Acteur CRÉATIF

L’avocat vedette du sport belge base ses convictions sur une obsession : faire coïncider la règle de droit à un cas auquel elle n’était pas destinée.

Depuis quelque temps, le nom de Maître Laurent Denis (33 ans) est sur toutes les lèvres des amateurs du ballon rond et d’autres sport. La raison : il est avocat spécialisé en droit du sport. Il a récemment obtenu gain de cause dans l’affaire du ballon éclaté au cours du match Anderlecht-La Louvière et d’ Alexandros Kaklamanos et a eu des clients tels que Mbo Mpenza, Sergio Brio et le cycliste Christophe Brandt. On connaît les tenants et les aboutissants de la plupart de ses affaires. Mais qui est l’homme ?

Il est plus aisé de dresser le portait d’un footballeur que celui d’un technicien du droit. Le joueur ne retient que très rarement ses émotions et aime discuter. Interviewer un avocat se révèle plus compliqué. La déontologie, le professionnalisme et peut-être l’intelligence ont pour conséquence qu’il aura plus tendance à mâcher ses mots et sera peu loquace à son sujet.

Laurent Denis ne semble pas apprécier la couverture médiatique de ses affaires mais il ne semblait pas si mécontent de nous recevoir. Paradoxal ?  » Je suis intervenu publiquement chaque fois que cela était justifié. Mais il faut que les journalistes s’informent sur le fond du dossier lorsqu’ils s’intéressent à une affaire.  »

Mais d’où provient cette passion pour le sport ?  » Je pratiquais le tennis. A l’université, j’étais délégué des sports. Je m’occupais en particulier de l’organisation de championnats. Cela m’a permis d’entrer en contact avec des professeurs d’éducation physique. J’ai rencontré mon mentor en la personne du professeur Xavier Sturbois, président de la Commission santé du Comité olympique interfédéral belge. C’est un homme anticonformiste qui a un humour extraordinaire. Il m’a mis en contact avec des personnes très intéressantes et on a passé de longues après-midi à ergoter sur le sport. C’était passionnant ! « .

 » Depuis maintenant cinq ans, je me concentre exclusivement sur le sport « , dit-il.  » Je suis plus connu depuis peu mais de nombreux dirigeants et joueurs travaillent avec moi depuis longtemps. J’ai effectué mes deux candidatures à l’université de Namur et mes trois licences à celle de Louvain-la-Neuve. J’ai eu la chance de rencontrer certaines personnes qui ont joué un rôle déterminant dans mon orientation professionnelle. Notamment Alain Courtois, Robert Andersen, président du Conseil d’Etat, Donald Fallon du COIB et Tom Van Damme, porte-parole de la Ligue vélocipédique belge. Ce dernier m’a offert l’opportunité de tâter un peu le terrain en aidant à l’organisation du Grand Prix Eddy Merckx. En 1996, j’ai participé à Limoges à un séminaire d’un an de droit et gestion économique du sport. Il y avait des gens de tous les horizons. Ce séminaire avait un aspect tant pratique que théorique. Il peut permettre une reconversion pour les sportifs professionnels en marketing ou encore en commerce. En même temps, j’ai obtenu une licence en droit européen. Après mes études de droit, je me suis rendu compte que je n’éprouvais de l’attirance pour aucun domaine juridique spécifique. L’arrêt Bosman a été déterminant pour ma carrière. Il a découlé d’un enjeu économique et d’une nécessité juridique de pallier les problèmes inhérents aux contrats, à la responsabilité et aux assurances dans le monde du sport. Il existe véritablement un avant et un après Bosman « .

Maître Denis l’a bien compris : après Limoges, il a été durant trois ans stagiaire dans le cabinet de Maître Luc Misson, à Liège :  » Puis j’ai décidé d’agir seul et j’ai été engagé chez Van Lint & Associés, un cabinet bruxellois. C’est une sorte d’association d’avocats qui peut offrir des services incorporés. Par exemple, un sportif pourrait régler ses problèmes familiaux via nous « .

Conviction n°1 : il n’y a pas de droit du sport

Mais existe-t-il un véritable droit du sport ?  » Il y a les principes de base du droit du travail mais aussi quelques spécificités. Dans l’application de la loi du 24 février 1978 sur le licenciement pour motif grave, le joueur n’est pas considéré comme un employé classique. Cependant, les spécificités n’altèrent pas la substance du droit social et ne pourraient le faire car il est impératif, on ne peut y déroger. Mais il y a des améliorations à faire. On peut aussi mettre en évidence des règles de concurrence. Un championnat compte plusieurs clubs. Il faut des adversaires. Il ne peut y avoir un monopole sur toutes les parts de marché. Mais le fait qu’il y ait l’incertitude du résultat sportif rend l’élaboration de règles spécifiques compliquée.

Non, il n’y a pas de véritable droit du sport. Jean-Pierre Karaquillo, mon professeur à Limoges, opère la distinction suivante : d’une part, il y a le droit, qui n’a qu’à s’appliquer. D’autre part, il y a la règle purement sportive, inventée pour le sport. Au milieu, la règle sportive et le droit s’affrontent, notamment en termes de transferts et de responsabilité. Par exemple, un tacle manqué peut être considéré comme une faute sportive mais aussi comme une faute civile, voire pénale. Mbo Mpenza a porté plainte contre Nick Peeters, le joueur d’Overpelt qui l’avait sèchement fauché « .

Conviction n° 2 : la règle sportive reste la plus importante

Mais l’intrusion du droit dans le sport n’est-elle pas un peu dangereuse ?  » La règle sportive demeure la plus importante. Il y a des cas de violation de la règle sportive et de la règle de droit. Dans le cas du ballon éclaté à Anderlecht-La Louvière, il y avait erreur d’arbitrage et non d’appréciation de la part de l’arbitre. On ne juge pas uniquement sur les images mais on prend aussi en compte une cause objective : l’éclatement du ballon au moment de la frappe. Le hors-jeu, par exemple, est laissé à l’appréciation de l’arbitre. Il fallait donc annuler le but de Walter Baseggio et le match…  »

Conviction n° 3 : impossible de magouiller

Aux yeux d’aucuns, l’avocat a une image de magouilleur qui marche dans la combine de son client. C’est évidemment un peu gros. Mais qu’en est-il de la conscience l’avocat ?  » Je choisis mes affaires et j’interviens quand j’ai la conviction d’agir dans l’intérêt de mon client. Je ne suis pas le héros qui vient à son secours. Je crois en un équilibre au niveau de la protection. Le droit est toujours mouvant. Il faut continuellement se tenir au courant car l’arsenal juridique est jeune. Mais il est efficace. Pourtant, on ne cesse de s’en plaindre. En fait, mes clients m’exposent leur situation et je les défends en invoquant des règles de droit en les respectant et en choisissant mon argumentation. Je n’invente pas de scénario ! La crédibilité le rendrait impossible. La première question que l’on se pose n’est pas celle de l’innocence mais en prenant en considération le fond du cas d’espèce, je dois avoir la conviction personnelle d’agir pour la juste cause. Les actes des avocats sont limités par la déontologie. On doit aussi connaître la carrière du client et la pratique au sein de son sport. Il est très rare que je rebrousse chemin.

Les avocats sont les garants de la démocratie et assurent la juste application des règles. J’ai une conviction humaniste quand je reçois un client. C’est un rôle de contact et c’est plaisant. Mbo Mpenza est de cette manière devenu un ami. J’adore ce que je fais. C’est un travail de fourmi qui m’oblige à jongler avec différentes matières : le droit social, économique de la concurrence, etc. C’est un travail créateur au quotidien. La création consiste à appliquer la règle de droit à un cas auquel elle n’était pas destinée. C’est un aménagement perpétuel, le but étant d’améliorer le droit « .

Conviction n° 4 : l’avocat n’est pas agent

On a tendance à affirmer que l’avocat est souvent également agent de joueur.  » Cette étiquette n’a pas lieu d’être. Ce sont deux professions différentes. Celle d’agent est légalisée et réglementée par la loi. L’avocat ne peut être un agent qui trouve du boulot pour son client. Personnellement, je regarde le spectacle sportif comme tout le monde. Il est vrai qu’il arrive que des agents me consultent pour trouver une solution par rapport à un club. Je défends les acteurs qui sont les clubs, les joueurs, les entraîneurs et les agents « .

Conviction n° 5 : sport et loi forment un couple imparfait

 » La logique de l’arrêt Bosman a mis en exergue le fait que le sport n’est pas au dessus des lois. Avant celui-ci, on a laissé se créer une économie importante qui a engendré une kyrielle de problèmes. Depuis, les joueurs se sont rendu compte qu’ils n’étaient plus obligatoirement les victimes du système. Dorénavant, il y a un règlement FIFA concernant les transferts qui assure équilibre et protection. La loi est désormais respectée mais le sport aussi. Les footballeurs ne sont pas des employés comme les autres. Il y a donc la nécessité d’accorder une certaine souplesse dans l’application de la loi.

Le problème tient dans le fait que le sport s’est trop développé en dehors des lois. De plus, la plupart des lois sont calquées sur des règles de droit civil. La loi et le sport forment un couple imparfait. Il y a eu une longue période d’adaptation. Au début, les deux parties se sont ignorées. Puis, elles ont fait la guerre pour finalement se réconcilier. Le rôle de l’avocat est d’apporter une solution constructive.

Les m£urs des juridictions sportives ont également évolué. Les droits de la défense sont respectés. Les décisions sont motivées. Les juges sont des juristes et non plus des personnes du milieu sportif. Ces juridictions sont intègres et impartiales et le respect de ces paramètres est assuré devant la FIFA notamment. D’autre part, les amateurs ont maintenant une meilleure connaissance de leurs droits « .

Tim Baete

 » Grâce à l’avocat, on accorde PLUS DE RECONNAISSANCE AU SPORTIF « 

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