Albert III

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Le monarque montois s’explique sur tous les dossiers chauds alors que son club aborde sa troisième saison en D1.

Dominique Leone est un homme optimiste. Ambitieux. Heureux. Et fier. Récemment, une vision l’a conforté dans sa conviction qu’il était sur la bonne voie.  » Je me suis retrouvé sur le terrain, avec la nouvelle tribune dans mon dos. Je me suis arrêté et j’ai bien regardé les trois vieilles tribunes qui seront prochainement démolies. Je me suis fait une réflexion : -Dire que tu as bâti une équipe dans un stade pareil, que tu l’as fait monter en D1 et qu’elle vient de s’y maintenir deux années de suite. Je suis vraiment très fier de mon travail « .

Le président de Mons a en effet raison d’être satisfait : son club vient d’entamer un nouveau championnat de première division. Il n’empêche que les moyens utilisés pour sauver l’Albert, la saison dernière, n’ont pas suscité que des commentaires positifs. Entre joueurs confirmés subitement mis au placard et innombrables renforts d’origine italienne dont certains n’étaient visiblement pas plus forts que des exclus, entre guerre ouverte avec un Marc Grosjean qui avait amené Mons au plus haut niveau et travail à la sauce Sergio Brio, entre football béton et grand nettoyage à tous les niveaux du club, la presse fut rarement élogieuse. A raison, selon nous. A tort, selon le boss.

Dominique Leone : Les médias ont été beaucoup, beaucoup trop négatifs avec Mons. J’en suis persuadé. On connaît le principe : certains adorent remplir leurs pages avec des infos provocantes parce que ça fait vendre. Je ne suis pas d’accord. Qu’est-ce que j’ai pu lire comme cancans depuis le début de la saison dernière… Par moments, c’était carrément du harcèlement.

La presse était positive quand Mons jouait bien et est devenue négative quand les résultats n’ont plus suivi : normal, non ?

Je n’ai lu que des éloges lors de notre première saison en D1. Le vent a subitement tourné quand nous avons viré Marc Grosjean. Comme par hasard. Tout le monde sait qu’il a de bons amis dans la presse. D’ailleurs, on continue à l’inviter un peu partout alors qu’il n’a plus de club…

Les journalistes ont le droit de penser que Mons aurait pu se sauver en continuant à faire confiance à Grosjean et au noyau du début de saison dernière. Et en évitant ainsi tous ces mouvements de joueurs et toutes les réactions de grogne.

Impossible. Je suis catégorique. Lors de notre première saison en D1, nous avons bénéficié d’un tas de circonstances favorables, dont la faiblesse passagère d’équipes supposées plus fortes et les faillites de Malines et Lommel. Il y avait aussi Cédric Roussel qui dissimulait nos lacunes. Ce fut, pour nous, le championnat de l’opportunisme. Un gros coup de bluff comme ceux qui ne marchent qu’une seule fois. Si nous avions continué avec Grosjean et le noyau qui avait entamé la deuxième saison, c’était un billet garanti pour la D2. La meilleure preuve, pour moi, c’est la situation actuelle des joueurs auxquels nous avons décidé de ne plus faire confiance, en cours de championnat. Qui a retrouvé de l’embauche en D1 ? Jean-Pierre La Placa, Olivier Berquemanne, Mustapha Douai et Thaddée Gorniak ont signé en D2. David Mounard et Zoran Ban en D3. Chemcedine El Araichi est au chômage. Pourtant, ils étaient tous libres de transfert. Et nous avons dû donner un coup de main à Eric Joly pour qu’il trouve un club écossais de D1.

Vous ne nous enlèverez pas de l’esprit que Joly aurait eu sa place dans une équipe comme celle de Mons !

Je l’aime énormément, Joly. C’est un gars très sérieux. Mais il va avoir 32 ans et Sergio Brio ne l’estimait pas complémentaire avec ses autres joueurs. Je connais plusieurs équipes belges qui cherchaient un renfort pour occuper le poste qu’il avait chez nous, mais aucun de ces clubs ne l’a contacté. Alors que son transfert était gratuit. C’est révélateur, non ?

 » La vente de Wamberto nous a rapporté ce qu’il nous avait coûté. Et il nous a sauvés !  »

Vous avez déclaré, en cours de saison dernière, que vous vous étiez complètement planté dans vos transferts de l’été 2003. Mais il y a aussi pas mal de déchet parmi les joueurs arrivés au mercato !

Il faut analyser au cas par cas. Nous avons estimé que Carlo Cardascio et Alessio Scarchilli étaient trop courts. Nous aurions aimé garder Jari Niemi, mais il était en fin de contrat et n’a même pas voulu rediscuter. Nous n’avons pas trouvé de nouvel accord financier avec Alberto Malusci. Nous avons eu l’occasion de vendre Muhamet Yoldas en Turquie. Et il y a évidemment le cas Wamberto. Il avait signé pour un an et demi à Mons, mais nous lui avions promis de faire un geste s’il recevait une offre d’un bon club après six mois. Quand le Standard s’est manifesté, je n’ai pas voulu manger ma parole.

