Ahurissement

Je fouine dans le dico, je cherche un mot plus fort :  » hébétude  » n’est pas mal non plus, mais je voudrais plus fort encore. Je suis anéanti d’hébétude ahurie depuis la dernière trouvaille de nos instances urbsfeuses, en l’occurrence se demander si La Louvière n’a pas contrevenu à l’article VII/81 du règlement fédéral en championnat contre Bruges, pour avoir aligné de jeunes joueurs au lieu des titulaires (et préserver ceux-ci en vue du match de Coupe quatre jours plus tard), La Louvière se serait  » affaiblie volontairement dans le but de fausser le résultat d’un match « , elle aurait  » donné un avantage appréciable à des joueurs d’un autre club « .

Faut-il rire ou pleurer face à pareille initiative d’enquête fédérale ? Ici, très sérieusement, il s’agit d’en pleurer.

Soit le Parquet fédéral a agi sur plainte. Des bruits ont couru qu’Anderlecht avait râlé par rapport à l’initiative louviéroise, et aurait envisagé le coup de l’arrosé arroseur. Voici quelque temps, rappelez-vous, en s’arc-boutant sur une interprétation discutable des textes, les Loups avaient teigneusement harcelé les Mauves via cette histoire de ballon crevé, pour finir très normalement par ne pas avoir gain de cause : de là à penser qu’ils ont aligné leurs jeunes en championnat (où ils sont à l’aise) dans le but d’emmerder Anderlecht plutôt que dans celui de garder leurs titulaires bien au frais pour la Coupe (où ils pouvaient rêver d’exploit), il y a un pas mesquin à ne pas franchir.

Et si par hasard les Mauves l’avaient mesquinement franchi en étant à leur tour teigneux, en s’appuyant cette fois sur l’équivoque article VII/81 pour râler à leur tour officiellement, la fédé n’avait qu’une chose à faire : recevoir la plainte sans esbroufe, la rejeter et gronder les Mauves pour leur infantilisme.

Soit le Parquet fédéral (version le plus souvent avancée) a agi d’initiative  » pour marquer le coup vis-à-vis de l’opinion  » : pour affirmer haut et fort sa vigilance vis-à-vis de tout ce qui peut dénaturer ce florilège de valeurs humanistes qu’est notre championnat de football ! Là, je ricane au carré, au cube, à la 11e puissance ! Si tu transfères une nouvelle équipe au mercato, ça n’empêche pas la compétition de rester saine et belle ; mais si tu alignes tes gamins lors d’un match non prioritaire à tes yeux, tu es un salopard de saboteur sans morale qui fausse la compétition !

Ça s’appelle balayer devant la porte des autres, jouer les probes, être plus catholique que le pape même quand il est mort, stigmatiser la paille d’un club pour mieux masquer ta poutre fédérale ! La Louvière a fait un choix, pas grandiose aux yeux des c£urs purs, mais autorisé : voir l’URBSFA jouer les mères la pudeur en pareil cas, c’est voir une organisatrice de compétitions fustiger les conséquences malheureuses de sa propre organisation.

L’histoire du foot est bourrée de pareils cas de figure : pourquoi en stigmatiser un ? Bruges a aligné ses jeunes contre l’Olympic en Coupe, aurait-il été puni pour avoir  » faussé la Coupe  » si ses jeunes avaient échoué ? Quand un coach met au repos deux ou trois de ses titulaires en espérant pouvoir vaincre sans eux (ou en estimant avoir peu de chances de vaincre, même avec eux), ça s’appelle du coaching à long terme : et quand c’est quatre ou cinq, ça s’appelle comment ? A partir de quel nombre cela devient-il de la falsification de compète ? Et si tu alignes tes titulaires dans un match dont tu n’as rien à cirer, mais en leur interdisant d’aller au contact ou de se mouiller le maillot, c’est mieux ?

Partout dans le monde et à tous les niveaux, chaque année en fin de saison, des flopées de clubs du ventre mou terminent en roue libre en introduisant leurs jeunes : et ça peut permettre à un reléguable d’empocher des points, et ça fait râler alors un autre reléguable concurrent du premier ! C’est comme ça, c’est inhérent à la nature même d’un championnat où, à certains moments, certains matches sont moins importants que d’autres…

Quant à l’irritation du procureur fédéral parce que Filippo Gaone a employé le terme  » Gestapo  » à propos de son petit bonjour impromptu, faudra expliquer au délicat René Verstringhe ce qu’est une hyperbole (énervée, et à juste titre) : moi, j’aime bien quand Filippo, nature, manie la métaphore…

Bernard Jeunejean

Partout dans le monde et à tous les niveaux, des flopées de clubs du ventre mou TERMINENT EN ROUE LIBRE en introduisant leurs jeunes

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire