» A présent, j’inspire confiance « 

Après avoir fait la navette entre le banc et le terrain la saison passée, le médian américain s’est installé dans le onze de base du RSCA cette saison :  » On m’a pris pour le successeur de Van Damme alors que je suis plutôt le clone de Polak « .

Avant son premier match de poule de l’Europa League contre l’AEK Athènes, Anderlecht n’a pas vraiment été poussé dans ses derniers retranchements par Courtrai. Un but avant la pause signé Milan Jovanovic, un autre ensuite de Guillaume Gillet et le tour était joué, avec une clean sheet en sus. Voilà qui est de bon augure à quelques heures d’accueillir les Grecs. Même si l’on peut s’attendre à une opposition beaucoup plus opiniâtre que celle du Kavé.

Sacha Kljestan : Les matches qui précèdent une rencontre européenne sont toujours dangereux. On en a fait l’expérience fin août avec notre 2-2 contre Mons à quatre jours de notre rendez-vous avec Bursaspor au Parc Astrid. Cette fois, l’équipe ne s’est pas fait piéger et n’a pas dû puiser non plus dans ses ressources. C’est ce qui m’incite à dire que nous sommes prêts à entrer dans le vif du sujet en coupe d’Europe.

Malgré l’arrivée de nouveaux joueurs et le retour d’anciens, comme Olivier Deschachtet Marcin Wasilewski contre les Flandriens, tu sembles incontournable dans le onze de base. A quoi l’attribues-tu ?

J’étais déjà titulaire en fin de campagne passée, puis j’ai enchaîné avec la Gold Cup où j’ai joué sept matches de bonne facture au médian défensif. Au bout de cette compétition qu’on a perdue en finale contre le Mexique, je me suis dit que je devais poursuivre sur cet élan. Et c’est pourquoi je n’ai pris qu’une semaine de repos, à Hawaï, avant de reprendre les entraînements à Anderlecht. Au moment de rejoindre mes partenaires, j’étais aussi affûté qu’eux. Du coup, j’ai retrouvé ma place en Première et je ne l’ai plus cédée.

Un fameux contraste par rapport à tes débuts, la saison passée. Tu avais alors commencé en force, avec un but et un assist contre The New Saints, suivi d’un goal sur une demi-volée à Lokeren. Et puis plus rien, tu disparais subitement du onze de base. Quel était le problème ?

Il y en avait plusieurs. D’abord, en tant que nouveau, j’avais peur de mal faire. Du coup, je ne prenais pas le moindre risque sur le terrain. Je me contentais de passes courtes et latérales dans les pieds d’un équipier. Pour moi, j’avais fait l’essentiel à ce moment. Je ne me préoccupais plus de la suite des événements. C’était aux autres à se débrouiller. L’entraîneur m’a fait remarquer, un jour, que même sa grand-mère pouvait faire ça et qu’il attendait autre chose de moi. Je devais non seulement être plus audacieux dans mon passing mais aussi rester disponible pour mes partenaires. Il ne suffisait pas que je transmette le ballon dans les bons pieds, il fallait aussi que je me démarque pour le réceptionner ensuite. Trop simple et trop statique, c’étaient les remarques d’Ariel Jacobs. Et puis, ce qui a joué contre moi aussi, c’est l’élimination du Sporting par le Partizan Belgrade au 3e tour préliminaire de la Ligue des Champions. Chacun a cherché des raisons à cet échec et l’une d’entre elles était le départ de Jelle Van Damme, qui avait joué un rôle-clé dans la conquête du titre quelques mois plus tôt. Comme c’est moi qui le remplaçais dans l’équipe, la critique m’a visé. Alors que je suis tout, sauf un clone de ce joueur. Lui est un pur gaucher, moi je suis droitier. Et, surtout, je n’avais jamais évolué à cette place. Aux Etats-Unis, j’avais joué au 10 ou sur le flanc droit mais jamais de l’autre côté. J’ai eu besoin de temps pour assumer tout ça.

 » On va faire des dégâts cette saison « 

A quel moment as-tu senti le vent tourner ?

J’ai eu l’impression d’une amélioration après la trêve hivernale. Jan Polak était parti et je faisais partie des solutions de rechange. Ce rôle-là me convenait nettement mieux, d’autant que j’avais travaillé à ma condition pendant l’interruption de la compétition. J’étais nettement plus saignant qu’à mon arrivée. Au fil des matches, j’ai alors repris la mission de box-to-box réservée au médian tchèque. J’ai pris plus de risques aussi dans mon jeu, en privilégiant davantage la verticalité. Jusqu’au jour où Mbark Boussoufa nous a quittés à son tour. A ce moment-là, tous les regards étaient à nouveau braqués sur moi. Du jour au lendemain, j’étais orphelin de celui qui était mon prolongement sur le côté gauche. Avec lui, je n’avais jamais eu la moindre difficulté à céder le cuir. Bous venait même le chercher dans mes pieds par moments. Sans son concours, il a fallu trouver de nouveaux repères. On a cru que d’autres joueurs allaient prendre la relève. Mais la transition ne s’est pas faite comme ça. Ce n’est que cette saison, finalement, que son départ a été totalement digéré. Grâce, à la fois, à la venue de joueurs performants comme Milan Jovanovic, Dieumerci Mbokani et, bientôt, Ronald Vargas. Mais aussi à l’affirmation d’un Matias Suarez, par exemple, ou à l’éclosion d’un Fernando Canesin. Il y a quelques mois à peine, on était loin du compte. Et c’est ce qui nous a coûté le titre.

