« À PRÉSENT, C’EST MOI LE GRAND FRÈRE »

De Camargo n’a pas changé et est revenu d’Allemagne avec un mental d’acier. Le titre, l’Europe, une bonne Coupe du Monde dans son pays natal, rien ne lui fait peur…

A Malines, le grand Igor est monté au jeu à une bonne dizaine de minutes de la fin de la rencontre. Et, à sa façon, avec sa taille, son calme et tout ce qu’il a appris durant les trois ans passés en Bundesliga, De Camargo a apporté sa pierre à l’édifice. Avec lui, l’arsenal offensif des Liégeois est plus complet. Il sera un point d’appui, le porte-avions d’Imoh Ezekiel et de Michy Batshuayi.

Le travail d’harmonisation a commencé et, très populaire, De Camargo est certain d’avoir fait le bon choix avec ce retour à Liège. Mönchenglabach avait investi 5.400.000 euros pour acquérir ses services. Hoffenheim déboursa ensuite 2.000.000 euros pour cette tour offensive : 600.000 euros de location (6 mois) et le solde en guise de maintien en Bundesliga. Dès que son agent Paul Stefani apprit qu’Hoffenheim devait réduire son train de vie et était prêt à céder Igor pour 100.000 euros, il prit langue avec Roland Duchâtelet.

L’affaire fut réglée dans un restaurant italien de Maasmechelen où Duchâtelet, accompagné par Dudu Dahan, intervint pour arrondir les angles en fin de négociations. Il y avait des offres vagues mais, comme le Prince Igor dans un opéra d’Alexandre Borodine, De Camargo avait envie de s’évader et de rejoindre sa ville préférée.

Que retenez-vous de votre passage en Bundesliga ?

De Camargo : Je suis content de mon vécu à Mönchengladbach. Moins à Hoffenheim car je n’y a pas joué beaucoup : l’effectif y était trop court. Maintenant, j’ai 30 ans et je suis plus discipliné, plus rigoureux. Il faut être efficace en Allemagne. Je le suis plus qu’avant. La Bundesliga, c’est une expérience impressionnante. C’est le top. Le Bayern et Dortmund n’ont pas disputé par hasard la finale de la Ligue des Champions. La charge de travail est importante et la réussite en Allemagne passe aussi par la sueur. Mon football est plus complet après de telles expériences. La Bundesliga, c’est une ambiance, des stades bourrés. A Mönchengladbach, il y a toujours 55.000 spectateurs. Sclessin, c’est spécial aussi : ici, la victoire, la hargne et l’amour du football sont au centre du débat. Je connais cette chaleur si particulière et je tenais à la redécouvrir. Le Standard pourrait tenir sa place en Bundesliga.

Dante est au Bayern, vous revenez au Standard : qui a réussi en Allemagne, lui ou vous ?

Les deux. Je suis très content pour Dante qui a mérité son ascension. Il vient de loin. Sa réussite est passée entre autres par Lille, Charleroi, le Standard et Mönchengladbach, moi j’ai la mienne. Dante est heureux à Munich et, moi, je le suis tout autant au Standard. Ce retour, c’est un choix sportif, financier et familial. Tous les feux étaient au vert pour ce transfert. J’ai préféré cette solution à une aventure en Russie. Le Standard est européen aussi : c’est important. Et j’ai un objectif bien précis en tête : prendre part à la Coupe du Monde au Brésil. C’est un rêve, je travaille pour cela. Il n’y a pas de miracle : pour réaliser cette ambition, il faut jouer dans son club, peu importe le championnat. Kaka a des soucis en Espagne et a perdu sa place en équipe nationale brésilienne.

 » Je ne connais pas Oliveira  »

Mais il y a du monde en pointe avec Benteke et Lukaku très en vue en Premier League ; c’est autre chose que notre D1, non ?

