Adversité POSITIVE

Bruno Govers

Le stoppeur des Coalisés (qui aurait pu rallier Mons…) ne doute plus du sauvetage des siens.

Une nouvelle coupure de courant, une licence non octroyée : après un début de semaine chahuté dans la coulisse, le FC Brussels a pris une éclatante revanche sur le terrain en disposant de Charleroi au Mambourg : 1-2. Une victoire qui ne souffrait pas la moindre discussion, tant les joueurs de la capitale ont affiché une belle maîtrise au plan des combinaisons, doublée par une concrétisation enfin à la hauteur.

Pourtant, il y avait un air de déjà vu lorsque Toni Brogno, contre le cours du jeu, ouvrit la marque sur un penalty à la Panenka pour ses couleurs. Déjà défaits à 11 reprises par le plus petit écart cette saison, les Coalisés inversèrent, cette fois, la tendance grâce à une deuxième mi-temps d’excellente facture. Alors que le spectre de la relégation hantait à nouveau certains esprits en raison du programme plus léger, sur le papier, d’Ostende face à Lokeren, les troupes de Robert Waseige ont finalement réussi au-delà des espérances en se positionnant provisoirement à la 14e place, devant Mouscron. Un adversaire qu’ils doivent encore rencontrer lors de l’ultime rendez-vous du calendrier après avoir donné la réplique au Cercle Bruges, dimanche prochain.

Laurent Wuillot : Beaucoup redoutaient, chez nous, de se retrouver pour la nième reprise sur un siège basculant au terme de cette 32e journée, dans la mesure où nous avions un déplacement périlleux à négocier chez les Zèbres tandis qu’Ostende était opposé à une équipe de Lokeren complètement démobilisée en championnat. Il va sans dire que ce succès chez les Zèbres constitue pour nous un résultat tout à fait inespéré. Pourtant, nous ne l’avons pas vraiment volé. A la mi-temps, tout le monde s’est dit qu’il y avait moyen de surprendre cette formation carolo, manifestement gênée par notre bonne organisation, malgré son avance à la marque à ce moment. Ce n’est que justice, si nous sommes parvenus à renverser complètement la vapeur. Nous n’avions jamais été aussi fringants qu’au Mambourg cette saison. L’inspiration était présente, aussi bien dans l’élaboration des mouvements qu’à la conclusion. Sans compter que nous avons parfaitement réussi également à dérégler le jeu de nos adversaires. Si tout le monde a bien tiré son épingle du jeu, je m’en voudrais de ne pas mettre en exergue le rôle de notre entrejeu qui, en étouffant son homologue, a obligé les Carolos à procéder par de longues balles à suivre sans véritable danger. Richard Culek a été précieux, comme d’habitude, et Alan Haydock souverain. Mais que dire alors de Wery Sels, qui a livré son meilleur match chez nous ou de Christ Bruno qui, dans une position inhabituelle pour lui de demi défensif, a récupéré un nombre incalculable de ballons. C’était du grand art face à des Zèbres qui ne sont tout de même pas les premiers venus.

Indépendamment de votre victoire, amplement méritée, vous attendiez-vous au superbe parcours réalisé par Charleroi cette saison ?

Personne, même le plus inconditionnel des Zèbres, n’aurait pu prévoir semblable campagne d’anthologie. Toutefois, j’étais à peu près certain, en début de saison, que le club poursuivrait sur sa belle lancée de la fin d’exercice passé, quand Jacky Mathijssen avait brillamment pris la relève de Robert Waseige. Ce qui me confortait dans cette idée, c’était tout simplement la politique suivie par la direction en matière de transferts. Dans les hautes sphères zébrées, chacun avait manifestement compris qu’en dépit des résultats affligeants enregistrés au cours des deux premiers tiers de la compétition, le groupe des joueurs recelait malgré tout une certaine valeur, pour ne pas dire une valeur certaine. Au lieu de tout chambouler, la famille Bayat a eu la sagesse d’£uvrer dans la continuité en conservant l’essentiel de ses forces vives et en y adjoignant l’un ou l’autre éléments conférant réellement un plus à l’ensemble, comme Toni Brogno, sans oublier la révélation qu’est Izzet Akgül, bien sûr. De la sorte, le Sporting, après une période de rodage bien compréhensible, a eu tôt fait de trouver sa vitesse de croisière, affichant dès ce moment une régularité de tous les instants en championnat. Il est symptomatique de constater que l’exemple des Zèbres se vérifie aussi chez d’autres entités qui n’ont pas bouleversé leur effectif durant l’été. Je songe au Club Bruges, à Anderlecht voire à Westerlo… En revanche, tous ceux qui ont traîné avant de dégager un onze de base susceptible de faire l’affaire ont éprouvé des difficultés à se réaliser. Et ce, à tous niveaux. Je songe notamment au Standard, en haut du panier, mais également aux mal lotis. Comme Mons, le FC Brussels et Ostende.