Anderlecht est paré cette saison ?

Oui. C’est peut-être paradoxal de dire ça alors qu’on n’a pas carburé jusqu’ici à la moyenne d’un champion. Mais lorsque tout le monde sera pleinement opérationnel, l’équipe va vraiment faire des dégâts. En principe, on devrait alors rejouer en 4-2-3-1, le système qui était déjà d’application l’année passée. Il me semble davantage taillé sur mesure pour l’équipe actuelle. Par moments, en 2010-2011, Romelu Lukaku avait manifestement éprouvé des difficultés à porter tout seul le poids de l’attaque. C’est logique pour un gars de 18 ans. Mbokani a 7 années d’expérience en plus. Il est au top, alors que Rom est en phase d’apprentissage. Et puis, à gauche, Anderlecht a trouvé avec Jova le successeur tout désigné de Bous. Le Marocain était notre Mister 50 % et le Serbe, avec son talent et son charisme, va le doubler à la perfection. Il est déjà très important aujourd’hui, alors qu’il n’a pas encore retrouvé toutes ses sensations. Vargas est déjà impressionnant à l’entraînement aussi. C’est extrêmement prometteur. Je pense qu’il sera difficile de nous priver du titre.

Tu as trouvé ta place au côté de Lucas Biglia ?

Notre association remonte aux play-offs. Je n’avais pas été titularisé lors des deux premiers matches, contre le Standard et le Club Bruges, qui s’étaient soldés par deux défaites. J’ai été repêché pour les besoins de la 3e rencontre et je ne suis plus sorti du onze de base. J’ai le sentiment que la collaboration est vraiment très bonne entre l’Argentin et moi. En général, il demande le ballon aux défenseurs et le remonte en s’appuyant ou non sur moi. Il est réellement phénoménal dans ce rôle-là. J’ai rarement vu un joueur capable de conserver son calme, comme lui, même lorsqu’il est pressé de toutes parts. Il s’en sort par une roulette, de temps en temps, c’est ahurissant. Entre nous, tout est clair : quand il progresse balle au pied, j’assure la couverture. Et dans le cas inverse, c’est lui qui décroche. Au départ, on avait tendance à rester proches l’un de l’autre. Mais depuis quelques semaines, je me porte déjà plus résolument vers l’avant. Je me suis enhardi car j’ai la confiance de tout le monde. Il y a quelques mois, c’était moins évident. Je devais encore faire mes preuves. Aujourd’hui, je me sens de plus en plus le box-to-box qu’Anderlecht avait décelé en moi. Voici quelques semaines, Herman Van Holsbeeck m’a d’ailleurs fait un beau compliment en me disant qu’il avait enfin retrouvé le joueur qu’il avait vu à l’£uvre aux Etats-Unis. C’est la preuve que je suis dans le bon. Maintenant que j’ai trouvé ma place, j’aspire évidemment à la garder.

 » Je ne me vois pas jouer en Russie « 

Vargas avait eu besoin d’une saison aussi pour s’acclimater. Pourtant, il avait rang d’international lui aussi.

Il n’y a pas que lui. Suarez a souffert aussi. Et les transferts d’été du club n’ont pas la tâche aisée non plus. La Jupiler Pro League n’est pas une compétition facile. Toutes les équipes sont bien organisées et mettent un point d’honneur à bien défendre. Dans ces conditions, il faut jouer vite et juste et c’est là que réside la difficulté. Car moins on a de temps, moins on a d’espaces. C’est déjà flagrant en championnat et plus encore en coupe d’Europe. Pour l’Américain que je suis, la Belgique est réellement une terre idéale pour s’habituer à cette réalité.

Tu as un plan de carrière ?

J’aimerais jouer le plus haut possible tout en tâchant de bien gagner ma vie. Je ne me vois pas accepter n’importe quoi non plus. J’ai du mal à imaginer que je pourrais un jour jouer en Russie. Mais peut-être Bous et Jonathan Legear se disaient la même chose. On ne peut jurer de rien dans ce métier. Tout ce que j’espère, c’est jouer la Ligue des Champions. La saison prochaine, déjà, qui sait ?

En attendant, c’est l’Europa League qui t’attend demain.

L’AEK Athènes, c’est un bon souvenir pour moi. J’avais été titularisé pour ce match, au Parc Astrid, et on l’avait emporté 3-0. C’était mon premier grand rendez-vous européen, après la mise en jambes contre The New Saints, et il avait été d’emblée inscrit sous le signe du succès. J’espère éprouver le même feeling demain. Dans un groupe avec le Lokomotiv Moscou et Sturm Graz, je suis d’avis qu’on a une belle carte à jouer. A nous de mettre les choses au point directement.

Ce match servira aussi de test à la défense, souvent montrée du doigt.

Denis Odoi, Samuel, Behrang Safari, Diogo et même Cheikhou Kouyaté : tous sont nouveaux dans ce secteur. Il ne faut pas les griller mais leur donner le temps de trouver leurs marques. Je suis bien placé pour en parler. J’ai confiance : à l’heure des bilans, en fin de saison, on sera les meilleurs dans chaque compartiment, j’en suis sûr.

PAR BRUNO GOVERS

 » Trop simple et trop statique, c’étaient les remarques d’Ariel Jacobs à mon égard l’année passée. « 

 » Notre 4-2-3-1 devrait être encore plus rentable cette saison. « 

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