» À Liège, c’est un peu comme à Marseille… « 

Le milieu de terrain du Standard revient sur sa découverte de la D1, les vérités des PO1 et la griffe Mircea Rednic.

« Le collectif passe avant tout. L’équipe a besoin de mes services sur le flanc. Cela ne constitue pas un problème pour moi-même si je suis plus fort dans l’axe.  » Frédéric Bulot, le milieu de terrain du Standard, n’a pas décidé de tourner une nouvelle version de la Nuit de l’iguane, célèbre film de John Huston, avec Richard Burton et Ava Gardner. Il a exprimé, tant par ses regards que ses mots, une personnalité positive en visitant le refuge pour Nouveaux animaux de compagnie Crusoé au Sart Tilman. L’existence d’un footballeur se déroule souvent dans une forêt vierge peuplée d’émotions fortes, d’imprévus, de rencontres et d’aventures qui peuvent modifier le cours d’une carrière.

Quel regard jetez-vous sur les PO1 ?

Frédéric Bulot : Pour moi, c’est nouveau, donc surprenant. Cela me fait penser à un grand tournoi où il faut absolument être présent. Les meilleurs prennent part à la Coupe du Monde ou à l’Euro. J’ai vécu cette nécessité avec l’équipe nationale Espoirs en France. Au bout du compte, ce sont les six meilleures équipes de D1 qui animent les P01, c’est indiscutable. Notre qualification ne fut pas facile à décrocher en raison d’un mauvais début de championnat mais, après le changement de coach, notre équipe a changé d’attitude, est montée dans les tours et elle a entamé les PO1 dans cet état d’esprit. Nous sommes passés de la 6e à la 3e place : ce grand tournoi nous convient mais je peux comprendre qu’il n’en soit pas ainsi pour les équipes qui ne sont pas dans notre cas de figure. En ce qui nous concerne, le travail paye, que ce soit tactiquement, collectivement ou physiquement ; c’est très différent par rapport au début de championnat.

Avez-vous été surpris par le style de jeu pratiqué en Belgique ?

Non, pas tellement. Mon frère, Michel, a passé un jour un test à Tubize. Depuis lors, il s’est blessé grièvement, a renoncé au terrain et est sur le point de passer des examens pour décrocher la licence d’agent de joueurs. A l’époque de son essai, j’étais venu en Belgique. J’avais suivi mon ami Habib Habibou lors de deux matches de D1. J’ignorais que je porterais un jour le maillot du Standard même si mon manager est belge, Roger Henrotay. J’ai alors constaté que le niveau technique général était plus élevé en France. Par contre, l’impact physique est plus important en Belgique avec des blocs équipes placés plus bas, une agressivité élevée, d’importantes batailles aériennes et beaucoup de phases arrêtées. Mes premiers constats se sont avérés exacts dès que je suis arrivé au Standard. Ici tout est très dur, surtout face aux petites équipes qui s’enferment à double tour devant leur grand rectangle.

 » Je serais plus à l’aise dans l’axe  »

Vos débuts n’ont-ils pas été plus délicats que prévu ?

Oui. Mais au terme de la saison passée, à Caen, j’ai enchaîné par des matches avec l’équipe nationale Espoirs avec Mangala, Varane, etc. Je n’ai pas eu l’occasion de prendre des vacances, de récupérer avant de signer au Standard avec, en plus, une petite blessure aux adducteurs. Je sais que Valenciennes, Marseille et Saint-Etienne me suivaient mais tout a été très vite entre Caen et le Standard qui a payé 2.000.000 d’euros et réglé des clauses avec mon ancien club. Le petit souci physique ainsi que la fatigue expliquent une mise en route que j’espérais plus solide, c’est vrai. On m’avait dit que j’occuperais une place axiale. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Je peux aussi évoluer sur les côtés, cela ne me dérange pas, mais je serais plus à l’aise dans l’axe.

