Aleksandar Jankovic

YRFC Malines

Notre coeur

Aleksandar Jankovic (45) :  » Votre carte de Serbie n’est pas bonne (il prend un stylo et y ajoute le Kosovo, qui a proclamé son indépendance en 2008. Celle-ci a été reconnue par la majorité des états-membres de l’UE, dont la Belgique, mais pas par la Serbie, ndlr). Le Kosovo, c’est le berceau de la Serbie. C’est là que se trouvent notre coeur et notre ancienne capitale, Prizren. Le Kosovo est aux orthodoxes ce que Lourdes est aux catholiques : on y trouve plus de deux cents églises et couvents serbes. C’est aussi au Kosovo qu’a eu lieu la bataille la plus terrible de l’histoire de la Serbie, en 1389 (la bataille de Kosovo-Polje, ndlr). Je comprends que le Kosovo fasse l’objet d’une discussion politique importante. J’ai beaucoup de respect pour ceux qui tentent de trouver une solution et pour ceux qui vivent au Kosovo, quelle que soit leur nationalité. Mais cette terre est très spéciale pour les Serbes et elle le restera.  »

Notre douleur

 » Avec un MiG-29, un avion de chasse russe, on peut survoler la Serbie en dix secondes. Si je vous dis qu’à un certain moment, en 1999, il y avait des milliers d’avions de ce genre au-dessus de nos têtes, vous imaginez ce que ça représente. Nous avons été terriblement touchés par les bombardements de l’OTAN (selon l’OTAN, l’ex-président serbe Slobodan Milosevic s’était rendu coupable d’oppression, d’épuration ethnique et de violence envers les Albanais du Kosovo, ndlr). Les Serbes ont combattu au cours des deux guerres mondiales, toujours du bon côté. En termes de pourcentage, aucun autre peuple européen n’a perdu autant de gens que nous lors de la Première Guerre mondiale : plus de la moitié de notre population masculine y a laissé la vie. Cette attaque de nos ex-alliés, qui a duré 78 jours, n’en a été que plus durement ressentie.

Les Serbes n’ont jamais été de grands diplomates. Nous sommes un peuple de guerriers et l’histoire nous a appris à souffrir. Mais ce qui s’est passé en 1999, nous ne pouvons pas l’oublier. Cette année-là, même Belgrade, notre capitale, a été bombardée. Une bombe a touché le bâtiment de la télévision publique, à 150 mètres de mon appartement. J’étais à la maison à ce moment-là. On a même attaqué des hôpitaux et des école. Certaines munitions contenaient de l’uranium. Ça ne se fait pas. Malgré tous ces bombardements, la vie à Belgrade a continué. Les Serbes ne connaissent pas la peur. C’est parfois cela, leur problème.  »

Ma ville

 » Depuis la Première Guerre mondiale, Belgrade a été complètement détruite à quatre reprises mais à présent, cela ne se voit plus. Nous avons l’esprit ouvert. Belgrade est une ville dynamique qui vit à 100 à l’heure, même la nuit, un peu comme Paris. Par le passé, la frontière entre l’Empire Ottoman et celui d’Autriche-Hongrie se situait à Belgrade. Aujourd’hui encore, dans la capitale, on remarque la différence entre ces styles. D’un côté, l’ambiance est plutôt turque, avec de nombreux marchés et une grande forteresse. De l’autre, les maisons sont plus petites et les rues sont en damier.  »

Mon joueur culte

 » Nemanja Vidic reflète parfaitement la mentalité serbe : il n’a peur de rien, connaît ses qualités et ses défauts, ne pose pas de question et va de l’avant. Il a été formé dans mon club, l’Etoile Rouge de Belgrade, puis prêté à un club de D2. Il a donc commencé en bas de l’échelle puis il est revenu à l’Etoile Rouge, a gagné sa place dans l’équipe et est parti en Russie. C’est là qu’Alex Ferguson (ex-manager de Manchester United, ndlr) est allé le chercher. A Manchester, au cours des six premiers mois, il n’a pas joué mais il a fini par hériter du brassard de capitaine alors qu’il y avait des stars comme Cristiano Ronaldo. Son histoire constitue un bel exemple pour tous les enfants serbes qui jouent au football.  »

Notre bêtise

 » En Yougoslavie, nous avions tout : la mer, les montagnes, les rivières, les canyons… Pour les provocateurs, c’était un terreau fertile. Il y avait des catholiques, des musulmans, des orthodoxes… Mais la réalité, c’est que nous étions très bien lorsque nous étions ensemble. Maintenant, nous sommes tous en train de lutter pour entrer dans l’Union Européenne. Petit à petit, les frontières disparaissent à nouveau. Lorsque le processus sera terminé, nous nous demanderons pourquoi nous avons été assez bêtes pour nous faire la guerre, à quoi ont servi toutes ces victimes. A rien.  »

Kristof De Ryck

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