Entre Ostende et Mons

Lors de la trêve hivernale, certains prétendaient que le club ayant réussi les meilleures acquisitions durant cette période se sauverait. Aucun, à l’évidence, ne s’est vraiment dégagé. Même le FC Brussels reste toujours un candidat à la descente aujourd’hui.

Ce n’est pas illogique. Il faut au moins trois mois pour cultiver des automatismes. On ne peut, dès lors, demander le Pérou à ceux qui débarquent en territoire inconnu au mois de janvier. Comme le Brésilien Marcelo chez nous, par exemple, qui, contrairement à un Eric Joly chez les Côtiers, avait encore tout à découvrir dans notre championnat, de surcroît. Sans vouloir le moins du monde pointer un doigt accusateur envers le président Johan Vermeersch, qui se démène corps et âme pour le FC Brussels, je pense qu’il eût quand même été plus inspiré en constituant dès l’été un groupe compétitif, au lieu de procéder au coup par coup. J’ai cru comprendre, à travers ses dires, que certains achats, possibles en janvier, ne l’étaient pas nécessairement quelques mois plus tôt. C’est, ma foi, fort possible. Mais il y a peut-être lieu de se demander s’il n’est pas préférable de délier généreusement les cordons de la bourse à ce moment-là, avec la perspective de vivre à l’abri de la zone dangereuse, plutôt que de tenter un coup de poker plus tard avec le risque de perdre bien plus, au plan financier, avec une relégation en D2. L’argent économisé en prônant la patience représentera toujours moins, à mes yeux, que la garantie d’un séjour prolongé en D1. A fortiori au vu de l’expansion prochaine des droits de télé.

Les mauvais calculs du FC Brussels ne sont-ils pas davantage d’application encore à Mons ?

Bien sûr. Et la preuve est fournie qu’on n’achète pas une équipe performante en un tournemain. Plus de 30 joueurs ont été acquis par les dirigeants montois en l’espace d’une année à peine. C’est une hérésie. Car si une équipe est facteur de talents, elle l’est également d’affinités. Or, il n’est pas possible de développer de tels atomes crochus dans ces conditions. Honnêtement, les Dragons disposent du plus beau noyau, comparé qualitativement à celui du FC Brussels et d’Ostende. Mais en matière de solidarité, ces joueurs-là ne sont nulle part. Dans ce domaine, ils peuvent recevoir des leçons des Côtiers, qui jouent réellement avec leurs tripes depuis le début de ce championnat. Nous-mêmes, au FC Brussels, nous nous situons un peu entre les deux : d’un côté, il y a plus de potentialités chez nous qu’à Ostende, mais au plan de la grinta, nous affichons sans doute un petit déficit, globalement, face à ces mêmes joueurs. Il n’empêche que si nous matérialisons notre sauvetage, ce sera dû essentiellement à l’esprit de groupe. Car les troubles rencontrés cette saison, à tous niveaux, ne nous ont jamais empêchés de nous retrousser les manches.

Dans votre carrière, vous aviez déjà connu un environnement aussi spécial qu’au Brussels ?

Au risque de vous surprendre : oui. Lors de mon arrivée à Ajaccio, faute de machines à laver au club, les joueurs devaient nettoyer leurs affaires à la maison. Ici, dans le pire des cas, nous sommes allés à la wasserette où la poudre et les jetons étaient offerts (ilrit). Comme quoi tout n’est pas toujours nécessairement plus rose ailleurs. Je suis d’avis que l’adversité ne fait jamais de tort. Plus un footballeur est dans l’ouate, moins il a faim de football. A Ajaccio et au FC Brussels, j’aurai vécu le contraire : puisqu’il y a des difficultés extra-sportives, les gars redoublent d’entraide sur le terrain. La seule différence avec la Corse, où il y avait une unité de langage entre les joueurs, c’est qu’ici le contexte est différent, compte tenu de toutes les nationalités dans le groupe. Mais la solidarité est là, c’est certain.

