Aimé ? PAS Aimé ?

Comme il y a deux ans en qualifications de l’EURO 2004 contre la Bulgarie, les Diables Rouges ont commencé leur campagne par un faux pas à domicile.

Certes, il est de bon ton de rester optimiste. Et, donc, chacun se force à penser que les chances de qualification pour une septième Coupe du Monde consécutive ne sont pas, déjà, sérieusement compromises. Pourtant, il faut se rendre à l’évidence : ces deux points perdus contre la Lituanie, il faudra aller les récupérer ailleurs. Et, dans un groupe ardu, ce sera tout sauf aisé.

Dans le clan des joueurs, le sentiment général pouvait se résumer à ceci :  » On avait fait le plus difficile en ouvrant la marque, puis on a encaissé un bête but « .

Et du côté de l’entraîneur ?  » Je ne peux rien reprocher à mes joueurs « , estime AiméAnthuenis.  » Ils ont fait ce qu’ils ont pu. Physiquement, ils ont tout donné. On a obtenu de nombreux corners et on s’est créé des occasions, mais on n’est pas parvenu à les concrétiser. Cela peut s’expliquer par un manque de finesse, ou un temps de réaction trop lent. Beaucoup de joueurs ne sont pas titulaires dans leur club et n’ont peut-être pas la fraîcheur d’esprit qui leur permet de prendre la bonne décision au moment voulu « .

La semaine avait déjà mal commencé pour Aimé Anthuenis qui, lors du premier entraînement à Coxyde, comptait ses joueurs valides. ErwinLemmens se ressentait toujours d’une vive douleur aux testicules, consécutive à un contact lors d’un match en Coupe de Catalogne. Il aurait pris trop de risques en jouant et le coach fédéral avait décidé de rappeler FrédéricHerpoel. WalterBaseggio était retourné à Bruxelles, consulter le médecin d’Anderlecht pour ses problèmes de dos, et allait finalement devoir renoncer. Aimé Anthuenis rappela Grégory Dufer.

 » Parce qu’il est capable d’évoluer à la fois dans l’axe et sur le flanc droit, au cas où Mbo Mpenza devrait renoncer également « .

RobertoBisconti, lui, avait été exempté afin de lui permettre d’aller signer son contrat à Nice. Mbo Mpenza et Eric Deflandre s’étaient contentés de trottiner : l’un, blessé à la main, et l’autre, au tendon d’Achille, allaient finalement pouvoir s’aligner. Mais ils n’allaient pas tenir le coup longtemps : le premier dut renoncer après une vingtaine de minutes, le second après 45 minutes, pour des blessures qui n’avaient aucun rapport avec la gêne qu’ils ressentaient en début de semaine : ils furent victimes d’un coup direct sur le genou, et tout le flanc droit s’en trouva décapité. La suite, on la connaît.

Quelles conclusions peut-on tirer ?

1° Chaque but encaissé par les Diables Rouges est qualifié de bête. Mais cette mésaventure survient trop fréquemment.

2° La Belgique s’est créé des occasions, mais a inscrit son seul but sur un coup franc. On connaît les difficultés qu’éprouvent les Diables Rouges lorsqu’ils doivent faire le jeu, et dans ce domaine, rien n’a changé. Dans un match fermé, la solution devait forcément venir d’une phase arrêtée. Le coup franc de WesleySonck a permis de débloquer la situation. Mais cet avantage n’a pas pu être préservé.

Aimé Anthuenis a expliqué les occasions ratées par le fait que trop de joueurs sont réservistes dans leur club. Pourtant, dans la semaine précédant le match, il estimait que cette situation ne représentait pas un problème en ce début de saison.

Fallait-il, pour autant, tout chambouler et ne convoquer que des joueurs titulaires dans leur club ? Pas nécessairement. Aimé Anthuenis s’est efforcé, tout au long de la campagne de préparation, à former un groupe. Il s’y est tenu, et de ce point de vue, on peut considérer qu’il est resté fidèle à sa ligne de conduite. On constate les difficultés qu’éprouvent les entraîneurs de clubs à créer des automatismes au sein de leur effectif chamboulé, alors qu’ils disposent de six à sept semaines de préparation. En équipe nationale, où les joueurs ne se voient qu’épisodiquement, c’est encore plus difficile. Or, on connaît l’importance qu’ont toujours recelée les notions de groupe et de collectivité chez les Diables Rouges. Par ailleurs, disposait-il de beaucoup d’autres solutions ?

Manque de communication ou de réaction ?