Chapeau pour leur succès. Cela donne une idée du niveau des Diables Rouges. Je veux me frotter à une telle qualité, aider l’effectif, faire partie de cette aventure avec mes moyens, ma motivation. Je dois alors être prêt si on fait appel à moi sur le terrain. Il faut de toute façon d’abord mériter sa place dans l’effectif. Pour moi, prendre part à une Coupe du Monde au Brésil, c’est spécial. Avant moi, Luis Oliveira a vécu de belles satisfactions avec les Diables Rouges. J’en ai entendu parler du premier Belgo-Brésilien mais je ne le connais pas. L’équipe nationale, c’est le top niveau pour un joueur. Elle dispose d’une génération exceptionnelle.

Marc Wilmots a assisté à Malines-Standard…

Il a changé la donne en équipe nationale. Le courant passe bien et il a un vécu formidable qui passe par le dialogue, la volonté, le sérieux. C’était le bon choix et il a mis les choses en place. Wilmots est un leader, un patron qui fait bloc avec son équipe. Le team Belgique est en place. Georges Leekens était plus un papa. S’est-il trompé en quittant les Diables Rouges, en plein devenir, pour le Club Bruges ? Il avait ses raisons, la réponse lui appartient.

Le peuple brésilien a manifesté contre les sommes colossales investies dans l’organisation de la Coupe du Monde : votre avis ?

Je le comprends. Je suis opposé à la violence et aux destructions mais ce qui s’est passé est assez normal. Le Brésil, ce n’est pas que Rio, Brasilia et les autres grandes villes. Le pays progresse mais il reste d’immenses problèmes de pauvreté, de prix des soins de santé, de corruption, etc. Alors, quand on augmente le prix des transports en commun et qu’on ne compte pas pour la modernisation des stades, il y a des manifestations qui s’expliquent. Le football est le bien le plus précieux des Brésiliens et une formidable tribune. J’espère que le gouvernement a compris le message et qu’il ne se passera rien lors de la Coupe du Monde.

Même le prix de la visite du Pape a été contesté…

Oui, mais il a fait l’impasse sur des dépenses inutiles.

Le football brésilien ne s’est-il pas trop embourgeoisé ?

Je ne crois pas.

Mais il échappe au peuple, s’est industrialisé, capitalisé ; les stars vivent plus dans leur bulle, souvent spéculative, qu’avant…

Oui, mais cela reste une religion.

 » Luzon : le dynamisme de la jeunesse  »

Le Standard actuel est-il comparable à celui de Michel Preud’homme et de Laszlo Bölöni ?

En football, tout va vite, les époques ne sont pas comparables. Sur le plan offensif, l’équipe du doublé pouvait compter sur Dieu, Jova, Dalmat, moi, Axel etc. C’était le résultat de plusieurs années de mise en place. Il y avait de l’expérience et je me souviens bien sûr des deux titres, de Liverpool qui a tremblé devant nous à Anfield Road. Bölöni n’a pas hésité à se disputer avec Benitez. Cette équipe était en place, au sommet de son cycle, et l’effectif actuel, en construction, dans une nouvelle phase, peut atteindre le même niveau.

Guy Luzon est totalement différent de Preud’homme et Bölöni, non ?

Chaque coach a ses priorités, ses accents, sa manière de travailler. Lizon est jeune et c’est un battant, un gagneur, un offensif. Il offre sa confiance tout en étant dans l’exigence comme c’était le cas de Preud’homme et Bölöni. Luzon est en tout cas animé par le dynamisme de la jeunesse.

Ezekiel et Batshuayi seront-ils vos nouveaux Mbokani et Jovanovic, pour qui vous avez beaucoup bossé ?

J’espère, on verra. Moi, comme les autres, il faudra que je cultive les automatismes. C’est à force d’étudier notre jeu que nous avions trouvé les complémentarités entre nous. Je reculais dans l’axe, eux un peu moins. Imoh et Michy détiennent déjà un bagage formidable. Leur marge de progression est énorme. Et je ne parle même pas de leur vitesse d’exécution. Je dois me situer par rapport à eux et à tout le reste de l’équipe, Mpoku, Bulot, Bia, Vainqueur, Cissé, Buyens, Van Damme. Avant Malines, je n’avais joué avec eux qu’à l’entraînement. Le temps accomplira son oeuvre. En trois bonnes années, je découvre finalement une nouvelle époque.

