Abusés de façon PHENOMENALE

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Le directeur général montois fait le gros dos face à une situation sportive toujours aussi précaire.

Chaque match qui passe confirme un constat dressé par la presse et le grand public dès le début de saison, mais que la direction a longtemps cherché à nier : le noyau de Mons est trop juste pour vivre une saison sans souci. Entre-temps, c’est d’ailleurs devenu le discours officiel au stade Tondreau. Le président ne s’en cache plus. Jos Daerden non plus. Le maintien de Mons en D1 passera par un bon boulot lors du mercato d’hiver.

Alain Lommers (48 ans), le directeur général, va donc pouvoir recommencer ses consultations avec des renforts potentiels et des agents de joueurs. Arrivé au club il y a un peu plus d’un an, il en a déjà vu défiler quelques dizaines. On devine que son agenda est plutôt chargé, entre la campagne des transferts, le règlement du gros litige financier opposant l’Albert à Sergio Brio, la rénovation du stade, etc. Sans le dire ouvertement, l’homme avoue qu’il fait quelque part office de pare-chocs face aux coups de c£ur de Dominique Leone…

Alain Lommers : Le président est parfois trop supporter. Moi, j’aime le foot mais je ne suis pas un fanatique. Ma première priorité est d’assurer une bonne gestion du club. L’Albert est une des filiales du groupe industriel de Dominique Leone et je tiens à la gérer comme toutes les autres filiales. Simplement, on ne parle pas ici de briques réfractaires, d’immobilier ou de traitement de déchets, mais de football. Pour le reste, il faut appliquer les mêmes règles de management. En étant conscient que tout est plus difficile en foot qu’en affaires parce qu’il faut tenir compte de paramètres extérieurs qui n’existent pas û ou sont en tout cas beaucoup moins présents û dans un business classique : l’Union Belge, la Ligue Pro, le corps arbitral, l’UEFA. Le contrôle financier est aussi beaucoup plus strict. Une entreprise peut continuer à fonctionner longtemps en perdant de l’argent, alors qu’un club de D1 doit prouver chaque année, en décembre, qu’il a assumé ses obligations financières.

Qu’en est-il exactement des finances de Mons ? Les déficits d’exploitation que l’on cite font peur.

Nous avons perdu 1,5 million la saison dernière mais cette perte a été épongée par une recapitalisation. Il est probable que nous perdrons à nouveau la même somme cette saison : nous avons planifié 5,8 millions de dépenses et les rentrées devraient tourner autour de 4,3 millions. Le but, aujourd’hui, est de limiter les sorties d’argent d’ici le mois de mai, tout en augmentant les recettes. Notre masse salariale actuelle est trop élevée. Mais attention, notre situation n’est pas inquiétante. Mons est peut-être le seul club belge sans dettes. Nous n’avons aucun crédit bancaire : qui d’autre, en D1, peut en dire autant ?

 » Roussel en janvier ? Tout est possible  »

Quelle sera l’enveloppe pour le mercato ?

Nous devrons faire venir de nouveaux joueurs, mais je ne désespère pas d’en voir partir d’autres. Des départs en janvier nous permettraient de moins abîmer nos finances durant le mercato.

Toute la région rêve de Cédric Roussel : un rêve impossible ?

Je suis régulièrement en contact avec lui. Trois jours après sa signature en Russie, il a essayé de casser son contrat pour revenir chez nous. Son retour nous arrangerait évidemment, même s’il est clair que nous avons surtout besoin de renforts défensifs.

L’aspect financier ne sera-t-il pas un obstacle insurmontable ?

Le faire revenir en transfert payant est évidemment exclu. Par contre, nous sommes prêts à discuter d’une location. Mons l’avait fait avec Roussel quand il était toujours sous contrat à Wolverhampton, nous l’avions remis en vitrine et les Anglais ne l’ont pas regretté puisqu’ils ont pu le revendre à un prix intéressant. Pour résumer, Roussel est demandeur pour revenir à Mons mais il connaît nos limites budgétaires.

Est-il exact que le club a dépensé 400.000 euros, l’été dernier, en commissions aux agents qui vous ont aidés à faire partir des joueurs sous contrat ?

Est-ce plus intéressant financièrement de laisser de gros contrats sur le banc pendant toute la saison ?

Ne pensez-vous pas que des joueurs comme Thaddée Gorniak, Liviu Ciobotariu, Eric Joly, Jean-Pierre La Placa ou Claude-Arnaud Rivenet auraient pu vous être utiles cette saison ?

Peut-être, mais il faut savoir tourner la page. Ils sont partis, nous devons faire sans eux. A partir du moment où Brio ne voulait plus de Joly, par exemple, nous n’avions plus le choix : laisser un contrat pareil sur le banc nous aurait coûté très cher.

La dernière mode à Mons, c’est le retour des bannis du noyau C !

Brio était encore là quand nous avons décidé de supprimer ce noyau. Contre son avis : il avait décidé qu’il ne voulait plus voir les têtes de ces joueurs. Nous les avons réintégrés pour plusieurs raisons. On n’a pas le droit d’écarter comme ça des professionnels sous contrat. On ne peut pas être aussi ingrat avec des joueurs qui ont bien rendu service au club. En les reléguant dans l’oubli, on perd toute chance de les vendre à un prix acceptable. Et, encore plus important : ils ont des qualités qui peuvent servir l’équipe Première. Hocine Chebaïki le prouve aujourd’hui, et Marco Casto pourrait le faire demain.

 » Brio a refusé de partir avec les honneurs  »

Parlons de la campagne des transferts de Sergio Brio…

Ce fut compliqué. On en était arrivés au point que tout ce que nous lui proposions ne lui convenait pas. Figurez-vous qu’il y a un an, il ne voulait même pas entendre parler de Wamberto ! Le connaissait-il seulement ? Chaque fois que nous lui suggérions un joueur pas trop cher, il disait que ce gars ne valait rien. Et il nous parlait de renforts hors de prix qu’il avait vus au Brésil. Mais bon, comme il était notre entraîneur, nous avons été obligés de le laisser choisir ses renforts, toujours dans certaines limites financières. Ce club était devenu prisonnier de Sergio Brio. Aujourd’hui, nous nous rendons compte que nous avons été abusés de façon phénoménale.

La façon dont la direction l’a soutenu jusqu’au dernier moment a étonné.

Nous n’étions pas aveugles, évidemment. Mais il a fallu l’affaire Suray pour nous permettre de trancher de façon définitive.

L’affaire Nutella a donc été le dernier clou à son cercueil ?

La première explication, bien sûr, ce sont ses résultats. L’affaire Suray n’a fait qu’ajouter au malaise. Nous avons fini par décider qu’il n’était plus possible de continuer avec Brio. A ce moment-là, nous avons espéré un geste de sa part. Nous lui avons demandé de partir avec les honneurs, d’accepter une rupture de contrat de commun accord. Il a refusé. Ce ne fut qu’une déception de plus. Pendant plusieurs mois, nous avions eu l’impression qu’il travaillait à fond dans l’intérêt du club. Puis, quand il s’est mis à refuser tous les joueurs que nous lui proposions, nous avons commencé à nous poser des questions. Plus tard, nous lui avons demandé de respecter certaines règles stipulées dans son contrat, notamment en matière de relations avec la presse. Cela l’a irrité et a encore tendu les relations. En fin de compte, quand il n’a pas voulu entendre parler d’une rupture de commun accord, sa vraie nature est vraiment ressortie : Brio est un homme d’argent.

On raconte que Giocondo Martorelli et lui se sont bien servis sur les transferts.

Aucune commission n’a été versée à Martorelli. Tous les joueurs arrivés d’Italie avaient un autre agent. Officiellement, en tout cas.

Comment appréhendez-vous votre procès contre Brio ? Etait-il inévitable d’aller en justice ?

Tout à fait. La différence entre ce qu’il demande et ce que nous lui proposons est vraiment, vraiment énorme.

Comment est-ce possible ?

Nous lui proposons le minimum légal : 6 mois de salaire. Nous calculons sur la base de la grille Claeys, dont le concepteur, Maître Claeys, est justement un de nos avocats dans cette affaire ! De son côté, le défenseur de Sergio Brio essaye d’avoir le maximum. C’est de bonne guerre, mais nous ne sommes pas du tout d’accord avec son calcul. Il réclame tous les salaires que Brio aurait dû toucher jusqu’au terme de son contrat (juin 2006) ainsi que l’équivalent financier des avantages qu’il avait quand il travaillait chez nous : logement, voiture, téléphone, etc. Il y ajoute des dommages et intérêts pour le tort que nous aurions causé à l’image de son client. C’est comme cela qu’il arrive à 1,2 million d’euros. Mais bon, c’est une bonne leçon pour le club. Une leçon qui risque de coûter très cher, mais une leçon utile quand même.

 » Nous jouons chez Di Rupo : il peut donner son avis  »

Comment le président avait-il pu aller jusqu’à lui proposer un contrat de cinq ans alors qu’il n’avait jamais rien prouvé comme entraîneur ?

Dominique Leone voulait innover et il était sidéré par l’image que Brio a conservée dans toute l’Italie. Là-bas, il est toujours vénéré comme un dieu, on ne le juge qu’en fonction de son palmarès de joueur avec la Juve. Il faut aller sur place pour s’en rendre compte : c’est incroyable.

Les deux casquettes de Martorelli (agent de joueurs et conseiller sportif de Mons), c’était une construction risquée, non ?

Ce double rôle pouvait effectivement paraître ambigu, mais le président lui avait explicitement demandé de n’utiliser, dans son travail chez nous, que sa casquette de consultant du club. Avec le temps, nous avons compris qu’il travaillait main dans la main avec Brio et qu’il oeuvrait peut-être plus dans son propre intérêt que dans celui de Mons.

Son licenciement pourrait aussi vous coûter de l’argent !

Le prix de la lettre par laquelle nous lui avons signifié que nous renoncions désormais à toute collaboration avec lui…

Mais il peut aussi vous attaquer en justice pour réclamer un dédit ?

Tout est possible s’il va trouver un avocat. Depuis que je suis au club, j’en ai déjà vu beaucoup…

Comment interprétez-vous le départ d’Elio Di Rupo ?

Il a quitté le conseil d’administration simplement parce qu’il manquait de temps pour assister aux réunions. C’est la seule raison.

Il n’était quand même plus d’accord avec la politique du club : il l’a prouvé en envoyant au président une lettre ouverte dans laquelle il n’était pas tendre.

Il avait raison. Nous jouons dans son stade et il pouvait se permettre de donner son avis. De notre côté, nous savions que ses remarques étaient justifiées. Cette lettre ouverte ne nous a pas étonnés : Elio Di Rupo nous avait prévenus avant de la diffuser dans le public.

Pierre Danvoye

 » Le club était devenu PRISONNIER DE SERGIO BRIO  »

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