Combien le Standard a-t-il déboursé ?

Pas une fortune. Une dizaine de clubs ont montré de l’intérêt, et avec ceux-là, nous aurions pu gagner beaucoup d’argent. Avec le Standard, c’était différent. Nous étions vraiment contents pour Wamberto qu’il puisse retourner là-bas. Sa vente nous a rapporté ce qu’il nous avait coûté en salaire pendant une demi-saison. Une excellente opération, puisqu’il était arrivé de l’Ajax pour rien et nous a sauvés. Mais nos ambitions ne collaient plus avec les siennes : il a des objectifs immédiats, directs, alors que nous raisonnons sur le long terme. Une chose est déjà sûre, en tout cas : nous le regretterons.

Pour la deuxième fois en six mois, Mons a transféré un nombre invraisemblable de joueurs.

Il est clair que nous n’irons pas en chercher 10 ou 12 nouveaux chaque année. Cela ne devrait d’ailleurs pas être nécessaire, avec ceux que nous venons de transférer. Ils répondent aux profils que Sergio Brio demandait. La saison dernière, il a sauvé Mons avec le groupe dont il avait hérité. Maintenant, il va travailler avec le matériel qu’il a lui-même voulu.

Il ne devrait donc pas y avoir de mouvement au mercato d’hiver ?

Nous ne ferons plus venir sept nouveaux joueurs, c’est clair.

Mons est l’équipe des presque parfaits inconnus !

Inconnus pour les Belges, peut-être. Mais je peux vous assurer que les joueurs arrivés d’Italie ont une très bonne réputation là-bas. Et de toute façon, j’ai vu beaucoup d’interrogations partout pendant la campagne de préparation. Même au Standard. A part à Anderlecht et à Bruges, c’était assez flou dans nos clubs.

On a eu l’impression que votre club transférait subitement en pleine panique pour avoir un groupe complet en stage.

Faux ! Ceux qui sont chez nous aujourd’hui, n’y sont pas par hasard. Ce sont des transferts programmés depuis trois mois, voire plus. Nous avions une liste d’une trentaine de noms et nous avons fait venir ceux avec lesquels il a été possible de trouver un accord financier.

 » Et pourquoi pas un parcours à la Westerlo ? »

Quels objectifs visez-vous avec ce groupe ?

La colonne de gauche. Si nous terminons autour de la neuvième place, je pourrai dire que nous avons bien travaillé. Et je pense même à un meilleur classement que celui-là : pourquoi Mons ne pourrait-il pas réaliser cette saison ce que Westerlo a fait l’année dernière ?

Vous avez envoyé Sergio Brio et Giocondo Martorelli pendant deux semaines en Amérique du Sud, pour finalement faire venir cinq joueurs d’Italie…

Ils sont quand même revenus d’Amérique du Sud avec un Argentin, Miguel Martin Cortes, et un Brésilien, Daniel De Castro. Si cela peut vous rassurer, sachez que Brio et Martorelli û NDLA : un manager italien qui travaille accessoirement pour Mons en tant qu’indépendant û ne sont pas allés là-bas pour scouter des footballeurs de plage. Ils ont visité de grands clubs comme River Plate. Ils avaient plusieurs noms en vue, mais beaucoup de ces joueurs étaient trop chers pour nous.

Brio n’aurait-il pas mieux fait de rester quelques jours de plus à Mons, après la fin du championnat, pour annoncer les mauvaises nouvelles aux joueurs dont il ne voulait plus ?

Un entraîneur est là pour entraîner, point à la ligne. Les discussions sur les contrats, ce n’est pas de son ressort. Il y a d’autres personnes pour cela.

Mais ces décisions délicates étaient quand même les siennes.

D’autres personnes ont assumé leurs responsabilités. C’est clair que, pour Geo Vanpyperzeele, le manager sportif, et Alain Lommers, le directeur général, ce ne fut pas une journée spécialement agréable… Mais bon, c’est la vie : quand quelqu’un ne convient plus, il faut savoir le lui annoncer.

Sans états d’âme pour de vieux serviteurs du club ?

Evidemment qu’on a des états d’âme. On n’est pas des chiens. Mais il faut savoir passer au-dessus de ces considérations morales : le club devait tirer les conclusions d’une année extrêmement difficile et stressante.

Comment réagit Sergio Brio à toutes les attaques portées contre lui depuis son arrivée en Belgique ?

Ça doit sûrement le blesser. D’autant que ces attaques sont terriblement injustes. L’homme s’investit à 1.000 % dans son travail pour le club. C’est un grand professionnel qui consacre de 12 à 13 heures par jour à son métier. Il arrive tôt au club et part tard, tout cela pour se faire démolir. Moi, je dis qu’on pourra enfin le juger valablement à la fin de cette saison. Quand il aura fait un championnat complet avec un groupe formé par ses soins. Avant cela, tout jugement sera erroné.