On devine une pointe de déception…

Non, je cherche une explication. A Caen, j’ai été décisif dans l’axe. Les deux buts que j’ai inscrit contre Anderlecht lors de la phase classique ne sont pas dus au hasard : j’étais dans l’axe, ma zone d’action préférée où mes atouts, le coffre, l’énergie, l’endurance, la vitesse, les appels en profondeur, sont les plus utiles. Je l’ai dit, je n’insiste pas car les gens le savent au Standard. J’aimerais offrir plus. Sur une échelle de valeur de 1 à 10, j’arrive à 6 sur les côtés : dans l’axe, ce serait 8 ou 9. On verra la saison prochaine si je peux occuper une place plus centrale. Dans notre 4-4-2 actuel, avec deux attaquants de pointe, il n’ y a pas de place pour un numéro 10 ans l’axe. Dans mon chef, comme c’est nouveau, cela a quand même demandé une période d’adaptation. Elle est derrière moi maintenant. A notre façon, Mpoku et moi sommes des relayeurs et des créateurs excentrés.

Vos deux buts contre Anderlecht n’avaient-ils pas provisoirement sauvé la tête de Ron Jans ?

Peut-être mais je me souviens surtout de l’ambiance qui régnait dans le stade.

On a dit que vous redoutiez la ferveur explosive de Sclessin, non ?

Je ne crois pas, c’est un atout. Je n’ai pas eu peur de quoi que ce soit. A Liège, c’est un peu comme à Marseille. On s’intéresse au football partout, que ce soit chez le coiffeur, l’épicier ou dans une grande surface. Cette ville est à fond derrière son club. En France, j’ai joué à Marseille, à Lyon, au PSG, à Bordeaux. Ce n’est pas mal non plus comme atmosphère. J’ai l’habitude même si, au Standard, le public est si près du terrain que je l’entends parler malgré le bruit. Il manifeste tout le temps sa présence, c’est très différent par rapport à ce que j’ai connu à Monaco et à Caen. Je l’ai constaté contre Anderlecht : toute la Belgique s’intéresse au Clasico. William Vainqueur m’avait prévenu mais il faut disputer un Standard-Anderlecht pour comprendre ce que cela signifie. La vraie explication de nos soucis d’il y a quelques mois réside dans une entame de championnat ratée par tout le groupe.

 » Jans était trop laxiste  »

La faute à Ron Jans ?

Les choses ne se sont pas mises en place. Ron Jans était un homme chaleureux, pas trop sévère. Même un peu laxiste. Mais c’est un bon coach ; cela aurait pu marcher. La sauce n’a pas pris. Il y a eu un souci de motivation, d’abnégation. Un coach est là pour nous aider mais ce sont les joueurs qui font le boulot. Pour tout ce qui concernait l’aspect technique, Jans était très bon. Le volet mental, c’est différent : les joueurs n’ont pas été trop réceptifs. Or, à ce niveau-là, et pour couler les fondations d’une nouvelle ‘équipe, chacun doit donner 20 % de plus. Jans n’est parvenu à obtenir ce dépassement de soi au profit du collectif, Mircea Rednic bien. Le profil psychologique de notre équipe n’est plus du tout le même. Jans découvrait le football belge, Rednic, par contre, le connaissait et a tout de suite été au coeur du sujet. Son arrivée, c’est certain, a fait beaucoup de bien dans le travail global de l’équipe. Il n’y a plus de similitudes avec le début de championnat.

A ce point-là ?

Sans risquer une comparaison, on a retenu ce que les clubs allemands viennent de réussir en Ligue des Champions. Le Bayern Munich et le Borussia Dortmund regorgent de richesses techniques mais tous les joueurs bossent d’abord pour le collectif. Chez nous, avec nos moyens, cet investissement-là, dans la concentration, le travail de récupération et de pressing, nous inspire. Rednic connaît aussi les exigences du club. Il a directement transmis sa mentalité de compétiteur au groupe. Un effectif s’interroge quand un coach est remplacé. Rednic a tout de suite eu son match référence à Genk. Il a opté pour le 4-4-2 avec Imoh et Michy en pointe, deux finisseurs mais aussi deux attaquants qui sont nos premiers défenseurs. Ils mettent tout de suite la pression sur les arrières adverses. Cela facilite fameusement le travail de récupération. Pour qu’un pressing soit efficace, tout le monde doit y participer. Avec l’aide de Peter Balette, qui assume un rôle important, Rednic a changé pas mal de choses. Jelle Van Damme s’est installé à l’arrière gauche, Kanu est revenu dans le coup en défense. On a adhéré à ce qu’il a mis en place. Et on a immédiatement constaté que cet effectif très jeune disposait de belles potentialités.

