Agressivité exigée

Le nouveau directeur commercial molenbeekois dresse le bilan de ses trois premiers mois d’activité.

Le personnage de Jean-Marie Pfaff n’a jamais laissé indifférent. Son succès a engendré la jalousie de certains. Sa promptitude à se placer face aux caméras en a irrité d’autres. « Je n’ai jamais recherché la publicité », se défend-il. « Ce sont les journalistes qui sont venus me chercher ». Depuis trois mois, il se calfeutre dans un bureau du stade Edmond Machtens. Quelques améliorations au sein du club portent déjà sa griffe. D’aucuns lui reprochent d’outrepasser son rôle de directeur sportif pour se mêler de la gestion sportive. Là encore, il s’en défend.

Pourquoi avez-vous lié votre destinée au RWDM?

Jean-Marie Pfaff: Messieurs De Prins et Schoonjans m’ont contacté. Les entretiens que j’ai eus avec eux furent positifs. Dès notre deuxième rencontre, tout était en ordre. On m’a demandé de faire profiter le RWDM de mon expérience et de mes relations. J’ai accepté avec plaisir. Le président, Erik De Prins, a connu les années difficiles du club et s’est dépensé corps et âme. Il en a été récompensé par la montée en D1. Je veux l’aider à poursuivre le travail entamé. Ce que je fais, c’est pour le RWDM, pas pour moi. Je n’ai pas besoin de reconnaissance, j’ai déjà bâti ma réputation. Je suis disposé à m’investir à 100%. Mon but est de réaliser quelque chose de bien. En travaillant en équipe et en faisant le maximum avec les moyens limités dont on dipose. Si l’on s’en donne la peine, je crois que nous éprouverons beaucoup de plaisir. Cela vit ici. Il n’y a qu’à écouter l’orchestre pendant le match. Nous avons des supporters fidèles. On voit dans leur regard des lueurs de joie et d’amitié. Le RWDM offre beaucoup de possibilités. Ce club jouit de la sympathie de nombreuses personnes et possède toujours, à mes yeux, un certain standing. Ce serait beau de pouvoir retrouver deux équipes de pointe à Bruxelles.

Pour pouvoir vivre de vraies derbies, comme il y en a à Milan, à Rome, à Londres ou à… Munich?

Tout à fait. L’histoire du football s’est nourrie de ces matches-là. Les gens se passionnent pour ces affrontements. Ils sont synoymes de fête et de folklore. Si l’Union St-Gilloise pouvait, un jour, retrouver l’élite, ce serait encore mieux. Le peuple demande des derbies. Je me réjouis de revoir des Antwerp-Beerschot à Anvers. Et je regrette qu’il n’y ait plus de derbies à Liège.

« Deux clubs bruxellois: c’est une nécessité »

Deux clubs de pointe à Bruxelles, est-ce viable?

Pourquoi pas? Je dirais même plus: la ville en a besoin. Tout le monde serait gagnant dans l’aventure, y compris Anderlecht. A Molenbeek, nous avons beaucoup de respect pour nos puissants voisins. Mais une cohabitation est possible. Il ne faut pas nécessairement vouloir bousculer le Sporting. Il y a de la place pour tout le monde. Dans une ville, les gens doivent pouvoir choisir. Si les gens préfèrent venir au RWDM, parce qu’ils s’y sentent plus à l’aise ou qu’ils n’y sont pas considérés comme un numéro, tant mieux.

Le club est plongé dans des soucis financiers récurrents.

Le football était à l’origine une fête populaire, mais il s’oriente de plus en plus vers le monde des affaires. D’ailleurs, soit dit en passant, j’estime que tous les clubs qui sont encore constitués en asbl devraient être transformés en sociétés anonymes. Les clubs deviennent des petites entreprises. Les hommes d’affaires doivent pouvoir réaliser de véritables investissements. Actuellement, encore trop souvent, les gens donnent de l’argent par sympathie, à fonds perdus. Il ne faut pas toujours vouloir vivre sur un grand pied. On est tributaire de l’argent dont on dispose. Admettons que nous dénichions un gros sponsor. Une banque, par exemple. A Anderlecht, on parle d’un milliard. Ici, de 100 millions. Le plus difficile est de concrétiser. Comme en football: on peut faire circuler le ballon, mais à quoi cela sert-il si on n’inscrit pas de but? C’est plus difficile au RWDM qu’ailleurs. C’est le paradoxe du football: quand on a besoin de soutien, on ne le reçoit pas. Mais lorsqu’on n’en a pas besoin, on le reçoit pour rien. Lorsque l’équipe gagne et que tous les business-seats sont vendus, les sponsors accourent sans qu’il faille lever le petit doigt. Au RWDM, nous n’avons pas cette chance: il faut travailler dix fois plus. Et on n’a pas le droit de se tromper. Si on n’a qu’un million à investir dans l’achat d’un joueur, on ne peut pas en prendre dix en espérant qu’il y en ait un bon dans le lot.

« D’abord le maintien, puis viser plus haut »

Quel est votre objectif?

Dans l’immédiat, le principal est d’assurer le maintien en D1. Si nous y parvenons, ce sera déjà un succès. A plus long terme, le RWDM devrait pouvoir redevenir une valeur sûre de la D1, capable de se classer parmi les dix premiers. Et peut-être, qui sait, remporter une coupe ou participer à la Coupe de l’UEFA? Pour l’instant, je m’attache surtout à restructurer le club, tant sur le plan interne qu’externe. Le RWDM doit devenir plus professionnel. Beaucoup plus. Lorsque je suis arrivé, j’ai été très surpris. Je ne pensais pas que l’on pouvait improviser à ce point-là. Si le RWDM travaille de manière professionnelle et ordonnée, il possède encore un bel avenir.