Au but, Aimé Anthuenis avait accordé la préférence à TristanPeersman, qui est réserviste à Anderlecht alors que Frédéric Herpoel, titulaire à La Gantoise, s’est assis sur le banc chez les Diables Rouges. Une anomalie ? Pour certains, oui. Mais on ne peut rien reprocher à Peersman. Il a bien négocié les rares ballons qui lui ont été adressés, notamment sur un très beau coup franc de RobertasPoskus en tout début de match.  » J’ai l’habitude d’avoir peu de ballons à négocier « , souligne le gardien n°2 des Mauves.  » A Anderlecht, lorsque je joue, il n’en va pas autrement. L’important, dans ces conditions, est de rester concentré « .

En défense centrale, Anthuenis avait opté pour la paire DanielVanBuyten-TimmySimons, qui ne s’est pas mal débrouillée.  » Le Brugeois avait déjà joué avec Van Buyten et avec VincentKompany « , explique Aimé Anthuenis.  » Par contre, Van Buyten et Kompany n’avaient encore jamais évolué ensemble. Je n’allais pas tenter l’expérience pour le premier match officiel « .

Les phases arrêtées, péché mignon des Diables Rouges lors des dernières sorties, avaient été travaillées.  » Mais n’en déduisez pas qu’on ne les avait jamais travaillées précédemment « , insiste Timmy Simons.  » Ce n’est pas dans un manque d’exercice que résidait le problème « .

 » Plutôt dans un manque de communication et de dialogue entre nous « , précise Daniel Van Buyten.

 » Ce n’est pas un problème de communication, mais d’exécution des consignes et de vitesse de réaction aux indications lancées par un partenaire « , corrige Simons  » Samedi, sur les phases arrêtées, on nous avait aussi demandé de surveiller un homme individuellement, plutôt que dans la zone. Les consignes d’avant match sont claires, mais il faut parfois pouvoir s’adapter en fonction d’une situation de match. On devrait aussi, de nous-mêmes, prendre plus rapidement position, car dans le football moderne, tout va très vite « .

Ce temps de réaction trop lent a encore été constaté samedi soir, sur le but encaissé, même s’il ne résultait pas d’une phase arrêtée.

Et offensivement ?  » On a joué contre un mur « , regrette Mbo Mpenza.

 » Pour le perforer, on a d’abord essayé de procéder par de longs ballons « , constate Timmy Simons.  » Sans succès, car ceux-ci revenaient aussi vite. Après, on a essayé de progresser par passes plus courtes. C’était un peu meilleur, mais néanmoins, on n’est pas parvenu à trouver l’ouverture sur une phase de jeu classique « .

Plus à l’aise en Espagne ?

Et les observateurs extérieurs, qu’ont-ils pensé de la prestation des Diables Rouges ?

RobertWaseige, le prédécesseur d’Aimé Anthuenis à la tête des Diables Rouges, était à Annaba pour préparer le match face au Gabon.  » J’ai eu beau chercher un poste qui retransmettait Belgique-Lituanie, je ne l’ai pas trouvé « , déplore-t-il.  » Par contre, j’ai vu France-Israël. Les Français, eux aussi, ont concédé le match nul à domicile face à une équipe à leur portée. C’est un cliché, mais il n’y a plus de petite équipe « .

GeorgesLeekens, qui assistait à un mariage samedi soir, n’a pas, lui non plus, vécu le match en direct, mais il avait pris la précaution de brancher son magnétoscope pour visionner la cassette le lendemain :  » Ce partage face à la Lituanie est un mauvais résultat, qu’il faudra compenser par une victoire en Espagne. Utopique ? Pas nécessairement. Les Espagnols n’ont pas particulièrement brillé, eux non plus, dans le match amical qu’ils ont disputé vendredi contre l’Ecosse. En outre, les Diables Rouges ne sont jamais aussi forts que lorsqu’ils peuvent aborder un match en qualité d’outsiders. J’ai d’ailleurs l’impression qu’ils ont davantage préparé le match de Santander que celui de Charleroi : avec des déplacements en Allemagne, aux Pays-Bas et en Norvège, ils se sont souvent retrouvés dans les conditions qu’ils connaîtront au-delà des Pyrénées « .

PaulVanHimst, désormais ambassadeur de l’Union Belge, était déçu lui aussi :  » Samedi, c’était un match de m… : quelques occasions manquées, un bête but encaissé, et on se retrouve avec un résultat pareil. On avait affaire à une équipe fort agressive, et difficile à man£uvrer, mais il aurait fallu tuer le match en faisant courir l’adversaire derrière le ballon. On a essayé de procéder par de longs ballons, mais derrière, les Lituaniens renvoyaient tout de la tête. Il aurait fallu jouer au sol, tenter des combinaisons ou des débordements, qu’on a vus trop rarement. Mais il ne faut pas trop verser dans le négativisme. On connaît nos qualités et nos défauts, qui n’ont pas changé depuis la nuit des temps. Même si on a déjà possédé une équipe plus talentueuse que l’actuelle… Physiquement et mentalement, on n’est pas mal. On manque peut-être, à la base, d’un peu de talent technique et de classe pure pour pouvoir démanteler une défense hermétique. Les prestations fournies aux Pays-Bas et en Norvège avaient incité à l’optimisme, mais c’étaient des matches où l’on bénéficiait de plus d’espace et où l’on pouvait jouer en contre « .