Vous êtes le grand frère ?

On peut dire cela, oui.

C’est fou le chemin que vous avez parcouru, si je vous dis Heusden Zolder, vous me répondez quoi ?

Apprentissage, tour le monde doit passer par là. Il y a d’autres moments délicats dans une carrière. Je me suis brisé la jambe lors de mon premier match au Standard. A Mönchenglabach, Dante a tout de suite éreinté ma cheville. On apprend partout et si ce que j’ai vécu au haut niveau est agréable, je n’oublierai jamais que mon passage à Heusden Zolder a été très important pour moi, décisif même. C’est là que j’ai franchi un cap décisif grâce à Peter Balette. A l’entraînement, je devais me frotter à Eric Matoukou. Au début, j’étais léger dans les duels. Avec Matoukou, je n’ai pas appris la haine mais bien la combativité, la présence, le jusqu’au-boutisme. Cela m’a donné du métier, très utile ensuite au Brussels et au Standard. Je dois beaucoup à Heusden Zolder. Et au Brussels…

 » Mbokani, c’est la grande classe  »

Vous y avez travaillé avec Emilio Ferrera, Robert Waseige et Albert Cartier…

Ouais, c’étai intéressant. J’y ai vécu deux demi-saisons. Ferrera est très fort tactiquement, tellement même qu’on avait parfois de la peine à le comprendre. Waseige était un motivateur génial avec son humour, le mot juste, une expérience fantastique : c’était du bonheur de bosser sous sa direction. Avec Albert Cartier aussi : il exigeait une concentration totale à chaque entraînement. Cartier m’a appris à ne jamais négliger ce travail au quotidien. Au Standard, j’ai débuté avec Dominique D’Onofrio. Il a été à la base de mon transfert car il cherchait du poids et de la taille pour son attaque. J’ai apprécié son amour du football, son côté latin. Il a accompli un gros travail au Standard…

Si vous deviez choisir : Jova ou Dieu ?

Les deux…

Il faut en désigner un…

Difficile, Mbokani alors. Il a tout. C’est un attaquant polyvalent, fort au sol ou ballon au pied. Il peut marquer à tout moment. C’est la grande classe. Mais si je joue, j’insiste pour avoir Jovanovic à côté de moi pour ses centres, sa lecture du jeu, sa vitesse, ses trouvailles.

Witsel ou Fellaini ?

Wirsel pour la qualité de son jeu, sa touche de balle.

Michel Preud’homme ou Laszlo Böloni ?

Non, pas cela. Impossible…

Si vous ne répondez pas, la prochaine fois, ce sera : Lucien D’Onofrio ou Roland Duchâtelet ?

Ce sera la même réponse que pour Preud’homme et Bölöni : les deux.

Le Limbourg ou Liège ?

Les deux aussi. Je suis d’abord arrivé dans le Limbourg où j’ai été bien reçu et où j’ai même appris l’italien. Je parle aussi portugais, espagnol, français, néerlandais, anglais, allemand.

Une finale de Coupe du Monde ou le titre ?

Hum…

Je n’ai rien entendu…

La Coupe du Monde.

 » Ronaldo, mon idole  »

Neymar ou Ronaldo ?

Le Ronaldo du Brésil. Neymar va crescendo mais n’a pas encore égalé Pelé, le plus grand, Romario ou Ronaldo, mon idole.

Anderlecht ou le Standard ?

Le Standard, c’est ici que j’ai vécu mes joies les plus intenses. Je me souviens de la place Saint-Lambert noire de monde le soir de nos titres.. Le public vit pour cela, nous aussi. C’est le terrain qui décidera. Mais si je suis revenu, c’est pour aller à la Coupe du Monde et lutter pour le titre. ?

PAR PIERRE BILIC ET GEERT FOUTRÉ – PHOTOS : IMAGEGLOBE

 » Je me souviens de la place Saint-Lambert le soir de nos titres : le public vit pour cela, nous aussi.  »

 » Le Standard aurait sa place en Bundesliga.  »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire