Act, do not react !

Après une année de vaches maigres, l’un des favoris du Parc veut remettre les pendules à l’heure.

Il y a un an, Jelle Van Damme se remettait d’une délicate opération à la cheville, qui allait d’ailleurs toujours lui jouer un tour pendable après la trêve hivernale. Aujourd’hui, totalement délivré de ses tourments physiques, c’est en joueur conquérant qu’il veut aborder le nouvel exercice.

La campagne 2008-09 est-elle tout à fait oubliée ?

Jelle Van Damme : En ce qui me concerne, oui. J’ai tourné définitivement la page pendant les vacances. Il ne sert absolument à rien de ressasser le passé. Ça ne changera de toute façon pas le cours des événements.

Quelles leçons en avez-vous tirées ?

J’en retiens deux. La première, c’est qu’il ne faut à aucun moment relâcher l’étreinte sous peine de s’en mordre les doigts. Un championnat, ça peut se jouer sur un seul et maigre petit point, comme nous en avons fait l’amère expérience.

La deuxième ?

On ne doit compter que sur soi-même. En disant ça, je songe notamment à l’épisode du penalty de Bryan Ruiz face au Standard. Au moment même, j’en ai quelque peu voulu au joueur qui n’avait jamais raté une conversion au préalable. Mais tout bien réfléchi, ce n’est pas le Costaricain qui nous a privés du titre. C’est nous seuls qui avons gâché la fête en ne gagnant pas à Tubize.

C’est là que la compétition s’est jouée ?

Il y a eu du gaspi en d’autres circonstances. Contre le Cercle Bruges et Lokeren chez nous, entre autres. Ce qui est particulièrement râlant, c’est qu’on a dérapé dans le match qui, sur le papier, était le plus abordable. Désolé, mais quand on est capable de s’imposer à Westerlo et Genk, on doit être en mesure de le faire à Tubize aussi.

 » La force d’une équipe, c’est sa diversité « 

Il est heureux que Wasyl ait arraché le nul là-bas, sans quoi tout eût déjà été plié ?

Ce n’est pas la première fois qu’on redressait une situation compromise. A diverses reprises, on avait déjà été mené au score auparavant. On est parvenu à redresser la barre la plupart du temps mais à d’autres moments ce fut peine perdue. Le coach l’a souvent répété : Act, do not react, Agir pas réagir. A raison, car il y a eu trop de matches où on n’est pas rentré immédiatement dans le vif du sujet. Et ça ne pardonne pas. Lorsqu’on est Anderlecht, il convient de dicter la marche à suivre et non la subir. C’est ce que je m’efforce de faire.

Au point de figurer parmi les favoris du public, alors que vous n’êtes pas le joueur-maison type ?

La force d’une équipe, c’est sa diversité. Ce n’est pas avec onze Mbark Boussoufa, pas plus qu’avec onze Van Damme qu’on formera une équipe conquérante. Il faut un peu de tout. L’essentiel, comme le faisait remarquer Frankie Vercauteren, c’est le rendement. L’un l’atteint grâce à sa technique, l’autre par son engagement, un troisième encore par son jusqu’au-boutisme. C’est cet équilibre-là qui est important. Par moments, on a accusé un déficit au niveau de la mentalité. Perdre 4-0 à Zulte-Waregem, ce n’est tout simplement pas permis. Ce qui nous a manqué, de temps en temps, c’est une réaction d’orgueil.

Peut-on l’attendre, dans les semaines à venir, d’un noyau qui, hormis l’adjonction d’Ondrej Mazuch et, dans une moindre mesure, de Renan, n’a pas encore changé d’un iota cet été ?

Davantage que d’un voire plusieurs noms, Anderlecht a surtout besoin d’une bonne dose de mentalité. Et il ne faut pas nécessairement la chercher ailleurs. L’année passée, le Sporting a joué de malchance en ce sens que des joueurs à même de lui apporter cette dimension, comme Jan Polak et moi-même, ont été blessés. On ne subira pas toujours ces coups du sort. D’autre part, j’ai le sentiment que le groupe recèle de richesses en profondeur à ce niveau. Je songe à Hernan Losada par exemple, qu’on ne verra jamais non plus baisser la tête. Voilà un gars qui se donne toujours corps et âme et qui fait invariablement contre mauvaise fortune bon c£ur. J’espère que cette saison sera la sienne. Il le mérite tellement.

Pourquoi n’a-t-il pas répondu à l’attente ?

Il a été victime, comme tant d’autres, du syndrome de la première saison ici. Je suis passé par là aussi. Au bout de quelques mois, beaucoup se demandaient si j’avais réellement la pointure pour m’imposer. Je pense m’être rattrapé entre-temps ( il rit). Et ce qui vaut pour moi est d’application pour la plupart des nouveaux venus. Comme l’attente est grande, je pense que beaucoup de joueurs veulent forcer leur talent. Dans le cas de tous ceux qui ont débarqué au Parc Astrid, il y a tout juste un an, je suis d’avis qu’un autre facteur a encore joué : l’élimination européenne contre BATE Borisov. C’est tout de même le genre de mésaventure qu’on traîne comme un boulet. Surtout quand on est un joueur new look. Je suis sûr que l’Argentin dispose du potentiel pour s’imposer. Je trouverais regrettable, en tout cas, qu’il s’épanouisse ailleurs sans nous avoir fait profiter de son talent.

 » J’espère rejouer un jour en Angleterre « 

Il est question, pour l’heure, d’un vague intérêt pour Roland Juhasz, Lucas Biglia et Polak. Mais la seule offre concrète parvenue sur le bureau du manager Herman Van Holsbeeck, ces derniers mois, émanait du Rubin Kazan pour vous. Pourquoi ne pas y avoir donné une suite favorable ?

C’est un choix personnel. Même si ce club est champion de Russie, il ne m’interpelle pas vraiment. A choisir, je préférerais obtenir une deuxième chance en Angleterre, après avoir joué en 2004-05 à Southampton. J’ai 25 ans à peine. Il n’est pas interdit de rêver. Mais je ne suis pas pressé. Après deux années sans sacre, il est temps de rectifier le tir. Et de viser résolument le doublé, pourquoi pas ? Je sens une grande faim dans le groupe. On est tous avides de revanche, manifestement.

N’est-ce pas valable également, pour vous, à l’échelon des Diables Rouges ? Vous aviez songé à mettre votre carrière en veilleuse après que René Vandereycken, vous ait réservé une place en tribune en Turquie ?

Il n’était pas toujours facile à suivre dans ses raisonnements. Un jour, il m’a repris dans le cadre d’un match amical face à l’Allemagne alors que je venais à peine de reprendre le collier au Sporting. C’était peut-être une belle marque de confiance de sa part, mais il y avait quand même de quoi être un peu déconcerté. A Istanbul, je l’aurai été tout autant. S’il ne comptait pas sur mes services pour les besoins de ce match, il aurait mieux valu que je reste à Anderlecht pendant ce temps.

Il avait une dent contre les défenseurs gauchers du Sporting : Olivier Deschacht n’était pas logé à meilleure enseigne ?

Je n’ai pas le sentiment qu’il avait des problèmes avec nous. Sa logique n’était pas la même que la nôtre, c’est tout. Il avait beau être déconcertant, par moments, j’ai toujours eu beaucoup de respect pour lui. Après son éviction, le hasard a voulu qu’on se rencontre à l’une ou l’autre reprise au restaurant De Spork à Zolder. On y a discuté de tout, absolument tout. Excepté de football. Vandereycken n’est sûrement pas un mauvais bougre. Je persiste à croire qu’il a réellement fait le maximum pour l’équipe nationale.

A-t-il servi les joueurs en les surprotégeant ?

C’est peut-être l’impression qu’il donnait dans ses commentaires aux médias mais dans l’intimité du vestiaire, il pouvait être dur. Dans ces moments-là, il n’épargnait rien ni personne. Il y avait en réalité deux Vandereycken : celui qui s’adressait aux représentants de la presse et celui qui livrait le fond de sa pensée aux joueurs. Le message n’était manifestement pas toujours le même.

 » Une dizaine de Belges peuvent briguer à terme le top européen « 

Que vous inspire son successeur, Dick Advocaat ?

Comme tout Néerlandais qui se respecte, il ne s’embarrasse pas de fioritures. J’aime ça. Et je pense que tous ceux qui sont passés par l’école hollandaise, qu’il s’agisse de Jan Vertonghen ou Thomas Vermaelen à l’Ajax, Timmy Simons au PSV voire Moussa Dembélé et Sébastien Pocognoli à l’AZ apprécieront aussi. Avec un gaillard de cette trempe, tous les espoirs sont permis.

Dans quelle mesure votre propre passage à l’Ajax a-t-il eu une incidence sur votre personnalité ?

J’avais 18 ans quand j’ai abouti là-bas. Au départ, je n’osais pas piper le moindre mot dans le vestiaire. A la fin, on n’entendait plus que moi. Peu avant mon départ à Southampton, le T2, Ruud Krol, m’a d’ailleurs dit : – Jelle, tu n’es plus un Belge, tu es un demi-Amstellodamois à présent. Et c’est vrai que je ne m’en laissais pas conter. Ni sur le terrain, ni dans la vie de tous les jours.

Vermaelen marcherait-il sur vos traces à présent ?

J’en ai bel et bien l’impression. Il y a certaines similitudes entre nous, puisque nous sommes tous deux passés du Germinal Beerschot à l’Ajax avant de mettre le cap sur l’Angleterre. A cette nuance près que j’ai pris la direction de Southampton alors que lui vient de rejoindre Arsenal. C’est une tout autre planète. Je suis content pour lui. Je ne doute pas qu’il fera fureur chez les Gunners.

C’est du pain bénit pour les Diables.

Et comment. D’abord Marouane Fellaini à Everton et Vincent Kompany à Manchester City et puis Vermaelen à Arsenal à présent, sans compter ceux qui lorgnent les sommets, comme Dembélé et Eden Hazard. Je peux bien sûr me tromper mais d’ici l’EURO 2012, une dizaine d’internationaux émargeront au gratin du foot européen.

Love all, trust a few, do wrong to none (aimez tout le monde, ayez confiance en quelques-uns et ne faites du mal à personne) : c’est ce qu’on peut lire sur votre bras. N’éprouvez-vous pas des regrets, concernant Oguchi Onyewu, qui vous a accusé d’avoir tenu des propos racistes envers lui à l’occasion du premier test-match pour le titre ?

Je ne tiens plus à m’exprimer là-dessus.

C’est votre parole contre celle de l’ex-Standardman ?

En quelque sorte.

 » Onyewu aurait été le bienvenu chez nous « 

Il a longtemps été question de son arrivée au RSCA. Quid s’il avait signé ici et non à Milan ?

Il aurait été le bienvenu, tout simplement. Tous les bons joueurs sont les bienvenus. Et l’Américain en est un. S’il était venu chez nous, je l’aurais accueilli à bras ouverts.

Ruiz aussi ?

Oui, bien sûr. D’accord, je l’ai maudit après son coup de réparation contre le Standard mais tout ça c’est de l’histoire ancienne. Le passé est le passé. Rideau. Aujourd’hui, je ne songe plus à ce péno. Il serait évidemment une recrue de choix.

Vous allez être papa en octobre : c’est la mode au Sporting.

Incontestablement puisque Michaël Cordier, Marcin Wasilewski, Matias Suarez, Biglia et Juhasz sont passés par là. Je suis le prochain.

Les trois derniers ont eu des filles et, dès avant la naissance, ont révélé son futur prénom. Et vous ?

Je sais ce qui m’attend mais je ne dirai rien. Une chose est sûre : je tiens à assister à la naissance même si je dois faire l’impasse sur un match très important. Il y a des choses beaucoup plus importantes dans la vie que le football. La venue au monde d’un premier enfant en est une.

Cette naissance sera, pour vous, l’heureux événement de l’année. Vous en avez connu un autre, nettement moins réjouissant celui-là : la mort de votre beau-père, Lei Clijsters. Que retenez-vous de lui ?

C’est privé, désolé. Pour toute réponse, je me bornerai à dire : un homme fort, honnête, correct et fantastique. Voilà.

par bruno govers

Au-delà de nouveaux joueurs, Anderlecht a surtout besoin d’une bonne dose de mentalité.

J’espère que cette saison sera celle de Losada. Il le mérite tellement.

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