Qu’avez-vous déjà réalisé, en trois mois?

En un délai aussi court, on ne peut pas faire des miracles. Beaucoup d’efforts ont été accomplis. Et certains détails déjà sont visibles. Par exemple: les joueurs ont désormais un costume.

Certains diront que ce n’est pas le plus important.

Peut-être. Mais cela fait partie d’un tout. Une succession de détails rend la vie plus agréable et confère un certain standing. Il n’est pas indispensable, non plus, de posséder une voiture. Mais lorsqu’on doit se déplacer, c’est plus confortable que de rouler à vélo. Le RWDM peut déjà s’enorgueillir d’une quantité de petites améliorations. Il n’y avait jamais eu d’attaché de presse. Aujourd’hui, il y en a un. D’autres personnes s’occupent de l’accueil des VIP ou des arbitres. La pelouse n’est pas encore parfaite, mais elle est déjà en meilleur état qu’autrefois, parce qu’on s’en est occupé. Depuis que le centre d’activité s’est déplacé dans la tribune où ont été érigés les business-seats, l’autre tribune avait été laissée à l’abandon. Nous sommes en train de la restaurer. On est en train d’y réaménager des vestiaires. Des supporters d’… Anderlecht nous ont aidé dans les travaux. Il y a un nouveau dug-out. Je suis reconnaissant aux bénévoles qui ont mis la main à la pâte. Il faut redonner une âme à ce club. Les sièges étaient peints en vert. A quoi cela rime-t-il? Les couleurs du club sont le rouge, le blanc et le noir, que je sache? On parlait toujours en termes négatifs. L’ancien marquoir, avec l’horloge et le nom des joueurs, ne fonctionnait plus. On a voulu le démolir. Un petit coup de fil a suffi à le remettre en état. N’est-il pas magnifique? Sportivement, nous n’avons hélas pas encore été récompensés des efforts accomplis, car l’équipe est à la traîne. Il y a forcément une différence entre la D2 et la D1. Les joueurs ont montré de la bonne volonté, mais pas encore assez d’agressivité. Il faut réintroduire une mentalité de gagneur, pas de perdant. Je reste optimiste. Si Westerlo est capable d’aller s’imposer à Mouscron et à… Molenbeek, pourquoi le RWDM ne pourrait-il pas aller gagner en déplacement? Je crois que c’était surtout une question de chance, car Westerlo ne s’était pas montré brillant, mais la chance fait partie du football.

Les mensonges de l’ex-entraîneur

Est-ce uniquement une question de chance?

Non, bien sûr. Le RWDM a été fortement handicapé par le fait qu’il a assuré sa promotion via le tour final. Il a commencé à travailler avec un retard par rapport aux autres. La situation a été très difficile dès le départ. J’espère, dès lors, que l’équipe assurera son maintien le plus tôt possible. Si en mars, on est assuré de rester en D1, on pourra voir plus loin. Trouver un sponsor pour un club de D1, ce n’est pas pareil que pour un club de D2. Lorsque les résultats sportifs sont là, le reste devient plus facile. Molenbeek possède une très bonne école de jeunes. Le problème, ce sont les terrains. Il n’y en a pas en suffisance. La commune devrait prendre conscience. Sinon, les jeunes se retrouvent à la rue et risquent de tomber dans le vandalisme. Pour un club, il devient cependant de plus en plus difficile de miser sur les jeunes: les joueurs s’en vont avant qu’ils aient prouvé quoi que ce soit.

Comment se passe la collaboration avec l’entraîneur?

Très bien, pourquoi? Il n’y a aucun problème. Je n’avais d’ailleurs pas davantage de problèmes avec Patrick Thairet.

Ce n’est pas son avis.

Je regrette profondément les propos qu’il a tenus. Ce sont des mensonges proférés dans mon dos. C’est petit. J’ai fait tout ce qu’il m’a demandé, et réciproquement. Je ne me suis jamais mêlé de son travail. Pourquoi doit-il se plaindre? Peut-être parce qu’il a lui-même constaté son incompétence? Sa place est à la commune. Pour le reste, je ne veux plus en parler.

On vous a reproché d’avoir voulu pousser votre ami Stéphane Demol au poste d’entraîneur.

Jamais je n’ai agi en ce sens, je le jure sur la tête de mes enfants. Je connais bien Stéphane Demol. J’ai travaillé avec lui à Turnhout et il est devenu un ami. Il m’a demandé deux places pour le match contre Charleroi. Devais-je refuser? Willy Reynders était d’ailleurs présent au même match. Mais il y en a probablement un qui craignait pour sa place. Je ne suis jamais intervenu dans le choix du nouvel entraîneur. Je suis directeur commercial et je ne me mêle pas de la gestion sportive. Si l’on me demande mon avis, je le donne. Je considère Stéphane Demol comme un entraîneur compétent. Son nom a été glissé dans les conversations, je ne le nie pas. Mais la préférence allait plutôt vers deux ou trois autres candidats. Un choix a été fait, et visiblement, c’est un bon choix. Qui est devenu le nouvel entraîneur du RWDM? Pas Stéphane Demol, que je sache?

Daniel Devos

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