Vous ne doutez pas de sa réussite ?

Pas du tout. Il a toujours eu toute ma confiance. Brio et moi, nous donnons rendez-vous à tout le monde sur le terrain.

Sa relation avec les joueurs est contrastée depuis le début.

Il veut travailler à Mons comme il a appris à bosser à la Juventus et avec Giovanni Trapattoni. Mais je comprends que, pour certains joueurs, son palmarès ne soit pas facile à gérer.

C’est surtout son sens de la discipline qui semble difficile à gérer…

Le problème, c’est que les joueurs de la saison dernière avaient pris de mauvaises habitudes. C’est comme un arbre qui pousse de travers : il arrive un moment où il est extrêmement compliqué de le remettre droit. Brio a pris les commandes d’un groupe qui avait perdu la notion de discipline depuis plus d’un an. Comment aurait-il pu faire des miracles ?

Il a choqué en allant saluer le public et en buvant le champagne en public après le 0-9 contre Bruges. Même si le maintien devenait mathématique ce soir-là, ce n’était pas vraiment approprié !

Pour lui comme pour moi, la mission était enfin accomplie. Brio est un gars entier et l’a bien montré ce soir-là. Certains supporters ont bien réagi, d’autres moins bien. Enfin bon, pour un supporter de la victoire, je comprends qu’une gifle pareille fasse très mal.

A-t-il l’intention de soigner un peu le spectacle cette saison ?

Oui. Mais pour pratiquer un football offensif et spectaculaire, il faut des joueurs capables de le faire. Nous ne les avions pas la saison dernière. Mons devait s’adapter chaque semaine à l’adversaire. J’espère que ce sera désormais l’inverse. Le noyau actuel est plus offensif et plus homogène, mais aussi plus jeune, plus dynamique, plus complémentaire et plus motivé. Et ces joueurs ont plus de football dans les pieds que ceux de la saison passée.

 » Casto s’est excusé platement  »

Ne vous êtes-vous jamais ennuyé aux matches de votre équipe ?

J’étais trop stressé pour m’ennuyer. Croyez-moi : jouer la 15e, la 16e ou la 17e place pendant une saison complète, ce n’est pas drôle du tout.

Niemi serait peut-être resté si Mons avait été plus audacieux la saison dernière.

C’est lui qui le dit. Il a peut-être raison. Je me contenterai de répondre qu’il a respecté son contrat, et nous le nôtre. Il est parti en fin de championnat : chacun fait son chemin.

Suray a failli partir, lui aussi, après une discussion orageuse avec la direction.

Il est toujours sous contrat, il est toujours là et il est toujours capitaine…

Vous reconnaissez quand même qu’il y a eu un gros clash ?

Je parlerais plutôt d’une grosse incompréhension entre Suray et certaines personnes du club. Il voulait un nouveau contrat, augmenté. Je lui ai dit d’attendre la fin de cette saison. S’il était venu avec la même revendication après un championnat euphorique, nous lui aurions sans doute accordé ce qu’il réclamait. Mais, vu la conjoncture, nous devons surveiller nos dépenses. Je ne vous apprends rien en vous disant que, depuis janvier, la masse salariale a complètement explosé.

Quel est votre budget ?

Il frôle les 5 millions d’euros. C’est un peu plus que la saison dernière.

Avez-vous vraiment espéré le retour de Roussel ?

C’était une de nos priorités, mais le décalage entre notre offre et ce que Genk exigeait était vraiment trop énorme.

Vous avez été outré par l’interview que Marco Casto nous a accordée récemment : c’est vrai qu’il ne vous épargnait pas…

Il m’a téléphoné après la parution de cet article et s’est excusé platement. Ses paroles ont dépassé sa pensée. Il n’y avait aucune logique dans tout ce qu’il racontait. Pour son image, ce n’est en tout cas pas très intelligent d’avoir tenu des propos pareils.

Pourquoi ne l’avez-vous pas conservé ?

C’est un garçon sérieux et plein de bonne volonté, mais trop court pour Mons.

Et El Araichi, l’enfant du club viré après avoir dépanné efficacement pendant une demi-saison ?

Il était en fin de contrat, nous avons respecté nos obligations. Nous avons surtout trouvé plus fort sur le marché. Aujourd’hui, Brio a Marco Ingrao pour jouer à sa place.

Et Douai ? Et Gorniak ? Et La Placa ? Eux aussi des gars de l’Albert ?

Ecoutez, je n’avais pas envie de souffrir à nouveau pendant une saison complète en fond de classement. Nous avons fait le pari d’un nouveau noyau avec une nouvelle mentalité.

Pierre Danvoye

 » On pourra enfin JUGER SERGIO BRIO au mois de mai  »

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