Non à Sergio Brio

Quoi qu’il advienne, n’aurez-vous pas un pincement au c£ur à l’heure des bilans ? Si le FC Brussels se sauve, il sera acquis que Mons descend. Et c’est le club de votre c£ur, non ?

Pour avoir débuté ma carrière professionnelle là-bas, l’Albert ne me laissera jamais indifférent, c’est certain. Et sa relégation éventuelle ne me ferait pas plaisir. Il s’en est d’ailleurs fallu de très peu que je me retrouve chez les Dragons cette saison. L’été passé, je m’étais même entraîné pendant trois jours avec eux. Au bout de ce laps de temps, un contrat de trois ans m’attendait. Je n’avais plus qu’à y apposer ma signature. Mais je ne l’ai pas fait. Après réflexion, je me suis dit que j’aurais tôt ou tard d’épineux problèmes avec Sergio Brio. Ce gars-là, ce n’était pas ma tasse de thé. Comme coach et comme homme, il ne me disait franchement rien qui vaille. Je ne suis pas surpris qu’il ait eu maille à partir, par la suite, avec cette tête de mule d’Olivier Suray, que je connais très bien ( il rit). Si j’avais pu me douter qu’il ne ferait pas de vieux os au stade Tondreau, je me serais probablement laissé tenter. Mais je ne voulais pas courir ce risque. A 22 ans, j’aurais vraisemblablement accepté l’offre. La trentaine venue, vu le petit bas de laine que je m’étais constitué, je pouvais me permettre de voir venir. Et c’est pourquoi j’ai préféré privilégier l’aspect humain plutôt que les considérations matérielles. Ce cadre-là, je le retrouvais au FC Brussels. Avec le recul, j’ai fait le bon choix. Car je ne doute plus d’une issue favorable en championnat à présent. Les Dragons ne peuvent hélas pas en dire autant.

Avec Emilio Ferrera, ne retrouviez-vous pas un succédané de Sergio Brio ?

Oh non. C’est le jour et la nuit entre eux. D’accord, ils sont tous deux des pros jusqu’au bout des ongles. Mais Ferrera est tout de même plus cool. Des histoires comme le fameux pot de Nutella, c’est impensable avec lui, même s’il a ses idées au plan de la diététique sportive. Même si je peux comprendre que certains ont eu des problèmes avec lui, personnellement, je le tiens en haute estime. Mon seul regret, c’est qu’il ne m’ait pas connu sous mon meilleur jour au FC Brussels. Il m’avait fallu reprendre le train en marche cette saison et, même si je m’étais maintenu en condition grâce à l’hospitalité de Soignies, club de 1re Provinciale hennuyère, et de Saint-Symphorien qui évolue en P2, il tombe sous le sens que je manquais de rythme au moment de signer au stade Edmond Machtens à l’automne passé. En réalité, ce n’est que depuis la venue de Waseige que j’ai retrouvé mon rythme de croisière. De façon générale, je ne suis pas mécontent de la saison que j’ai livrée chez les Coalisés. Quoique ma prestation à Charleroi n’aura pas été bien fameuse… C’est probablement mon moins bon match depuis la reprise. Je ne cherche pas de circonstances atténuantes. J’étais tout simplement dans un mauvais jour. Heureusement, à mes côtés, Davy Theunis a réalisé un match dantesque.

Après Charleroi et le Standard, c’est la troisième fois que vous travaillez sous la direction de Robert Waseige. Que vous inspire-t-il ?

J’ai beaucoup d’admiration pour lui. Il avait tout à perdre et pas grand-chose à gagner, à l’évidence, en acceptant l’offre du FC Brussels. Mais son amour du football a été plus fort que tout. Cela en dit long sur lui. J’ai retrouvé le même homme mais, en tant que coach, il a changé. Il est devenu plus philosophe. Vu les heures chaudes qu’a connues le club ces derniers temps, sa pondération est un atout. En pleine tempête, il est important que le grand timonier garde la tête froide.

Bruno Govers

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