Afrique noire et nuls blancs!

Bernard Jeunejean

De savants analystes glosent ponctuellement sur les variations de la moyenne de buts par match: mais ils font un foin fort prématuré quand celle-ci monte un peu, et sont trop vite paniqués si elle descend un brin. Car la réalité historique est la suivante depuis bientôt 40 ans: aussi tarabiscotées qu’aient été les innovations imaginées pour tenter d’augmenter cette moyenne, celle-ci n’a jamais cessé d’osciller entre 2 et 3, à l’échelle de toute une saison ou de toute une compétition. Soubresauts apparents mais stabilité fondamentale, qu’on aime ou qu’on n’aime pas: je rappelle cette constante mathématique parce qu’actuellement, ce sont tellement les vaches maigres à la CAN que certains y voient l’approche du Jugement Dernier, avant la Descente du foot aux Enfers!

En effet, au moment où je vous cause, les 12 premiers matches de la Coupe d’Afrique des Nations ont amené sept buts en tout et pour tout…ainsi que six nuls blancs qui m’autorisent à ponctuer par six points d’exclamation!!!!!!

Mais à la fin de la CAN, tout sera rentré dans l’ordre ou à peu près, rassurez-vous: suffira d’ici là de jouer un peu plus du sifflet, de désigner quelques points de penalty en plus, de brandir quelques cartons bien rouges afin que s’ouvre davantage le jeu, et les 32 matches de la CAN finiront quand même par générer leur soixantaine de buts minimale pour éviter la honte. En fin de compte, le seul mythe qui aura (re)pris du plomb dans l’aile sera celui du footballeur africain exotique et pulsionnel, sauvage et superbe, plus technique, plus créatif et plus spectaculaire que son pauvre alter ego occidental robotisé.

Faut pas rêver, y’a pas de raison que notre pote black soit demeuré comme ça, vu que son coach en sélection est tout aussi occidental que son club de tous les jours: la mondialisation, le foot connaissait déjà quand les écolos tétaient encore le sein de leur mère.

A ce propos justement, il paraîtrait que la CAN « fausse notre championnat » (sic), en privant certains de nos clubs, plus que d’autres, de certains de leurs joueurs. Là, je m’excuse mais je dois rire aux larmes, et rectifier en hoquetant: la CAN fausseRAIT notre championnat si celui-ci n’était pas déjà de toutes façons complètement faussé sans elle!

Notre championnat, comme d’autres, est un championnat tout au long duquel chaque club ajoute à son noyau n’importe qui n’importe quand dès que les résultats vont mal, et tout au long duquel chaque club vend n’importe qui n’importe où si ça peut lui faire palper du blé inespéré. Notre championnat est ainsi une compétition 100% bidon: et ce ne sont pas trois p’tits tours à la CAN qui en font l’amoralité.

A propos de compétition-bidon, ne profitez pas que Verheyen-mon-chouchou ait échoué pour me faire dire que le Soulier d’Or en est une! Le Soulier d’Or n’est pas une compétition: c’est un événement mondain, pittoresque et futile, comme l’est toute distinction individuelle dans un sport collectif. Sonck mérite autant sa godasse que l’avaient méritée avant lui De Bilde ou Strupar, ou tout autre ayant flambé du tonnerre une saison durant.

Au palmarès des couillonnés (qui n’est pas loin de valoir l’officiel), Verheyen peut être fier de rejoindre Lambert, Baré, Semmeling, Heylens, Claessen, Dockx, Dewalque, Coeck, Lozano, Vandereycken, Nilis, Czernia, Grün ou Wilmots. Je trouve que le profil Poulidor sied fort bien à Gert: raillé comme il l’était encore voici 12 mois en Belgique francophone, Verheyen peut considérer comme une grande victoire d’être « presque » n°1 douze mois plus tard, y compris en Belgique francophone! On l’a écrit et c’est vrai: plus complet que brillant, plus tactique que technique, Gert Verheyen n’aurait effectivement été qu’un Soulier d’Or « à la Belge ». Dans notre petit monde prompt à s’enthousiasmer pour les étoiles fussent-elles filantes, Wesley Sonck est plus normalement un Soulier d’Or « à la foot ».

Bernard Jeunejean

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