Le deuxième ballon

PhilippeSaintJean, actuel entraîneur de l’Excelsior Mouscron et ancien entraîneur de jeunes à l’Union Belge, veut malgré tout relever des points positifs :  » Quoi qu’on en dise, j’ai vu une véritable équipe sur le terrain, composée de joueurs qui en voulaient. J’ai été surpris que le public carolo n’ait pas applaudi, car les Diables Rouges ont tout donné, même si tout n’était pas parfait. On a encaissé un but stupide parce qu’on n’a pas réagi au deuxième ballon. Ce n’est pas la première fois qu’une erreur est commise en défense, mais c’est précisément la raison pour laquelle Aimé Anthuenis s’efforce de conserver la même équipe : il espère, de cette manière, créer des automatismes. En Norvège, les défenseurs n’avaient pas touché un ballon de la tête. Samedi, Daniel Van Buyten les a touchés, mais quelqu’un devait aussi être présent sur le rebond. C’est une faiblesse générale du football belge : l’équipe nationale reflète le travail effectué dans les clubs, et dans la plupart des clubs belges, y compris à Mouscron, on rencontre beaucoup de problèmes avec ces deuxièmes ballons.

On a aussi constaté un manque de créativité et de profondeur dans le jeu ? Dans les clubs, les postes importants sont tous pris par des étrangers. Les joueurs belges créatifs sont rares. JonathanBlondel, qui a brillé vendredi avec les Espoirs, est en train de revenir et il faut s’en réjouir. MaartenMartens, qui s’est exilé aux Pays-Bas pour s’aguerrir, pourrait aussi apporter une solution à l’avenir. En matière de créativité, il faudrait peut-être aussi songer à ChristopheGrégoire, qui pourrait apporter ce qui manque à ce niveau. Personnellement, je ne suis pas catastrophé par le partage concédé par les Diables Rouges. Les Lituaniens n’étaient pas faciles à prendre et ont joué très durement. A plusieurs reprises, j’espérais qu’un de leurs joueurs aurait été amené à quitter le terrain pour un deuxième carton jaune, étant donné le nombre de fautes qu’ils commettaient. En supériorité numérique, les Diables Rouges auraient sans doute pu éclaircir la situation. Rien n’est compromis, à condition d’aller gagner à Vilnius au match retour. Ce qui serait compromettant, ce serait de devoir tout changer. Aimé Anthuenis ne le fera pas : il a eu la bonne réaction en déclarant qu’il n’avait pas été déçu par ses joueurs « .

Cette sérénité dont a témoigné Anthuenis au coup de sifflet final n’a pas étonné FrankyVercauteren, qui l’a côtoyé en qualité d’adjoint à Anderlecht :  » Il était obligé de se comporter de la sorte : le coach doit montrer l’exemple. En son for intérieur, je suis persuadé qu’il était extrêmement déçu : il est conscient d’avoir commencé la campagne par un faux pas, qu’il faudra rattraper ailleurs. Où ? En Espagne, ce sera difficile, mais peut-être en Bosnie-Herzégovine ou en Serbie & Monténégro. Et, dans le même temps, on ne pourra plus se permettre de gaspiller le moindre point à la maison. Il faut rester positif et optimiste, mais aussi réaliste, et se rendre compte qu’on a perdu deux points précieux. Sur le match proprement dit, je ne peux pas dire grand-chose : j’ai profité de ce week-end libre pour consacrer un peu de temps à la famille et je n’ai vu que les buts. Sur celui qu’on encaisse, le ballon n’est pas très bien dégagé, mais on aurait aussi dû être présent sur le deuxième ballon. En outre, on n’a pas abordé ce match dans les meilleures conditions : certains joueurs jouent peu dans leur club, d’autres û comme Walter Baseggio û ont dû déclarer forfait et d’autres encore û comme Mbo Mpenza et Eric Deflandre û se sont blessés très rapidement durant le match. C’est un ensemble de circonstances qui peut expliquer que les Diables Rouges ne soient pas, actuellement, au sommet de leur forme « .

Daniel Devos

 » Un manque de créativité ? Dans les clubs, LES POSTES IMPORTANTS sont tous pris par des étrangers  » (Philippe St Jean)

 » Samedi, c’était UN MATCH DE M… Il aurait fallu tuer le match en faisant courir l’adversaire derrière le ballon  » (Paul Van Himst).

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