Le bloc équipe est souvent placé bas : trop bas ?

Non, cela peut être vrai contre les grosses équipes. Le Standard utilise ses arguments, c’est sage et intelligent. Nous avons les atouts pour nous projeter très vite dans le camp adverse : il serait dommage de s’en priver. Mais nous sommes capables aussi de monopoliser le ballon et de mettre la pression. L’équipe est moins naïve qu’en début de saison. Nous avons trop souvent encaissé des buts sur des contres ravageurs. L’organisation défensive n’était pas au point et nous répétions les mêmes erreurs. Rednic accorde plus d’importance aux mécanismes défensifs. Le 4-4-2 ne bouge pas et tous les joueurs savent ce qu’on attend d’eux.

 » On avance avec les rêves  »

Le dialogue est-il facile avec Rednic ?

Tout à fait. Il est proche de ses joueurs, sait blaguer quand il le faut. Rednic est un malin. Pour bien fonctionner, un effectif doit travailler dans l’exigence mais aussi dans la bonne humeur : on vient à l’entraînement avec plaisir.

Les renforts du mercato d’hiver vous ont-ils inquiété ?

Non, pourquoi ? La concurrence ne me dérange pas. Elle tient un groupe en éveil et le valorise. Il y a deux regards : celui du public et celui de l’intérieur du club. Les supporters et la presse attendent qu’ils cassent tout de suite la baraque. Ce n’est pas toujours possible. Ce sont de bons professionnels. Pour le moment, on a plus vu Diabate que Cristea et Tucudean. Zie a prouvé qu’il peut accomplir son boulot derrière. Pour atteindre notre objectif, on aura besoin de tout le monde jusqu’au bout de cette aventure….

Surtout de Batshuayi et d’Ezekiel : deux phénomènes, ne trouvez-vous pas ?

Entièrement d’accord. Michy va plus à la bagarre que son ami. Il est capable de partir de loin et de passer toute une défense en revue. Un grand talent. Jans l’avait un peu laissé dans son jus. Rednic pas : pour lui, Batshuayi est pétri de talent et il lui a tendu la perche. Imoh travaille plus en profondeur, sent bien les coups, ne lâche rien, est rapide et présent dans le rectangle adverse. Ils se complètent et fonctionnent comme un seul homme dans notre système : c’est impressionnant. Michy a besoin d’Imoh qui n’est plus seul en pointe comme en début de saison.

Vainqueur et Van Damme : quel genre de patrons sont-ils ?

William assume un rôle considérable dans une belle harmonie avec Buyens. Il récupère, relaye, remonte, percute. On avance avec les rêves. C’est le cas de Vainqueur, important au coeur de l’équipe. Je ne connais pas ses intentions pour l’avenir. Tout le monde veut franchir des échelons. Moi aussi mais c’est pour plus tard. En plus de son apport sur le terrain, Jelle a du métier et un gros impact dans le vestiaire et auprès des supporters. Pour nous, il est l’ancien à qui on peut demander un bon conseil en toutes circonstances.

Est-ce que le prochain Anderlecht-Standard ressemblera au dernier Standard-Anderlecht ?

Non, je ne crois pas. Chaque match est différent, Tous les adversaires se connaissent sur le bout des doigts mais les échéances approchent. Le Standard a prouvé ses valeurs et la solidité de son organisation, sauf à Lokeren. Bruges est tombé dans notre piège et a payé la note. A Sclessin, Anderlecht a misé sur un point et l’a obtenu car un 0 sur 6 en début de PO1 aurait constitué une catastrophe. Je ne m’occupe pas des obligations des autres. Nous connaissons les nôtres : une qualification européenne. Le Standard aborde tout cela match après match. Même si la formule des PO1 est bizarre, car tout change chaque semaine, c’est quand même emballant.

PAR PIERRE BILIC – PHOTOS: IMAGEGLOBE/VASILOV

 » Imoh et Michy fonctionnent comme un seul homme.  »

 » Nous avons les atouts pour nous projeter très vite dans le camp adverse.  »

 » Rednic a transmis sa mentalité de compétiteur au groupe. « 

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