pour le compte de cette formation, j’ai inscrit un total de douze buts. Longtemps, j’ai vécu d’espoir de me retrouver un jour au sommet, dans l’équipe coachée par Elie Baup. Mais la concurrence était trop forte avec les indéboulonnables Sylvain Wiltord et Lilian Laslandes. Du coup, je suis rentré moi-même dans le rang ».

La gloire avec les Olympiques

Au départ de la campagne 1999-2000, voyant que son statut n’avait guère évolué et que l’entraîneur principal avait fait appel, le même été, à deux nouvelles têtes – Marc Zanotti et Pascal Feindouno-, Alexandre Kolotilko estima le moment venu de changer d’air.

« En Russie, personne ne m’avait oublié, contrairement à Bordeaux, où je jouais les utilités », dit-il. « Le Zenith St-Pétersbourg se mit sur les rangs et je ne cache pas qu’il m’aurait vraiment plu de défendre les couleurs de ce club. Car, au même titre que les trois grands moscovites que sont le Spartak, le Dinamo et le Lokomotiv, le Zenith fait partie des ténors du football, chez nous. Mon manager, Igor Zavgorodnyi, était toutefois d’avis que je n’avais plus rien à apprendre au pays et qu’il valait mieux retenter une autre aventure à l’étranger. Au lieu d’aller au Zenith, je suis dès lors retourné dans mon club d’origine, le Neftekhimik Nizhnekamsk, dont les dirigeants étaient tout heureux de me retrouver eux aussi. Dans l’intervalle, l’équipe avait rétrogradé d’un échelon mais grâce à mon apport, pendant une demi-saison, il retrouva finalement sa place dans l’antichambre de l’élite. Malgré mon statut de joueur de D3, je n’en avais pas moins gardé la cote aux yeux des responsables de la fédération et, en ce même exercice 1999-2000, je fus retenu quatre fois en sélection olympique pour des joutes contre la Géorgie, la Suède, la Pologne et la Biélorussie. Mon moment de gloire, je l’avais vécu face aux Nordiques, étrillés par 0-6 avec deux buts de ma part à la clé ».

La délivrance avec Patrick Thairet

A l’intersaison suivante, sous l’impulsion de Freddy Smets, le grand et solide Alexandre « Sacha » Kolotilko (186 centimètres sous la toise pour 84 kilos) délaissa le Neftekhimik Nizhnekamsk pour s’en aller chercher gloire et fortune sportive au RWDM.

« Mon entrée en matière se révéla un authentique coup dans le mille », se remémore-t-il. « J’eus la chance de contribuer à la victoire face à Ostende en scorant une fois et en offrant un assist à Fabio Giuntini. La suite fut du même niveau puisque je trouai les filets adverses à six reprises en autant de matches. Malheureusement, cette flambée ne fut que de courte durée. Car après coup, pour je ne sais trop quelle raison, je fus pris en grippe par le staff technique composé d’ Ariel Jacobs et de son adjoint hollandais, Albert Stuyvenberg. Ce dernier, surtout, ne pouvait pas me souffrir et, dans la mesure où le dialogue était impossible avec lui, puisqu’il ne parlait que le néerlandais, et moi le français, les échanges verbaux cessèrent d’exister du jour au lendemain. Je fus versé en Réserve sans en connaître les motivations profondes. D’abord une semaine, puis deux, et finalement pour de bon. Dans le même temps, l’équipe perdit toutefois de plus en plus de sa superbe. De candidate toute désignée pour le titre, elle fit bientôt office de simple figurante. La délivrance, pour elle et pour moi, ce fut l’arrivée à sa tête de Patrick Thairet. L’un de ses tout premiers soucis aura été de refaire appel à mes services. Ce n’est pas que je veuille me pousser du col, mais le RWDM a retrouvé subitement de la consistance à ce moment. Au point de terminer le championnat en force et de survoler le tour final ».

Remueur plutôt que buteur

La suite se sera avérée beaucoup moins évidente pour les Coalisés, qui entamèrent la compétition au mois d’août par trois revers: 1-0 à Lommel, 0-1 contre Charleroi et 2-1 au Standard. Avec, comme maigre consolation pour Alexandre Kolotilko, son tout premier but en D1.

« Il est simplement dommage qu’il ne nous ait pas permis de ramener un point de Sclessin », observe-t-il. « En réalité, ce fut souvent la même rengaine durant ce volet initial: nous n’étions nullement inférieurs dans le jeu, mais nous manquions tout simplement de percussion devant pour faire la différence. Suite aux départs de Fabio Giuntini et de Cheikh Gadiaga, il faut bien avouer que nous sommes actuellement démunis aux avant-postes. Le club s’est, certes, attaché les services d’ Ivica Jarakovic qui est un bon joueur. Mais il n’a pas le profil d’un véritable puncheur, au même titre que moi, d’ailleurs, car je suis davantage un remueur dans la surface de réparation adverse qu’un véritable finisseur. Je demeure néanmoins persuadé que si la direction consent l’effort d’embrigader ce chaînon manquant, le RWDM sera paré en tous secteurs pour assurer son avenir parmi l’élite. J’ose simplement espérer que ce sang neuf ne se fera pas désespérément attendre. Nous sommes effectivement démunis, dans ce secteur, par rapport aux clubs qui sont logés actuellement à la même enseigne que nous. Compte tenu de leur potentiel offensif, Mouscron ou Westerlo finiront bien par prendre le large, c’est certain ».

Rêve d’Angleterre

Alexandre Kolotilko est lié jusqu’à la fin de la saison au RWDM. Cet été, le Sporting Charleroi était venu aux nouvelles pour lui, mais s’était ravisé en raison des quinze millions exigés par le club bruxellois en échange de sa liberté. Sacha espère, bien évidemment, que ce ne sera que partie remise.

« J’aspire à jouer en Angleterre », souligne-t-il. « Toutefois, je me garderai d’effectuer ce grand saut trop tôt. J’ai vingt-deux ans à peine. Je manquerais de vécu si je devais déjà tenter cette expérience-là à ce stade de ma carrière. C’est pourquoi, après le RWDM, j’aimerais vivre une autre aventure, dans un club plus huppé, qui puisse me servir de tremplin. Dans l’immédiat toutefois, je ne veux songer qu’à mon employeur actuel, pour qui j’aurai toutes les raisons de me défoncer au cours des mois à venir. J’aspire à ce que le club prenne ses distances par rapport à la zone rouge sans oublier, en outre, que j’ai peut-être une bonne carte à jouer aussi en sélection. Jusqu’à présent, j’ai oeuvré en formation représentative des jeunes et en équipe olympique. Il va de soi que je souhaiterais entrer en ligne de compte aussi chez les A, d’autant plus que ceux-ci sont pour ainsi dire assurés d’aller à la Coupe du Monde. D’accord, le talent ne manque pas en Russie. Mais ce que Vladimir Bestschastnik, l’homme en vue du Spartak Moscou et buteur patenté de la Russie, est capable de réaliser, je le puis aussi. Je suis aussi fort que lui. Dès lors, je croise les doigts ».

Bruno Govers

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