Ajax touch

Successeur de Mathijssen, le nouvel entraîneur néerlandais doit redonner une âme au Club.

Adrie Koster (54 ans) va bientôt quitter son domicile de Nuenen, près d’Eindhoven, pour un appartement à Bruges, dont il devient le sixième entraîneur néerlandais. Jaak de Wit et Frans De Munck n’ont pas eu de succès, Leo Canjels, Han Grijzenhout et Henk Houwaart ont été champions au moins une fois avec le Club.

Que voulez-vous apporter au Club ?

Adrie Koster : Ma philosophie du football. J’aime qu’on prenne des initiatives quand on a le ballon, pour attaquer. A chaque match, même s’il y a des nuances dans la façon d’y arriver. Je dépends donc du potentiel de mes joueurs.

Où avez-vous acquis votre vision ?

J’ai toujours aimé le style de l’Ajax, mon club depuis l’enfance. J’ai été ailier droit. Prendre des initiatives, chercher le chemin le plus court vers le but a toujours été mon style de jeu. Au fil des années, j’ai constaté qu’un entraîneur au passé d’attaquant a un autre regard que celui qui était défenseur. Je comprends que les équipes moins fortes adoptent une autre tactique pour grappiller des points. Je ne leur reproche pas de jouer ainsi contre le Club. Ce sera à nous de gérer ces situations.

Vous avez beaucoup travaillé avec des petits clubs obligés de s’adapter à leur adversaire. N’avez-vous pas songé à modifier votre vision ?

Non. Partout, le problème est : que faire quand j’ai le ballon ? Jouer ou pas ? Nous avons toujours joué, en tentant de lancer une attaque et de marquer. Je ne me souviens pas avoir jamais refusé de jouer. Il faut tenir compte des 20.000 spectateurs dans les tribunes, même s’ils supportent l’adversaire. Je ne fais pas non plus de différence entre les matches à domicile et à l’extérieur.

Les joueurs des petites équipes ne veulent-ils pas davantage de sécurité ?

Quelle sécurité le fait de jouer à huit derrière le ballon confère-t-elle ? Mes joueurs peuvent être eux-mêmes sur le terrain. Ils savent que mon approche fournit des résultats. Bétonner contre une grande équipe n’apporte rien. On perd quand même, sans avoir rien essayé. J’essaie de concevoir un système qui permet de jouer en possession du ballon.

Carrière brisée

Ces vingt dernières années, sur quoi vous êtes-vous concentré ? Améliorer les joueurs, l’équipe ou obtenir des résultats ?

Les trois. La victoire fait partie du processus de développement d’un joueur. Il ne faut pas être naïf : quand certains prennent des initiatives, d’autres doivent défendre. Cet équilibre est essentiel. Le résultat et la manière sont un tout. Il faut trouver un style de jeu qui convient aux joueurs et au public.

On dit que vous préparez très bien vos joueurs…

Ils sont les maîtres sur le terrain. Ils doivent observer, chercher les possibilités. J’espère qu’ils le découvrent eux-mêmes sinon, j’interviens. Je ne peux pas tout mâcher : chaque situation est différente. Les grands joueurs effectuent les bons choix.

En Belgique, on s’imagine que les Pays-Bas sont obligés de jouer en 4-3-3.

C’est inexact. L’AZ va être champion en évoluant en 4-4-2. Son football est superbe et il encaisse peu de buts. Mais il est vrai que beaucoup de clubs s’inspirent des succès de l’Ajax et préfèrent le 4-3-3.

Avez-vous toujours joué en 4-3-3 ?

Oui mais je suivais mon défenseur quand il montait. Ainsi, il ne participait pas au jeu – moi non plus s’il était fort. Entraîneur, j’ai souvent opté pour cette tactique mais les véritables ailiers sont en voie de disparition, y compris aux Pays-Bas. Nous essayons d’en former mais ils ne peuvent rester sur leur ligne. Ils doivent converger vers l’axe pour laisser des espaces à un défenseur latéral ou appeler le ballon. Les grands matches sont décidés par des joueurs aptes à se mouvoir dans des espaces très restreints, à délivrer la passe finale et à placer un coéquipier en situation de marquer. C’est la différence entre l’élite et l’étage inférieur.

Vous avez les plus longs états de service comme entraîneur pro aux Pays-Bas.

J’ai commencé tôt puisqu’une blessure aux ligaments croisés a mis un terme prématuré à ma carrière active. Pendant ma revalidation, j’ai suivi les cours d’entraîneur, pour me distraire. J’étais au PSV. Je me suis découvert l’envie de transmettre aux jeunes joueurs le plaisir que j’avais eu pendant cinq ans.

Qu’est-ce qui vous plaît le plus ?

Etre sur le terrain, dehors, tous les jours, avec les joueurs. J’ai le sourire aux lèvres et je veux que les joueurs l’aient. Il faut éprouver du plaisir en football.

Une approche humaine

Vous avez la réputation d’être très humain.

Je ne crie pas. Sinon, que faire quand ça ne va pas ? Crier encore plus fort. Parfois, il faut être au-dessus de la mêlée mais on remarque très vite, au langage corporel des joueurs, s’ils se sentent bien dans leur peau ou pas. Dans ce dernier cas, je prends le joueur à part. Il faut prévenir les problèmes.

Votre approche vous vaut-elle le respect ?

J’estime normal d’être humain avec les autres. J’explique au réserviste pourquoi il ne joue pas. Ainsi, il peut réagir pour revenir dans l’équipe. Un footballeur détermine beaucoup de choses lui-même. L’entraîneur opère un choix entre ceux qui sont prêts. Je ne pense qu’à l’intérêt général.

D’où vous viennent vos valeurs ?

De mon éducation. Il faut se comporter normalement, rester soi-même, où qu’on travaille. Sinon, on ne tient pas vingt ans dans ce métier.

Avez-vous un plan de carrière ?

Non, car il est impossible de planifier quoi que ce soit dans ce métier. Joueur, je me fixais des objectifs. J’étais incroyablement fanatique. D’abord, j’ai voulu devenir professionnel. Ensuite, j’ai élaboré un plan : trois ans au PSV puis le Mondial espagnol et un club étranger. Nous ne nous sommes pas qualifiés pour le Mondial puis je me suis blessé. J’ai compris qu’il ne servait à rien de faire des projets. Je n’ai un manager que depuis que je suis à l’Ajax.

Pourquoi avez-vous commencé à jouer à 14 ans seulement ?

De sept à 14 ans, je me suis adonné à l’athlétisme et à la gymnastique. Zierikzee est loin de tout. Il n’y avait pas encore de pont et le scouting était inexistant. Mon entourage m’encourageait. J’ai effectué mon service militaire mais l’équipe était réservée aux joueurs des deux premières divisions. J’ai suivi une formation à Heerenveen. En 1977, Beveren et Roda JC se sont présentés. Beveren m’obligeait à débuter en jeunes. J’avais 22 ans, je voulais l’équipe fanion. Ce fut donc Roda.

Pourquoi vous expatriez-vous aussi tard ?

Pour raisons familiales. Il y a deux ans, je pensais déjà à l’étranger mais Martin van Geel m’a convaincu de rejoindre l’Ajax. Un réseau de connaissances aide mais l’essentiel est la façon dont on fait jouer son équipe.

Vous avez entraîné l’Ajax : cela a-t-il modifié vos ambitions ?

J’ai eu diverses possibilités. Aucune n’était irrésistible et je n’ai pas été contacté par un grand club non plus. On peut être un grand coach un cran plus bas, si on retire le maximum de ses joueurs. Il est parfois même plus difficile de travailler dans un petit club, avec peu de matériel.

D’aucuns se demandent si vous êtes capable d’entraîner un grand club belge.

Je l’ai prouvé durant les huit mois que j’ai passés à la tête de l’Ajax. C’est un tout grand club, la pression y est très forte.

Allez-vous vous adapter au foot belge ?

Le Club m’a demandé de placer mes propres accents. Je vais le suivre intensément dans les semaines à venir, pour me faire une idée du potentiel joueurs.

geert foutré- photo: reporters/beddegenoodts

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